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Travail en détention : Un nouvel élan pour faciliter la réinsertion

Aux Baumettes à Marseille, le restaurant semi-gastronomique « Les Beaux mets » est-il en passe de devenir l’adresse branchée de la cité phocéenne où l’on vient s’évader… autour de bons plats ? Pourquoi pas. Cette table d’un genre un peu particulier, ouverte il y a un an, a déjà reçu à déjeuner un hôte de choix parmi ses 3 500 premiers clients : Éric Dupond-Moretti en personne, venu constater sur place les effets positifs du travail en détention. Installé au sein de la Structure d’Accompagnement vers la Sortie (SAS) du centre pénitentiaire de Marseille, ce restaurant « vise à mettre l’excellence de la gastronomie au service de l’insertion socioprofessionnelle des personnes en fin de détention »

Un projet unique en France qui permet d’accompagner les personnes placées sous-main de justice (PPSJM) en fin de peine vers un projet professionnel. Ce programme dure quatre mois, prévoit un accompagnement complet, du recrutement jusqu’après la sortie. Ce qui permet aux prisonniers « d’acquérir des connaissances professionnelles et des compétences nécessaires à leur réadaptation dans la société. En étant mises en situation réelle de travail, elles adoptent ainsi les postures nécessaires aux métiers de la cuisine et du service en salle  », commente le ministère de la Justice. Durant cette première année, 47 personnes détenues ont été accompagnées dans le cadre du chantier de réinsertion des « Beaux Mets ». 75 % des sortants ont trouvé un emploi ou une formation, assure le ministère. « Le savoir-faire et le savoir-être que les détenus retirent de ce travail sont autant de clés pour leur avenir professionnel et leur évolution personnelle. Les sorties préparées et accompagnées diminuent sensiblement le risque de récidive, à l’inverse des sorties dites sèches », a commenté le garde des Sceaux à l’heure de l’addition. Il a annoncé lors de son passage à Marseille « le programme immobilier le plus ambitieux depuis trente ans avec la création de 2 000 places au sein de structures d’accompagnement vers la sortie (SAS)  ».
Pour ne pas rester sur sa faim, sachez que l’on n’entre pas aux « Beaux Mets  » comme dans un moulin. Casier judiciaire vierge, carte d’identité… Les spécificités de réservation ou d’accès au restaurant ont été pensées pour respecter les règles du milieu pénitentiaire tout en facilitant au maximum l’accueil des convives. Bon appétit !

À savoir
- 600 ateliers pénitentiaires sont opérationnels en France.
- Le travail en détention ne peut être imposé au détenu. Les demandes sont supérieures à l’offre et soumises à une sélection par l’entreprise.
- La production réalisée dans les ateliers pénitentiaires permet un accès facilité aux marchés publics avec une concurrence restreinte.
- L’État finance les cotisations patronales des assurances vieillesse et chômage et s’occupe également des démarches administratives. L’administration pénitentiaire prend en charge les contrats d’emploi pénitentiaire, gère la paye et les déclarations aux organismes sociaux.
- Des détenus travaillent à l’entretien des locaux et au fonctionnement de la vie en prison (cuisine, buanderie, cantine, etc.). Ils sont rémunérés de 20 à 33 % du Smic selon le poste occupé.

Un tour de France des initiatives

Éric Dupond-Moretti a entrepris au printemps dernier un « tour de France » dans une dizaine de maisons d’arrêt pour promouvoir le travail en détention. Il a rencontré à cette occasion des chefs d’entreprise, depuis la TPE jusqu’à certaines du CAC 40, des structures d’insertion par l’activité économique, des associations d’aides aux victimes, pour les convaincre de l’intérêt du travail pour les prisonniers avant leur retour à la vie libre. Plus de 320 entreprises ont fait le choix d’installer tout ou partie de leur activité en détention. Tous les secteurs économiques sont représentés : industrie, tertiaire, artisanat ou agriculture. La production est encadrée par un membre de l’entreprise qui peut accompagner les travailleurs détenus dans leurs missions ou confier cet encadrement à l’administration pénitentiaire. De même, les détenus peuvent exercer de la sous-traitance pour renforcer les capacités de production. Le travail en prison est depuis le 1er mai 2022 encadré par le contrat d’emploi pénitentiaire (CEP). Il précise les obligations et garanties des parties (rémunération, période d’essai, suspension du contrat de travail sans rémunération en cas de baisse temporaire d’activité, absences non rémunérées, possibilité de mettre fin à la relation de travail en cas d’insuffisance professionnelle, indemnités journalières en cas d’accident de travail, etc.).

« Le coût du travail réalisé en prison est moins onéreux qu’en milieu libre  », indique le ministère de la Justice. Le salaire est fixé à 45 % du smic pour le travail de production. Il s’agit d’un plancher, mais rien n’interdit aux entreprises de payer davantage. Autre avantage : la mise à disposition gratuite des locaux. Dans le cadre de la préparation à la sortie de prison, des périodes d’immersion dans l’entreprise et des dispositifs d’embauche facilités en fin de peine sont envisageables. «  En faisant appel au travail en prison, l’entreprise lutte contre la récidive, participe à la sécurité des concitoyens et se positionne comme un acteur engagé en faveur d’une société plus apaisée. Un détenu qui travaille en prison se réinsère plus aisément à l’issue de l’exécution de sa peine et se trouve en capacité d’indemniser les victimes ». C’est le leitmotiv du garde des Sceaux, qui veut atteindre le seuil de 50 % des détenus bénéficiant d’une activité rémunérée d’ici 2027 (31 % actuellement).

Photo de Une : illustration DR

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