
Trafic de stupéfiants : La préoccupation des procureurs
- Par Sébastien Guiné --
- le 7 février 2025
« Les réseaux de trafic de stupéfiants prennent de l’ampleur » : Les procureurs de la République de Grasse et Nice s’inquiètent des évolutions du trafic de stupéfiants. Avec, en plus, un manque de moyens conséquents pour l’endiguer.

Damien Savarzeix lors de la
rentrée du TJ de Grasse.© SG
« Les trafics de stupéfiants, et toute la délinquance qu’ils engendrent, les violences graves notamment, ne cessent de prendre de l’ampleur », expliquait fin janvier le procureur de Grasse, Damien Savarzeix, lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire (TJ). « Pour vous donner une idée de l’aggravation du phénomène : en 2023, 334 personnes étaient mises en cause pour des infractions de trafic de stupéfiants. En 2024, c’était 412 », poursuivait-il. « Nous en avons tiré les conséquences et la réponse pénale de la juridiction s’est affermie : 209 condamnations à de l’emprisonnement ferme prononcées en 2023 par le tribunal correctionnel, 263 peines fermes en 2024. (…) Pour autant, comme partout sur le territoire, les réseaux de trafic de stupéfiants prennent de l’ampleur. Plus préoccupant encore, on peut constater depuis la fin 2024, une multiplication des comportements d’une extrême gravité, en lien avec le narcotrafic : des enlèvements, des séquestrations suivies de violences et parfois d’homicides, sur lesquels je communique très peu pour ne pas entraver le cours des investigations ».
« Sujet totalement prioritaire »
Son homologue à Nice, Damien Martinelli, s’alarme de l’implication grandissante des mineurs dans ces réseaux. « J’évoquais en septembre dernier la hausse de la délinquance des mineurs. Elle est tout particulièrement forte en matière de trafic de stupéfiants. En 2014 à Nice, la part des mineurs dans les condamnations pour trafic de stupéfiants était de 9 %. En 2023 (les données 2024 ne sont pas encore consolidées), elle est de 29 % », détaillait-il lors de l’audience de rentrée du TJ. « Que devons-nous faire dans cette lutte contre le narcotrafic qui reste notre sujet totalement prioritaire comme l’a demandé le garde des Sceaux dans sa circulaire de politique pénale ? Continuer avec détermination, avec humilité et avec le souci d’adapter et d’articuler en permanence nos modes d’action en étant attentifs à nos concitoyens qui subissent au quotidien les agissements des réseaux. (…) Je veux redire que nous devons nous réjouir de l’attitude de nombreux habitants des quartiers en première ligne qui, au-delà de la peur et de l’exaspération qu’ils ressentent, jouent un rôle central en appelant la police et parfois en communiquant des éléments précieux ». Si le procureur de Nice indique que « la proposition de loi sur le narcotrafic va évidemment dans le bon sens avec de nouveaux outils et de nouvelles structures qui seront précieux », il demande « que les renforts annoncés dans le cadre de la loi de programmation pour la justice, soit deux magistrats et encore un attaché de justice pour le parquet, se concrétisent rapidement. Nous serons encore loin des standards des pays du Conseil de l’Europe mais ce sera évidemment mieux ».
Cartographie

et le procureur de Nice Damien Martinelli
quelques minutes avant l’audience solennelle
de rentrée du tribunal judiciaire de Nice. ©S.G
Même son de cloche à Grasse où Damien Savarzeix a confié qu’il y avait « une moyenne de 3 000 dossiers par magistrat à Grasse » alors qu’en Allemagne « ce chiffre est trois fois inférieur ». Il attend lui aussi des renforts indispensables et milite pour avoir une cartographie des réseaux permettant « un recoupement beaucoup plus puissant de l’information » dans le but de « définir des stratégies d’action territoriales et collectives ».
MM. Savarzeix et Martinelli travaillent tous les deux en parfaite intelligence et savent qu’ils peuvent compter sur le préfet du département dans cette lutte harassante contre le trafic de drogue. « Il faut plus d’enquêteurs et plus de moyens juridiques », reconnaissait récemment Hugues Moutouh. « On a mené dans l’année écoulée de très nombreuses opérations, ce qui prouve la mobilisation des services dans le département : un peu moins de 1 650 opérations centrées sur les stupéfiants, plus de 2 000 gardes à vue. (…) C’est une guerre d’usure. Aucun pays n’a réussi à mener une guerre éclair contre la drogue. Cela demande beaucoup d’énergie, beaucoup de détermination et il ne faut rien lâcher ».