Reprise : du bon usage

Reprise : du bon usage des outils de restructuration sociale

Après la présentation par le gouvernement de son plan d’action pour les entreprises, trois avocats spécialisés en droit social éclairent les entrepreneurs pour la reprise.

Les avocats niçois Sophie Gomila, Sabria Mosbah et Gilles Garence, membres de l’Association des praticiens en droit social (AAPDS) des Alpes-Maritimes, ont récemment fait le point sur les outils de restructuration sociale en entreprise, lors d’une présentation à distance organisée par la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur.

"Le législateur a mis à notre disposition des outils qui doivent normalement permettre aux chefs d’entreprise de reprendre une activité économique dans les meilleures conditions possibles", a expliqué Me Gilles Garence lors de cette présentation intitulée "La reprise après la crise : restructuration sociale, quels enjeux pour les salariés et les entreprises ?".

Trois outils ont été passés au crible par Maîtres Garence, Mosbah et Gomila : l’activité partielle longue durée (APLD), la modification du contrat de travail et, en dernier recours, le licenciement pour motif économique.

L’activité partielle longue durée (APLD)

Ce dispositif a été créé par une loi du 17 juin 2020. Il est "pour l’instant temporaire puisque normalement ce n’est que jusqu’en juin 2022 que l’on va pouvoir conclure des accords ou rédiger des documents unilatéraux d’activité partielle longue durée", a rappelé Me Garence. "Il s’adresse à toutes les entreprises de droit privé implantées en France, confrontées à une réduction d’activité durable, sans que soit compromise leur pérennité. Il permet à l’entreprise de réduire les horaires de travail de ses salariés. Les heures non réalisées seront indemnisées. L’employeur verse une indemnité et perçoit une allocation de la part de l’ État. En contrepartie, l’entreprise doit s’engager à maintenir l’emploi et favoriser la formation de ses salariés. Il s’agit donc d’une alternative au licenciement économique".
Ce dispositif peut être mis en œuvre soit par négociation (accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe) soit par document élaboré unilatéralement par l’employeur, après accord du CSE (Comité social et économique) s’il existe, et sur la base des prescriptions d’un accord de branche.
Me Garence a également souligné que la réduction de l’horaire de travail ne peut pas être supérieure à 40% de la durée légale, avec des cas exceptionnels où elle peut atteindre 50%. Il n’est pas nécessaire de désigner nommément les salariés concernés. En revanche, les activités et les secteurs concernés doivent être identifiés.

La modification du contrat de travail

"La loi ne dit pas grand-chose mais la jurisprudence définit trois possibilités de modification : celle qui touche à la durée du travail, à la rémunération mais également aux fonctions du salarié", a souligné Me Mosbah. Elle a tenu à préciser qu’il ne fallait pas confondre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail. Un simple changement des conditions de travail s’impose au salarié, sauf en cas d’atteinte excessive à sa vie privée.
Pour modifier la rémunération, il convient d’obtenir un accord écrit du salarié. Sauf exception, l’employeur ne peut pas modifier sans l’accord du salarié la durée du travail mentionnée dans le contrat de travail, même si la rémunération est maintenue. En revanche, il peut affecter le salarié, sans son accord, à une tâche différente, si elle correspond à sa qualification.

Le licenciement pour motif économique

Il est défini à l’article L1233-3 du Code du travail, qui prévoit quatre catégories de motifs économiques : les difficultés économiques, les mutations technologiques, la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation définitive d’activité de l’entreprise.
Dans le cas des difficultés économiques, il est indiqué dans le Code du travail qu’il doit y avoir une évolution significative d’au moins un indicateur économique, comme une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires.
Cela devient significatif si le recul représente, par comparaison avec la même période de l’année précédente, un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, deux trimestres consécutifs pour les entreprises de 11 à 49 salariés, trois consécutifs pour les entreprises de 50 à 299 salariés et quatre consécutifs pour les entreprises de 300 salariés et plus. Me Gomila a relevé qu’il fallait "prouver que les difficultés sont réelles et sérieuses" et qu’elles "doivent s’apprécier au niveau du secteur d’activité de l’entreprise". La procédure de licenciement peut être individuelle ou collective : petit licenciement si de 2 à 9 salariés sont concernés sur une période de 30 jours ou grand licenciement si au moins 10 salariés sont concernés sur une période de 30 jours.

Visuel de Une : Me Sophie Gomila, Me Gilles Garence, Me Sabria Mosbah ont animé le webinaire. DR

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