Santé au travail : ce (...)

Santé au travail : ce qui a changé au 1er janvier 2017

Suite aux préconisations du Rapport Issindou de mai 2015, la réforme de la santé au travail, débutée avec la Loi Rebsamen du 17 août 2015 et poursuivie avec la Loi El Khomri du 8 août 2016 et son décret d’application du 27 décembre 2016, est entrée en vigueur au 1er janvier 2017.
Face aux mutations du monde du travail, à la crise de l’image de la médecine du travail et à la pénurie de médecins, il est apparu indispensable de moderniser la médecine du travail mise en place il y a 70 ans par la loi du 11 octobre 1946.

Par Marion LE ROUX Avocat au barreau de Grasse -Associé Cabinet Capstan Avocats

Les changements opérés par la Loi El Khomri portent principalement sur le suivi individuel de l’état de santé et la procédure de constatation d’inaptitude.

Suivi individuel de l’état de santé : nouvelles modalités

Avant la réforme, la visite médicale d’embauche donnait lieu dans 95% des cas à la délivrance d’un avis d’aptitude, ce qui a amené à s’interroger sur l’utilité d’organiser systématiquement une visite médicale d’embauche, peu important le poste occupé et l’état de santé du nouvel embauché.
La réforme a pour objet de continuer à garantir un suivi individuel à tous les salariés tout en concentrant l’activité des services de santé au travail sur ceux qui en ont le plus besoin.
On distingue désormais le suivi individuel "normal", le suivi individuel "adapté" et le suivi individuel "renforcé".

- Dans le cadre du suivi individuel "normal", la visite médicale d’embauche et la visite médicale périodique tous les 2 ans sont supprimées. Ce suivi comprend désormais une visite d’information et de prévention et une visite de suivi périodique tous les 5 ans maximum. La visite d’information et de prévention est réalisée après l’embauche dans un délai maximal de 3 mois alors que la visite médicale d’embauche devait être réalisée avant l’embauche et au plus tard avant la fin de la période d’essai.
La visite d’information et de prévention est effectuée par un "professionnel de santé" (médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail ou infirmier). Cette visite donne lieu à la délivrance d’une attestation de suivi et non plus à un certificat médical d’aptitude. L’objet de cette visite n’est plus d’apprécier l’aptitude du salarié au travail mais de l’informer sur les risques liés à son poste de travail, les modalités de suivi, la possibilité de bénéficier d’une visite avec le médecin du travail, le sensibiliser aux moyens de prévention, etc.

- Le suivi individuel "adapté" concerne les - de 18 ans, les travailleurs de nuit, les femmes enceintes, les salariés handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité. Ce suivi comprend également une visite d’information et de prévention mais devant intervenir avant la prise de poste et une visite de suivi périodique tous les 3 ans maximum.

- Le suivi individuel "renforcé" concerne les salariés occupant des postes à risques soit ceux qui bénéficiaient auparavant de la surveillance médicale renforcée (salariés exposés à l’amiante, au plomb, aux agents cancérigènes, etc.). Ce suivi comporte un examen médical d’aptitude intervenant avant la prise de poste, une visite de suivi périodique tous les 4 ans maximum et une visite intermédiaire avec un membre de l’équipe pluridisciplinaire tous les 2 ans maximum. Pour tout salarié, une visite médicale peut être organisée si nécessaire à la demande du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail.

Nouvelle procédure de constatation d’inaptitude

Une nouvelle procédure d’inaptitude : jusqu’alors, la constatation d’inaptitude faisait suite à une double visite de reprise et donnait lieu dans 95% des cas à un licenciement pour inaptitude faute de possibilité de reclassement.

La réforme a pour objet de renforcer la prévention et l’adaptation en développant le dialogue entre le médecin du travail, l’employeur et le salarié, l’objectif étant notamment d’améliorer la recherche de reclassement et de n’envisager le licenciement que comme ultime recours.
Cette nouvelle procédure se construit autour d’un dialogue tripartite renforcé, d’une déclaration d’inaptitude allégée, de 3 cas de licenciement et du transfert du contentieux au juge judiciaire.
-  Le dialogue entre le médecin du travail, le salarié et l’employeur est renforcé afin de favoriser l’adaptation et le reclassement.
Au titre de son rôle de prévention, le médecin du travail peut proposer, après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation, ou de transformation du poste de travail.
Le médecin du travail échange avec le salarié "sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur". Le médecin du travail échange avec l’employeur qui doit "prendre en considération (…) les indications ou les propositions du médecin du travail. En cas de refus, l’employeur fait connaitre au travailleur et au médecin du travail les motifs (…)".
- La déclaration d’inaptitude est allégée en ce qu’il ne sera plus obligatoire pour le médecin du travail de procéder à deux examens médicaux espacés de 15 jours. Un seul examen suffit sauf si le médecin estime qu’un 2ème examen est requis.
La procédure est unifiée car elle est désormais identique que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non (proposition d’un autre emploi approprié, consultation des délégués du personnel, dispenses de reclassement). L’inaptitude intervient après un examen médical, une étude de poste et des conditions de travail et des échanges avec le salarié et l’employeur. L’avis d’inaptitude doit être motivé, "éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement". Le médecin du travail peut désormais expressément dispenser l’employeur de reclassement.
- À défaut de reclassement, le licenciement pour inaptitude pourra être prononcé dans 3 cas : impossibilité pour l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, refus par le salarié de l’emploi proposé, mention expresse dans l’avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement.

Le recours contre la décision du médecin du travail est désormais du ressort du Conseil de Prud’hommes en sa formation des référés.
Il porte sur les "éléments de nature médicale" et doit être formé dans les 15 jours de la notification de la décision pour obtenir la désignation d’un médecin expert. Auparavant, les recours étaient formés devant l’inspection du travail dans les 2 mois.

Cette réforme de la médecine du travail entraine sur le papier de nombreux bouleversements. Reste à voir si sa mise en œuvre pratique par les employeurs et les professionnels de santé sera conforme aux objectifs recherchés.

Photo de Une : illustration DR

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