Sur Internet, le marketin

Sur Internet, le marketing investit le jeu

  • le 22 mars 2011

Face à l’engouement du public pour les jeux sur Internet, les professionnels de la communication tentent de percer le secret de la transformation du joueur en acheteur, ou en fidèle d’une marque.

Chaque jour, 13 millions de personnes s’amusent à élever des cochons ( virtuels) et faire pousser du blé ( également virtuel). Cela se passe dans Farmville, un jeu accessible via Facebook, le réseau social qui revendique plus de 600 millions d’utilisateurs dans le monde. Zynga, l’éditeur de ce jeu, est valorisé à 10 milliards de dollars. Pourtant, les jeux pratiqués via les réseaux sociaux ne constituent pour l’instant qu’un cinquième des jeux électroniques pratiqués dans le monde, en 2011, d’après une enquête de l’institut de sondage, Ifop, menée sur Internet auprès d’un échantillon de population de 18 ans et plus, en février dernier. L’étude a été présentée au cours d’une journée de conférences, « faites vos jeux, la communication devient ludique », organisée par l’Atelier BNP Paribas, le 3 mars à Paris. Car les professionnels de la communication s’intéressent fortement à cet engouement du public pour les jeux électroniques. Et ils estiment, par exemple, que les « advergames », néologisme né de la contraction de advertising (publicité) et de game (jeu), représentent un outil indispensable de la communication des marques sur Internet.

De la communication et des jeux

De fait, les internautes sont volontiers joueurs, d’après le sondage de l’Ifop. Plus de la moitié des personnes interrogées déclarent jouer, et 12% d’entre elles, à fréquence régulière. D’après les spécialistes du secteur, ces jeux sont le plus souvent pratiqués sur ordinateur. Mais les jeux sur mobiles et via les réseaux sociaux, pour l’instant assez faiblement utilisés, constitueraient les grandes tendances de demain. C’est en tout cas sur eux que misent ces professionnels de la communication. Les joueurs, eux, ne sont que partiellement conscients de l’intérêt qu’on leur porte : d’après le sondage, moins d’un joueur sur trois est attentif à la présence de la publicité éventuellement intégrée dans les jeux vidéos. Et ils ne sont que 5% à se déclarer « très » attentifs, un chiffre qui augmente chez les plus jeunes. Par ailleurs, 43 % des internautes interrogés déclarent avoir déjà remarqué des publicités qui se présentent sous forme de jeu, sur Internet.

Du joueur au client

En Asie, les marques tirent déjà parti de ces pratiques, d’après le témoignage de Patrice Nordey, directeur de l’Atelier Paribas dans cette région. Ainsi, un jeu de voitures, très populaire, qui se pratique via un réseau social, intègre les marques des véhicules. Dans ce jeu, les joueurs possèdent des voitures, en achètent d’autres, et échangent des places de parking avec leurs amis. « Les concepteurs ont mis les marques dans le jeu au départ, sans demander aux entreprises concernées. Celles-ci ont préféré sponsoriser plutôt qu’attaquer le jeu en justice » raconte Patrice Nordey. Mieux, pour compléter le dispositif, le constructeur automobile Skoda, a mis sur pied un site spécifique lié au premier, et où il invite les Internautes à un autre jeu, qui leur donne la possibilité de tester un véhicule. « On essaie de transformer le joueur en client » analyse Patrice Nordey. La formule comporte néanmoins quelques limites : « la marque n’est pas forcément positionnée comme elle le veut (…). Les marques n’ont pas forcément envie d’être dans un jeu avec d’autres. Samsung, par exemple, a préféré faire un jeu spécifique sur un réseau social » commente l’expert.

Avalanche ludique

D’autres marques s’y sont mises, et la liste de celles qui ont organisé des jeux sur Facebook, notamment, s’allonge sans cesse. Oasis, fabricant de boissons, Victoria Secret, lingerie intime, les biscuits Oreo… énumère Gabriel Mamou-Mani, fondateur de l’agence Virtuadz, qui mise sur la communication par le jeu sur les médias sociaux. Sur Facebook, « toutes les plus grandes pages fan des marques utilisent des jeux ou des mécanismes de jeux, pour recruter mais aussi pour fidéliser les internautes » commente-t-il. A part vendre, le jeu peut aussi servir à sensibiliser, comme le montre l’exemple d’un jeu sur la violence conjugale, conçu pour une association danoise. « Il a fait un carton sur le plan mondial. Aujourd’hui, il y a des millions d’occurrences sur Google. Le message est passé » estime Gabriel Mamou-Mani.

Geste gratuit

Coté mécanisme du processus, l’aspect ludique peut suffire, il n’est pas toujours nécessaire de faire gagner des cadeaux. C’est le cas, par exemple, du jeu organisé sur sa page Facebook par le Petit Marseillais, qui commercialise des produits d’hygiène et de beauté. « Le jeu s’est imposé, car il va nous permettre de sortir d’une relation commerciale et d’offrir un vrai moment aux gens » n’hésite pas à déclarer Julie Régis, responsable de l’opération chez DDB Paris, l’agence de communication chargée du projet. Et l’application « Mon petit mas » ( de Provence), conçue pour la marque, où l’Internaute est invité à planter des oliviers et prendre du repos auprès d’une piscine, en invitant ses amis, a attiré 13 560 utilisateurs en trois semaines, d’après l’agence.

Plus près de mon jeu

Mais la nouvelle frontière des jeux à vocation communicante, pourrait bien être le smartphone, doté de la potentialité de géolocaliser l’usager. Des marques comme Coca Cola, l’Oréal, ou Seb, par exemple, ont accepté de participer à la « chasse au trésor » conçue par Distribeo, agence spécialisée dans les opérations marketing sur mobile. Concrètement, l’internaute télécharge une application sur son téléphone mobile. Puis, au supermarché « on scanne les codes-barres des produits (indiqués par l’application sur le téléphone mobile), et on gagne des points que l’on peut ensuite échanger avec des cadeaux » explique Eliott Reilhac, directeur général de l’entreprise. L’application semble séduire : en une semaine, 10 000 personnes se sont inscrites au jeu, d’après l’agence.

Le Poulet de la farce

Le succès était également au rendez vous pour l’opération organisée pour Monsieur Poulet, une marque de tee-shirts issu du commerce équitable, pour faire connaitre sa boutique, à Paris. Mobexplore, qui conçoit des plateformes de jeux sur mobile, a mis sur pied un « parcours ludique, avec des étapes » explique Ludovic Buzaglo fondateur de l’entreprise. Guidé par des indications données sur son smartphone, « on explore des lieux, on relève des défis, et on obtient des récompenses » poursuit-il. Les gains sont assez modestes : glaces, tee-shirts … Cela n’a pas empêché 619 personnes de participer au jeu et de relever des défis, comme celui de se photographier devant la boutique. Et, se réjouit Ludovic Buzaglo « Des gens sont venus déguisés en poulet. Ils sont prêts à aller très loin, car ils sont reconnaissants à la marque de leur donner l’occasion de s’amuser ». Reste à vérifier que le déguisement de poulet n’habille pas des pigeons !

Petits joueurs

Cette année, le chiffre d’affaires du marché mondial de l’advergame, ces jeux à vocation publicitaire, s’élève à « 300 millions d’euros » d’après Gabriel Mamou Mani, fondateur de l’agence Virtuadz. Mais il devrait exploser en 2015, d’après l’institut d’études Idate.

Par
Anne DAUBREE

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