Un agent contractuel (...)

Un agent contractuel n’est pas tenu d’informer sa collectivité de sa condamnation pénale

Dans un arrêt du 4 février dernier ( CE 4 février 2015, Centre hospitalier d’Hyères, req. n° 367.724), le Conseil d’Etat vient de préciser aux collectivités publiques le comportement qu’elles doivent adopter lorsqu’elles découvrent qu’un de leur agent a commis une infraction pénale et a fait l’objet, à ce titre, d’une condamnation pénale.

C’est ainsi que dans cette espèce le Centre hospitalier d’Hyères (Département du Var) a recruté en 2002 « Mme B. » en qualité d’agent d’entretien dans le cadre d’un contrat aidé. Cette dernière a bénéficié, à compter de novembre 2007, de contrats à durée déterminée successifs, puis à compter du 1er janvier 2010 d’un contrat à durée indéterminée.

Au cours de l’année 2010, le Centre hospitalier a envisagé de la titulariser dans le corps des agents des services hospitaliers et a demandé, à ce titre, communication du bulletin n°2 de son casier judiciaire.

Or, c’est à cette occasion que le Centre hospitalier a découvert que cet agent avait été condamné par un jugement du Tribunal correctionnel de 2008, devenu définitif, à une peine de trente mois de prison avec sursis pour complicité de trafic de stupéfiants. Plus précisément, il est apparu des motifs de ce jugement que cet agent hébergeait à son domicile son conjoint qui se livrait à un trafic de résine de cannabis pour lequel il a été condamné à huit années de prison ferme par le même jugement et qu’elle s’est rendue coupable de complicité en acceptant que soient conservés à son domicile des substances et des fonds liés à ce trafic.

Le directeur du Centre hospitalier a, alors, décidé, par une double décision de juillet et d’aout 2010, d’une part d’interrompre la procédure de titularisation de l’agent et d’autre part de la licencier à compter du 1er septembre 2010.

La motivation de ces deux décisions reposait sur le fait que les mentions portées sur le bulletin n°2 du casier judiciaire n’étaient pas compatibles avec l’exercice par cet agent de ses fonctions. De plus, le Centre hospitalier soutenait que cet agent avait commis une faute en ne l’informant pas de la condamnation pénale dont elle avait fait l’objet et que cette circonstance était de nature à préjudicier gravement à l’intérêt du service public en portant atteinte à la réputation de cet établissement.

Saisi par l’agent sanctionné, le Tribunal Administratif de Toulon a prononcé l’annulation de la décision de licenciement. La Cour Administrative d’Appel de Marseille a confirmé cette annulation.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a, alors, apporté d’importantes précisions sur les décisions que peut prendre une collectivité publique lorsqu’elle découvre qu’un agent contractuel a fait l’objet d’une condamnation pénale.

Il ressort, ainsi, tout d’abord, de cet arrêt du Conseil d’Etat que le silence de l’agent sur sa condamnation pénale n’est pas fautif. La haute juridiction administrative indique, après avoir étudié l’état du droit, qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à un agent d’informer son employeur d’une condamnation pénale dont il a fait l’objet postérieurement à son recrutement. Appliqué au cas d’espèce, ce principe conduit donc le Juge administratif à considérer que le Centre hospitalier d’Hyères n’est pas en droit de licencier cet agent au motif que ce dernier ne lui pas fait part de sa condamnation pénale, et ce quelle que soit la gravité de cette condamnation.

Si le Juge interdit donc aux collectivités publiques de sanctionner le silence de l’agent, il permet à l’administration, dans un cadre strict, de considérer que cette condamnation remet en cause le contrat conclu avec l’agent.

Le Conseil d’Etat rappelle, ainsi, que la collectivité publique peut considérer que le contrat conclu avec l’agent est entaché d’irrégularité si les motifs de la condamnation pénale sont incompatibles avec les caractéristiques des fonctions que l’agent exerce. Concrètement, l’administration doit vérifier si l’agent contractuel peut continuer à exercer ses fonctions au regard des motifs qui ont conduit à sa condamnation pénale. En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que le Centre hospitalier d’Hyères avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la condamnation pénale empêchait cet agent de service d’exercer correctement son emploi d’agent d’entretien. Pour ce faire, le Juge administratif a pris en compte le comportement irréprochable de l’agent dans l’exercice de son emploi et a considéré que le risque que cet agent vole, dans le cadre de ses fonctions, des produits pharmaceutiques stupéfiants n’était pas établi. Le Centre hospitalier n’était donc pas en droit de considérer que le contrat était irrégulier.

Enfin, bien que ce rappel ne soit pas nécessaire en l’espèce, le Conseil d’Etat indique, également, que l’irrégularité du contrat ne permet pas à la collectivité de licencier de manière automatique l’agent.
Le Juge rappelle, ainsi, à la collectivité qu’en cas d’irrégularité du contrat, elle doit proposer un autre emploi à l’agent afin de régulariser sa situation.

Par Maître Antoine ALONSO GARCIA
Avocat au barreau de Paris
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