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Simplifications en droit du travail : ce qui va changer

La loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises comporte un certain nombre de mesures intéressant le Droit du travail. Etat des lieux.

Le contrat à objet défini.

L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 avait instauré à titre expérimental un nouveau type de CDD dont la durée n’était pas déterminée à sa conclusion mais qui s’achevait à la réalisation d’un objet défini. Ce contrat dérogatoire au droit commun était réservé aux cadres et aux ingénieurs et n’était pas renouvelable. La mission pour laquelle il était utilisé devait être comprise entre 18 et 36 mois. Surtout, le recours à ce CDD était conditionné à la signature d’un accord de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise énonçant les nécessités économiques auxquelles ce type de contrat permettait de répondre. Cette expérimentation a été inscrite dans la loi du 25 juin 2008 pour une durée de cinq ans, prolongée d’un an par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013. Le texte a précisé le contenu de l’accord collectif préalable, les clauses spécifiques à ce type de contrat ainsi que les avantages reconnus au salarié en CDD en matière de priorité d’accès à un emploi en contrat à durée indéterminée (CDI) dans l’entreprise, ou d’indemnisation lorsqu’une telle solution ne pouvait être trouvée. Lorsque le salarié n’était pas embauché en CDI à l’issue de son CDD, une indemnité égale à 10 % de sa rémunération totale brute lui était versée. Ce contrat a semble-t-il fait ses preuves dans des secteurs comme la recherche. Toutefois, depuis le 26 juin 2014, il n’était plus possible d’effectuer de recrutements en contrat à objet défini. Le but est ici de pérenniser ce système (art. 6 de la loi nouvelle).

Accompagnement des entreprises sans apprenti.

Les entreprises d’au moins 250 salariés qui comptent, dans leur effectif, moins de 4 % de salariés en alternance (sous la forme d’un contrat d’apprentissage, de professionnalisation, d’un volontariat international en entreprise ou d’une convention industrielle de formation par la recherche) sont redevables de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA). Le taux de cette taxe assise sur la masse salariale, collectée par les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage et dont le produit est affecté aux centres de formation d’apprentis, varie en fonction de l’écart entre la part d’alternants dans l’entreprise et le seuil de 4 % fixé par la loi. Désormais, le ministre chargé de l’Emploi et de la Formation professionnelle est autorisé à transmettre à Pôle emploi la liste des entreprises ayant acquitté la CSA, afin de permettre à l’opérateur d’accompagner et d’aider plus efficacement ces entreprises dans le recrutement de salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Ces mesures entrent en vigueur immédiatement, d’autres dispositions renvoient à des ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution.

Mesures qui renvoient à des ordonnances

Portage salarial.

Le Conseil constitutionnel avait invalidé le 11 avril 2014 la disposition de la loi du 25 août 2008 sur le portage salarial, estimant que le législateur n’aurait pas dû renvoyer aux partenaires sociaux la responsabilité de fixer l’intégralité du régime. Il avait laissé au législateur jusqu’au 1er janvier 2015 pour rectifier le tir. Concrètement, la loi renvoie au gouvernement le soin de statuer par ordonnance, notamment sur la définition des conditions d’exercice de l’activité d’entreprise de portage salarial et de recours au portage salarial, incluant les différents types de contrats de travail, leurs caractéristiques, les conditions d’emploi et de travail des salariés portés et l’indication des garanties qui leur sont applicables.
Temps partiel de 24 h. L’article L. 3123-14-1 du Code du travail issu de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, fixe la durée minimale de travail du salarié à temps partiel à 24 heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif. Cette disposition, applicable depuis le 1er juillet 2014, comporte plusieurs exceptions. Pour les contrats de travail en cours et jusqu’au 1er janvier 2016, la durée minimale de 24 h est applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l’employeur justifié par « l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise ». A partir du 1er janvier 2016, tous les contrats en cours basculent sur une durée minimale de 24 h, sauf si le salarié entre dans une des exceptions prévues. Cette dernière disposition, a provoqué la colère du MEDEF. L’ordonnance visera notamment à « préciser les conditions dans lesquelles un salarié travaillant moins de 24 heures par semaine peut demander à obtenir une durée de travail supérieure ou égale à ce seuil » et à sécuriser le dispositif.

Notion de jour.

L’objectif est d’harmoniser la définition et l’utilisation des notions de « jour » et d’adapter la quotité des jours, dans la législation du travail et de la sécurité sociale. Il existe aujourd’hui en droit français au moins sept notions de jour distinctes. Or, ces subtilités peuvent prêter à confusion. Par exemple, « les délais encadrant la procédure de rupture conventionnelle sont alternativement fixés en jours, jours calendaires et jours ouvrables » (Rapport AN n° 2145).

Développement des titres simplifiés et des guichets uniques de déclaration et de paiement des cotisations et contributions de protection sociale, en tenant compte des conventions collectives particulières.

Il s’agit notamment pour les Urssaf d’offrir aux cotisants des modalités de recouvrement plus simples et mieux adaptées à chacun d’entre eux. L’ordonnance devrait permettre de moderniser plusieurs des dispositifs de titres simplifiés, appréciés par les entreprises et par les particuliers employeurs, en élargissant leur champ, relevant leurs seuils et accélérant leur dématérialisation. Le titre emploi-service entreprise (TESE) serait ouvert aux entreprises comptant jusqu’à 20 salariés, au lieu de 9 actuellement : deux millions d’entre elles pourraient en bénéficier.

Extension du rescrit social

Le rescrit contribue à sécuriser les projets dans la mesure où il constitue « une prise de position formelle de l’administration, qui lui est opposable, sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement dans la demande présentée par une personne et qui ne requiert aucune décision administrative ultérieure » Le Conseil d’État a donc recommandé d’améliorer le rescrit social en recourant davantage à une procédure dématérialisée, allégeant les démarches, notamment pour ce qui concerne la fourniture des pièces justificatives exigées, en publiant à l’initiative du ministère de tutelle davantage de rescrits ayant une portée significative. En droit du travail, le rescrit pourrait être étendu pour garantir aux entrepreneurs la conformité de leur comportement ou de leur projet au regard de la législation visant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de la législation relative à la prévention de la pénibilité, à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés.

Un rapport sur la pénibilité

D’ici le 30 juin 2015, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Après consultation des organisations syndicales et patronales et des branches professionnelles particulièrement concernées par les facteurs de risques professionnels, ce rapport proposera, le cas échéant, des pistes d’amélioration et de simplification du dispositif, tant du point de vue des entreprises, dans leurs obligations de recensement et de déclaration, que des salariés, pour la mobilisation de leurs droits.

Par François TAQUET, Avocat, conseil en droit social

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