Sous-location commerciale

Sous-location commerciale : Tout preneur ne vit pas aux dépens de son bailleur

Tout preneur d’un bail commercial qui voudrait faire acte de sous-location se heurte à l’interdiction du Code de commerce. En effet, l’article L. 145-31 du Code de commerce prohibe en principe la sous-location en matière de baux commerciaux. Toutefois, le locataire a bon espoir de déroger à la règle, s’il satisfait aux deux conditions imposées par le texte :
-  Premièrement, le locataire doit obtenir l’accord du bailleur.
-  Deuxièmement, le locataire doit appeler le bailleur à concourir à l’acte.
Attention, ces deux conditions sont cumulatives ! Consentir n’est pas concourir, c’est pourquoi consentir ne suffit pas. Même une autorisation de principe accordée par le bailleur ne dispense pas le locataire de l’appeler à concourir à l’acte de sous-location (1). La sanction peut alors être lourde : si ces conditions ne sont pas réunies, la violation ouvre droit pour le bailleur à une résiliation de plein droit du bail principal, par le jeu d’une clause résolutoire (2). Le bailleur peut également sanctionner son preneur en délivrant un congé prévu par l’article L. 145-17 du Code de commerce, ou refuser le renouvellement du contrat sans indemnité d’éviction (3).
Mais à tout principe, ses exceptions. Un exemple en est offert par un arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation, du 15 avril 2015 (4). Censurant une décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Cour de cassation fait grâce à une société de gestion hôtelière de l’obligation d’appeler son bailleur à concourir.
Un bref rappel des faits et de la procédure s’impose :
Un bail commercial est consenti à une société de gestion hôtelière. Le bail prévoit que les locaux sont destinés à une activité de résidence comprenant notamment le fait de mettre à disposition de la clientèle un hébergement. Pourtant, le propriétaire délivre à la société-preneuse un congé avec un refus de renouvellement et d’indemnité d’éviction, au motif qu’il n’a pas été invité à participer aux contrats de sous-locations consentis par l’exploitant à sa clientèle. Il invoque ainsi l’irrégularité des sous-locations pour mettre fin au bail.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence valide le congé délivré par le propriétaire (5), en exigeant, outre l’autorisation de principe du propriétaire, que ce dernier soit invité à participer aux actes. Le péril est grand pour l’hôtelier qui se voit contraint de vider les lieux, et qui, de surcroît, voit ses obligations alourdies par l’impossibilité d’exploiter son activité sans recours systématique au bailleur.
Mais la Haute juridiction a de quoi rassurer la profession. En effet, la chambre civile casse et annule la décision pour violation de la loi et reconnaît que le bailleur n’a pas à être appelé à concourir aux actes de sous-location lorsque celle-ci consiste en l’objet même de l’activité du locataire, du fait que les lieux loués sont destinés à une activité de résidence hôtelière consistant à mettre à disposition de la clientèle un hébergement et des prestations de services prévues au bail.
Les locataires concernés peuvent louer le pragmatisme des hauts magistrats. En l’occurrence, l’interprétation jurisprudentielle s’appuie sur l’objet de l’activité commerciale décrite dans le bail. C’est tout naturellement que les actes de sous-location, inhérents à l’exercice de l’exploitation consentie au preneur, sont entrés dans le champ contractuel. Nous comprenons alors qu’à ce titre, le propriétaire est réputé avoir donné une autorisation de principe à la sous-location, mais également l’autorisation pour l’exploitant de consentir lui-même aux contrats de sous-location.
En d’autres termes, nécessité fait loi ! Imposer à la société hôtelière le concours systématique du bailleur représenterait une entrave à l’exercice de son activité. C’est ainsi que, sauf à se contredire, ou à organiser une forme d’éviction privant son cocontractant de la liberté d’exploiter son activité, le propriétaire renonce nécessairement à son droit de concourir aux actes. Or, la renonciation à cette condition libère le preneur de l’obligation prévue par l’article L. 145-37 alinéa 2 du Code de commerce (6). Le recours aux dispositions du Code de commerce ne peut donc pas plus contraindre la société-exploitante que justifier le congé-sanction donné à l’expiration du bail.
En conclusion, la jurisprudence rappelle aux propriétaires-bailleurs qu’ « en toute chose, il faut considérer la fin » (7). En se fondant sur la définition de l’objet du contrat, la Cour de cassation reconnaît un aménagement de l’article L. 145-31, consenti par les parties au moment de la formation du bail. La compréhension univoque des prévisions contractuelles rend indispensable la dispense d’appel à concours du propriétaire. La Cour de cassation rend donc un arrêt de bon sens, encourageant l’efficacité économique du contrat, et rappelant ainsi que « la certitude de nos jugements dépend aussi de l’évidence qui les sait paraître nécessaires »(8).

(1) Civ. 3e, 2 nov. 1982, n°80-16723, Bull. civ. III, n°210 ; Civ. 3e 9 juill. 2003, n° 02-11621, ibid, n° 147 ; Civ. 3e, 22 fév. 2006, n° 05-12032, ibid. n° 46 ; 27 sept. 2006, n° 05-14700, ibid. n° 184.
(2) Civ 3e, 27 oct. 1993, n° 91-19563, Bull. civ. III, n° 128.
(3) Civ 3e, 9 juill. 2003, n° 02-11621, préc.
(4) Arrêt destiné à paraître au bulletin.
(5) Au motif que « les clauses du bail commercial, aux termes desquelles le preneur exercera une activité d’exploitation d’un établissement d’hébergement consistant en la sous-location des logements situés dans la résidence pour un usage d’habitation, ne dispensent pas d’appeler le bailleur à concourir à l’acte de sous-location »
(6) Civ. 3e, 15 mars 1989, n° 87-16088 et 87-17134, inédit.
(7) J. de la FONTAINE, Les Fables, « Le renard et le bouc », 1668.
(8) BOYER ARGENS J.-B. (de), La philosophie du bon sens, t. I, § 11, Chez Pierre Paupie, 1765, La Haye.

Par Hania Kassoul, Doctorante au Centre d’Etude et de Recherche en Droit des Procédures, Faculté de Droit et Sciences Politiques de Nice Sophia-Antipolis
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