Social : La rupture (...)

Social : La rupture conventionnelle sous pression !

Même homologuée, la conclusion d’une rupture conventionnelle n’est pas exempte de risque pour l’employeur. Le consentement du salarié doit être libre, éclairé et non vicié, sous peine de requalification en licenciement abusif, ou nul. Précautions et vigilance s’imposent.

A la lecture de l’article L. 1237-11 du Code du travail, il est flagrant qu’aucune partie ne doit imposer à l’autre son choix de rompre le contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle. Le risque pour l’employeur serait la requalification en licenciement abusif, voire nul, avec les dommages et intérêts afférents.

L’homologation de la rupture conventionnelle par la Directe (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ne protège en rien l’employeur d’une action prud’homale de son salarié pour atteinte à sa liberté de consentement, dans un délai de 12 mois après l’homologation. Or, la majorité des ruptures conventionnelles ne sont formalisées entre les parties que par le document CERFA (nouvellement modifié par arrêté ministériel du 8 février 2012 - JO 17). En supposant que la procédure légale soit respectée (entretiens et assistance, respect des délais de rétractation et d’homologation), ce document ne permet d’établir ni l’absence de pression de l’employeur sur son salarié pour conclure cette convention, ni le consentement éclairé du salarié sur les modalités de la rupture. Comment l’employeur peut-il dès lors se prémunir au mieux contre une action de son salarié pour atteinte à sa liberté de consentement, voire pour vice du consentement ?

Une convention de rupture annexe

Les exemples de vices du consentement sont nombreux. L’erreur du salarié dans la compréhension de l’objet de la convention signée peut être invoquée comme vice du consentement par un salarié illettré ou ne maîtrisant pas la langue française. La violence peut aussi être avancée par un salarié démontrant que son employeur a fait pression pour lui faire signer une rupture conventionnelle, en le menaçant d’un licenciement pour faute grave.
Enfin, conclure une rupture conventionnelle avec un salarié malade n’est pas sans risque : certaines cours d’appel ont déjà retenu que la maladie fragilise le consentement du salarié (CA Versailles 15/12/2011 RJS 3/12 n° 243, CA Toulouse 3/05/2011 RJS 8-9/11 n° 682). Une situation de contrainte impliquant la nullité a déjà été reconnue dès lors que le salarié malade n’était pas assisté (CA Amiens 11/01/2012 BS. 4/12 inf. 358).

Afin d’éviter ce type de litige, un protocole de rupture conventionnelle, annexée à la demande d’homologation, permet de préciser des informations assurant que le consentement éclairé du salarié a été respecté, comme l’assistance du salarié par un traducteur ou de toute personne s’assurant de sa compréhension du document, par un conseil.
Cette convention annexe permet avant tout d’indiquer si le salarié est à l’initiative de la rupture (référence au courrier du salarié sollicitant la rupture conventionnelle), ce qui ne ressort nullement du document de demande d’homologation. Et, par ailleurs, de préciser l’ensemble des diligences de l’employeur pour s’assurer du consentement libre, éclairé et non vicié du salarié, comme notamment :

- le respect d’un délai de convocation suffisant à/aux entretien(s) pour permettre au salarié de préparer convenablement son entretien ;
- le respect de l’information du salarié sur son droit à être assisté pendant l’entretien,
- sur la possibilité de contacter la Direccte et Pôle emploi pour connaître ses droits ;
- la remise d’un projet de protocole de rupture conventionnelle au salarié pendant l’entretien, pour analyse avant signature définitive ;
- le rappel des conséquences en termes de chômage, de délai de carence, ... ;
- le rappel des conséquences de la rupture : situation du salarié pendant la procédure (dispense d’activité, congés…), sort de la clause de non concurrence, du DIF ( droit individuel à la formation), la portabilité des garanties prévoyance, restitution du matériel…

Par ce document annexe, l’employeur se ménage la preuve d’une information complète, donnée dans des conditions permettant au salarié de se renseigner avant de signer, qui rend plus difficile, par la suite, la démonstration d’un consentement extorqué.

Exclure la rupture conventionnelle dans certains contextes

Ces précautions formelles sont d’une faible utilité pour l’employeur dans des contextes laissant présumer une pression sur le consentement du salarié ou encore une volonté d’échapper à ses obligations.

Un contexte conflictuel entre l’employeur et le salarié exclu la présomption de consentement éclairé du salarié en cas de : contentieux opposant depuis plusieurs mois les parties sur le paiement d’heures supplémentaires (CA Lyon 6/01/2012 n° 11/03228), courrier électronique signé de l’employeur signifiant clairement au salarié qu’il entendait mettre fin au contrat de travail ( CA Riom, 3/01/2012 n° 10/02152) ou existence d’un harcèlement moral ( CA Toulouse 03/06/2011). Par contre une sanction disciplinaire, notifiée deux mois avant la signature de la convention de rupture, non contestée par le salarié ne caractérise pas un différent entre les parties, mais témoigne de l’exercice normal du pouvoir disciplinaire de l’employeur (CA Paris 22/02/2012 n° 10/04217).

De même, une rupture conventionnelle conclue sur fond de licenciements économiques, même si elle n’est pas interdite en soi, peut néanmoins être remise en cause dès lors qu’ est démontrée la volonté de l’employeur de contourner les règles procédurales applicables (exemple : plan de sauvegarde de l’emploi, information des représentants du personnel, CA Lyon 11/01/2012 n° 10/08641). Ce contournement relève alors plus de la cause illicite que du vice du consentement, à moins que le salarié ne démontre avoir été lésé (défaut d’information de son droit au Contrat de sécurisation professionnelle et au reclassement).

Enfin, conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en accident du travail ou maladie professionnelle est expressément exclu par l’administration (circ. DGT 2009-5 17/03/2009), et reconnu comme frauduleux et discriminatoire (CA de Poitier 28/03/2012 n° 10/02441), dès lors que l’employeur échappe par ce biais à son obligation de reclassement et à l’indemnité de licenciement doublée.
Une convention annexe est dès lors fortement conseillée pour démontrer le respect par l’employeur du consentement éclairé du salarié et éviter sa condamnation pour licenciement abusif, voire nul.

deconnecte