(Tempête Alex) Assurances

(Tempête Alex) Assurances : des dossiers d’une extrême complexité

La tempête Alex va demeurer, dans l’histoire des assurances, comme "une catastrophe naturelle atypique". C’est ainsi que Benoît Deville qualifie les événements du 2 octobre 2020. Cet expert, qui dirige le bureau niçois du cabinet Texa Expertises, fait partie des nombreux professionnels qui ont été missionnés par les compagnies pour évaluer les dégâts subis par leurs assurés. À lui seul, il a géré sur le terrain une trentaine de dossiers, souvent très lourds. De quoi définir le particularisme du désastre valléen au regard de ses quinze années d’expérience.

"Les principaux groupes ont une cellule dédiée aux événements de grande ampleur, les EGA, qui leur permet de dimensionner rapidement le besoin d’experts en fonction des premières informations apportées par les médias", explique-t-il. "La tempête Alex est considérée comme un EGA, mais elle n’en est pas réellement un aux yeux de la profession, car elle n’a finalement pas généré autant de dossiers que les EGA habituels". Les quatre vallées (Vésubie, Roya, Tinée et Estéron) plus ou moins touchées sont en effet peu peuplées. "Et on y trouve une grande majorité de propriétaires de pavillons, ce qui limite le nombre de sinistrés et réduit les doublons relatifs aux locataires, comme on le rencontre dans le cas d’inondations de bâtiments en copropriété". Chez Texa Nice, le passage destructeur d’Alex a ainsi engendré quelque 800 dossiers. "Nous en avons eu près de 4 000 après les intempéries de 2015 dans le secteur de Cannes", compare Benoît Deville.

À Tende en hélicoptère

Si le nombre d’expertises nécessaires n’a pas été colossal, leur déroulement s’est avéré extraordinaire. "Le relief, l’éloignement des vallées et les difficiles conditions d’accès ont compliqué l’optimisation de nos tournées. Et nous avons dû être partout dans l’urgence, car nous constituons, pour les compagnies d’assurance, le premier élément de leur présence auprès des sinistrés". Le cabinet niçois a donc reçu des renforts venus d’autres territoires. "Au total, une trentaine d’experts ont été mobilisés". En s’adaptant à l’ampleur de la tâche qui leur a été confiée.
Le groupe Texa Expertises, qui travaille avec la plupart des assurances et mutuelles françaises, a par exemple eu recours à l’hélicoptère pour gagner Tende. "À Saint-Martin-Vésubie, nous avons dépêché deux experts qui ont joué un rôle de relais afin d’aiguiller leurs confrères en fonction de la gravité des cas. Ils sont restés basés dans un hôtel pendant une semaine".

Une indemnisation en deux temps

À l’image des autres catastrophes naturelles, la tempête a causé des dommages variables. Des plus petits aux plus importants. "Mais sa singularité, c’est que nous nous sommes retrouvés face à des terrains ravagés qui n’existent plus", insiste Benoît Deville. "Ils sont partis soit en emportant la maison qui se trouvait dessus, soit en la détruisant au point qu’elle ne soit plus reconstructible et qu’il faille la raser, soit en la laissant en place sans dommage, mais au bord d’une falaise, ce qui la rend inhabitable". Et d’évoquer une dure problématique : "Le contrat d’assurance garantit le bâtiment mais pas le terrain. Et en catastrophe naturelle, seul le dommage direct est garanti". Ce n’est donc pas le cas des préjudices immatériels comme la nécessité de relogement ou la perte de loyer, qui sont considérées comme des dommages indirects.

L’expert niçois, qui reconnaît que les assureurs ont parfois fait preuve d’une certaine clémence avec leurs clients, a identifié deux typologies de sinistrés dans les vallées : "L’autochtone qui vit depuis longtemps dans la maison de famille dont il a hérité et la personne qui a investi dans une résidence secondaire, notamment à Saint-Martin-Vésubie, un coin plutôt prisé". Mais l’un et l’autre sont soumis à une même règle : "Quand la maison a complètement disparu, l’assureur doit le bâtiment à l’identique. Il verse d’abord une indemnité immédiate, vétusté déduite, mais limitée à la valeur du bâtiment au jour du sinistre. Il la complètera ensuite d’une indemnité différée sur présentation des factures de reconstruction". Du moins lorsqu’elle sera permise par l’État, qui doit révéler dans le courant de ce mois de janvier le classement des zones impactées.

Des situations très rares

"Si certains contrats prévoient une reconstruction ailleurs, ce qui donnera lieu au règlement différé, d’autres ne l’envisagent qu’au même endroit. Dans ce cas, si la parcelle est concernée par une interdiction administrative, il y aura des discussions entre le Fonds Barnier, qui a vocation à racheter le terrain, et l’assureur", anticipe
Benoît Deville, qui relève "l’extrême complexité" de certains dossiers découlant de la tempête. Et une autre particularité : "Nous actionnons 100% des garanties des contrats, ce qui est très rare. Pour les sinistres les plus lourds, tous les postes dans une maison sont potentiellement indemnisables, y compris par exemple le forage, la fosse septique...".

Dans ce contexte, impossible de connaître aujourd’hui le montant de la facture d’Alex pour les assurances. "Avancer un chiffre serait encore irréaliste", insiste le spécialiste, qui ne peut évoquer que les montants des expertises effectuées par Texa. "Ils s’échelonnent de 3 000 euros pour un simple dégât des eaux à 800 000 euros pour la perte d’une demeure cossue, voire 2 millions dans le cas d’un hôtel. La plupart des dossiers se situent entre 50 et 150 000 euros".

Photo de Une : Les rivières en crue ont emporté des maisons et des parcelles de terrain. Certains bâtiments ont été épargnés mais se retrouvent en bordure de précipice, donc inhabitables. DR

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