Sanctions disciplinaires

Sanctions disciplinaires : des habitudes à changer ?

Une simple remontrance adressée par mail à un salarié, sans référence à une quelconque sanction disciplinaire ni même menace de sanction en cas de réitération des fautes commises, peut épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Telle est la surprenante conclusion de l’arrêt de de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 9 avril 2014 (n°13-10939).

Rappel des textes applicables

Nous le savons depuis l’ordonnance du 4 février 1982, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter, immédiatement ou non, la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

En outre, lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il doit convoquer le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

En pratique, deux types de procédures disciplinaires sont donc susceptibles de cohabiter :

-  Une procédure dite simplifiée réservée aux avertissements et aux sanctions qui ne sont pas susceptibles d’avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise. Elle consiste pour l’employeur à notifier par écrit une sanction en la motivant car aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé par écrit des griefs retenus contre lui.

-  Une procédure dite renforcée qui consiste pour l’employeur à convoquer le salarié à un entretien préalable, à lui exposer au cours de cet entretien le motif de la sanction envisagée, à recueillir ses explications puis enfin, le cas échéant, à lui notifier une sanction écrite motivée.

Rappelons qu’en pratique, il est recommandé de retenir par préférence une procédure renforcée, à défaut de quoi la « sanction » notifiée ne peut pas être évoquée à l’appui d’une nouvelle sanction ou d’un licenciement, puisque, par nature, elle n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise (cf. Cass. Soc. 3 mai 2011) !

Une première alerte

Dans un arrêt du 30 janvier 2013, après avoir constaté que la procédure de demande d’explications écrites, en vigueur au sein de La Poste, avait été mise en œuvre à la suite de faits qualifiés de refus d’obéissance, et que les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié étaient conservées dans le dossier individuel de celui-ci, la Cour de cassation en a déduit que cette mesure constituait une sanction disciplinaire.

Une étape supplémentaire

Dans l’arrêt du 9 avril 2014, l’employeur, une banque, avait adressé un mail à sa salariée lui reprochant des manquements aux règles et procédures internes relatives à la sécurité des paiements par carte bleue et l’invitait simplement à se conformer à ces règles et à ne pas poursuivre ce genre de pratiques. En réalité, il ne s’agissait que d’un simple rappel des obligations auxquelles le salarié était tenu et ce mail ne traduisait aucune volonté de notifier une sanction. L’objet du mail était d’ailleurs significatif puisque simplement intitulé : « rappel des règles en matière de paiement par carte bleue ».

Pour autant, la Cour de cassation y a vu l’existence d’un avertissement et a donc considéré que le licenciement notifié à l’intéressée pour les mêmes faits était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En effet, l’employeur ne peut sanctionner deux fois les mêmes faits fautifs (application de la règle "non bis in idem"). Or, s’il est légitime que les juges vérifient le respect de ce principe, encore faut-il qu’une réelle volonté de sanctionner de la part de l’employeur soit établie. Tel n’était manifestement pas le cas dans l’arrêt rapporté, l’employeur s’étant contenté de rappeler à la salariée certaines de ses obligations.

Conclusions

Cette jurisprudence appelle à une grande vigilance dans le contenu des messages susceptibles d’être adressés au salarié qui a un comportement fautif, notamment par email et particulièrement quand le mail émane du responsable hiérarchique direct, ce dernier n’étant pas nécessairement au fait des subtilités de la Cour de cassation. Ce genre de mails pouvait jusqu’alors paraître purement informel et sans conséquence. A tort !

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