Tout ce que vous voulez

Tout ce que vous voulez savoir sur le compte pénibilité (1/2)

Social Actualité - Mesure phare de la dernière loi sur la réforme des retraites, le compte pénibilité sera mis en oeuvre à partir du 1er janvier 2015. Financé par les entreprises, ce dispositif permettra aux salariés exposés de se former, de travailler à temps partiel ou de cotiser moins longtemps pour la retraite. Six décrets du 9 octobre viennent compléter ce système.

Quels sont les facteurs de pénibilité ?

Les facteurs de pénibilité sont déjà prévus par l’article D. 4121-5 du Code du travail. Certains facteurs seront applicables à compter du 1er janvier 2015 : le travail de nuit, l’activité exercée en milieu hyperbare (travaux sous-marins) , le travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif. Six autres facteurs seront pris en compte un an plus tard : les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit.

Attention ! pour chacun de ces points, des conditions sont requises. Ainsi, par exemple, on considérera qu’un salarié travaillant la nuit est exposé à la pénibilité dès lors qu’il travaille pendant au moins une heure entre minuit et 5h du matin, pendant au moins 120 jours par an.

L’employeur devra-t-il établir, dans tous les cas, une fiche de prévention de la pénibilité ?

Non, il ne devra l’établir que s’il rentre dans un des facteurs de risque et si les conditions requises sont réunies. En pratique, l’employeur sera tenu établir la fiche de prévention pour tout salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de risques au-delà des seuils réglementaires, au terme de chaque année civile, et au plus tard le 31 janvier de l’année suivante.
Cette fiche recensera les facteurs de risque auxquels le salarié a été exposé. Pour les quatre facteurs de risque applicables dès 2015, les premières fiches devront être établies par les entreprises au plus tard le 31 janvier 2016. Pour les six autres facteurs, au plus tard le 31 janvier 2017. Cette déclaration de l’employeur, via la DADS, permettra à la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) d’inscrire sur le compte personnel de prévention de la pénibilité du salarié des points.

A combien de points peut prétendre le salarié exposé ?

Chaque période d’exposition de trois mois donnera lieu à l’attribution d’un point, en cas d’exposition à un seul facteur de risque, et de 2 points, en cas d’exposition à plusieurs facteurs.
Les salariés acquerront, chaque année, 4 points s’ils sont exposés à un facteur de risque professionnel ; 8 points s’ils sont exposés à plusieurs facteurs.

Le nombre total de points pouvant être inscrit sur le compte est fixé à 100 points sur toute la carrière du salarié. Le nombre de points est multiplié par 2 pour les salariés nés avant le 1er juillet 1956.

Les points crédités au compte personnel de prévention de la pénibilité seront attribués sur le fondement de la fiche pénibilité, par la CARSAT. La fiche sera transmise, chaque année, par l’employeur à l’organisme. Une copie sera également transmise au salarié.

Comment peuvent être utilisés les points ?

La loi sur la réforme des retraites fixait trois modes d’utilisation par le salarié :
- se former dans la perspective d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité ;
- réduire sa durée du travail et passer à temps partiel, tout en percevant un complément de rémunération ;
- financer une majoration de durée d’assurance vieillesse et un départ en retraite avant l’âge légal.

Les décrets apportent des précisions.

Les 20 premiers points du compte seront utilisés pour financer une action de formation en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé, dans le cadre d’un abondement du compte personnel de formation. Un point permettra de financer 25 heures de formation. Toutefois, les salariés nés avant le 1er janvier 1960 n’auront pas d’obligation de suivre une formation. Pour ceux nés entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1962 inclus, la réserve de points consacrée à la formation sera divisée par deux, soit 10 points.

Pour un passage à temps partiel, 10 points permettront d’ouvrir droit à un complément de rémunération dont le montant correspondra à la compensation, pendant trois mois, d’une réduction du temps de travail égale à un mi-temps.

Pour la retraite, 10 points ouvriront droit à un trimestre de majoration de durée d’assurance.
Le salarié aura accès à son relevé de points sur le site de la CARSAT.

Comment sera financé le système ?

Le coût du dispositif est estimé à 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards en 2030 et 2,5 milliards en 2040.
Afin de financer le compte, une nouvelle cotisation à la charge des entreprises est prévue :
- une cotisation due par tous les employeurs (fixée à 0,01 % à compter de 2017) ;
- une cotisation spécifique de 0,1% en 2015 et 2016 et 0,2% à compter de 2017 (cotisations doublées en cas de poly-exposition).

Le compte pénibilité met-il fin au document unique ?

Certainement pas. Suite à la directive cadre européenne n° 89/391/CEE du 12 juin 1989, la loi française n° 91-1414 du 31 décembre 1991 a imposé au chef d’établissement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs (art. L 4121-3 du Code du travail). En outre, l’employeur ayant au moins un salarié doit établir un document unique d’évaluation des risques professionnels (art. R 4121-1 et s du Code du travail). Le fait de ne pas transcrire ou de ne pas mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (C trav art R 4741-1). La jurisprudence a même décidé que l’employeur qui omet de formaliser un document unique doit indemniser ses salariés (Cass soc. 8 juillet 2014. pourvoi n° 13-15470).

A partir de l’an prochain, l’employeur devra consigner en annexe du document unique :

- les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles aux facteurs de risque, notamment à partir de l’identification de situations types d’exposition ;
- la proportion des salariés exposés aux facteurs de risques professionnels, au-delà des seuils.

(A suivre)

Un dispositif « anxiogène » pour le Medef

Alors que les décrets viennent de sortir, le président du Medef, réclame l’abrogation « pure et simple » du compte pénibilité. A l’instar des entrepreneurs du bâtiment, secteur à forte intensité de main d’oeuvre, Pierre Gattaz dénonce la complexité du dispositif et son caractère « anxiogène » pour les chefs d’entreprise, en particulier dans les PME. Et estime qu’il va surenchérir le coût du travail.

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