Reprise d'une entreprise

Reprise d’une entreprise en difficulté : l’enjeu social

Parallèlement aux problématiques procédurales, économiques et environnementales, le volet social des offres de reprise de sociétés en difficulté conditionne en grande partie le bien fondé d’une offre et ses chances de succès. Si le Code de commerce impose notamment au repreneur d’indiquer dans son offre, « le niveau et les perspectives d’emploi justifiées par l’activité considérée », l’aspect social ne peut être négligé au profit de préoccupations financières.

L’article L 1224-1 du Code du travail prévoit le transfert automatique de l’ensemble des contrats de travail du cédant vers le cessionnaire dès lors qu’il poursuit l’activité d’une entité économique autonome. Par dérogation à ces dispositions d’ordre public, la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 rend possible une compression des effectifs lors d’une cession s’inscrivant dans le cadre d’une procédure collective. L’emploi se trouve donc menacé dans tous les cas de cession d’entreprise en difficulté. L’aspect social de l’offre, dans un contexte où le taux de chômage flirte avec les 10%, est donc central : de l’importance de la prise en compte de cet aspect dans l’offre dépendent ses chances d’aboutir mais également la réussite de la reprise.

Conformément à l’article L 642-5 du Code de commerce, le tribunal retient en effet l’offre qui permet d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé. Il se montre également attentif aux offres qui tentent d’atténuer les effets des licenciements envisagés sur les autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi auxquels elles appartiennent, de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois. Ces efforts entrent en principe dans le cadre de l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi prévue par l’article L 1233-84 du Code du travail pesant sur les entreprises de plus de 1 000 salariés qui procèdent à de grands licenciements collectifs. Or, le régime dérogatoire propre aux entreprises en difficulté, exonère les cédants de cette obligation, qui se traduit normalement par le versement d’une contribution proportionnelle au nombre de salariés licenciés.

Maintien de l’emploi et offre réaliste

Les chances de succès d’une offre passent également par le dialogue social mené par le repreneur avec les organes de représentation du personnel, dès la présentation de son offre. Le dialogue avec le représentant des salariés, qui a un droit de regard sur le plan de cession, et le Comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel auxquels le plan est soumis pour avis, peut faciliter la cession. Les moyens de blocage des institutions représentatives du personnel ainsi que des délégués syndicaux sont en effet nombreux : contestation de la régularité des procédures, contestation du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), mouvements de grève… Apaiser les tensions et les inquiétudes des salariés permet une meilleure acceptation de la restructuration de l’entreprise.

Le repreneur doit avoir à cœur d’optimiser le maintien de l’emploi tout en veillant à ce que son offre soit réaliste et proportionnée. En effet, si le repreneur n’a pas la charge de la rédaction du plan de cession, ce qui l’exonère de responsabilité à l’égard des salariés licenciés lors de la cession, il est lié par le plan. Les dérogations au plan sont en effet très encadrées et limitées par la jurisprudence. Le repreneur qui souhaiterait modifier le plan suite à d’éventuelles difficultés économiques doit saisir le commissaire à l’exécution du plan, sauf à prouver des faits nouveaux réels et sérieux survenus entre la date du jugement ayant arrêté le plan et la décision éventuelle de procéder à des licenciements économiques supplémentaires. Bien évidemment, le licenciement pour motif personnel d’un salarié repris est toujours possible et n’est pas concerné par les obligations du repreneur prévues dans le plan de cession.

Enfin, le repreneur doit être attentif au statut collectif des salariés de l’activité reprise. Ce dernier s’engage en effet, dans le cadre du transfert des contrats de travail, à maintenir les usages et engagements unilatéraux qui en sont les accessoires, sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 janvier 2012 [1] . Les accords négociés seront, eux, automatiquement mis en cause lors du transfert. Quant au sort des différents mandats des représentants du personnel, l’opération de transfert nécessite une autorisation de l’inspecteur du travail qui se doit de vérifier qu’il n’y a pas de discrimination dans le transfert des salariés protégés. Dans le cadre spécifique de la conservation d’une entité autonome, le Code du travail prévoit un transfert des mandats.

[1Cass. Soc., pourvoi n° 10-14.614

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