95 ème Congrès des maires

95 ème Congrès des maires : Hollande cherche à apaiser les maires

Face aux maires réunis en congrès, le président de la République a répondu à de nombreuses interrogations. Mais il a demandé aux élus des « efforts », sans préciser comment ils se concrétiseraient.

Ce mardi 20 novembre, des milliers de maires ont pris place dans le grand hall du palais des congrès de la porte de Versailles. Le président de la République doit arriver d’une minute à l’autre. Profitant d’un moment de flottement, Nicole Thomas, maire de Bischwiller (Bas-Rhin), lit, au nom d’un collectif de « maires pour l’enfance », une déclaration où il est question du « mariage pour tous », de « vraie révolution » et de « famille ». Inquiet de la tournure que prend cette intervention, Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF) interrompt l’élue. Par chance, à cet instant, François Hollande est annoncé et le congrès peut commencer.
Le mariage des couples de même sexe reviendra plusieurs fois dans les débats. Dans son discours, en forme de cahier de doléances, Jacques Pélissard évoque « un sujet dont la sensibilité aurait justifié une véritable concertation ». Il ajoute que les maires sont disposés à « respecter » la loi. Mais le président de la République a compris le message. De fait, la plupart des quelque 37 000 maires de France dirigent des communes rurales. Le mariage gay ne fait pas partie de leurs préoccupations. Même les maires de la majorité ne semblent pas tous convaincus. « Si on enlève Paris et quelques grandes villes, ce texte concerne combien de personnes ? », s’interrogeait tout haut, le mois dernier, Bernadette Laclais, députée-maire (PS) de Chambéry.
Face aux maires, François Hollande tient à se montrer conciliant. La loi devra s’appliquer, mais « il y a aussi la possibilité de délégation, et toujours la liberté de conscience », lâche-t-il, recevant une salve d’applaudissements. Le lendemain, face au tollé, le Président annoncera qu’il « retire » l’expression « liberté de conscience ».

Du baume sur les plaies

La phrase faisait partie d’un ensemble de propos destinés à calmer les édiles. Lui-même premier magistrat de Tulle de 2001 à 2008, François Hollande évoque « le bonheur d’être maire ». Face aux élus, il retrouve un ton de campagne électorale : « Vous donnez beaucoup de votre temps, et ce que vous recevez en retour n’est pas coté sur un marché ni évalué par une agence ». La phrase est bien accueillie. En ces temps de restriction budgétaire, les maires se sentent parfois mal aimés. « L’an dernier, on nous disait que nous étions trop nombreux et que nous étions un fardeau », affirmait, plus tôt dans l’après-midi, André Laignel, maire (PS) d’Issoudun et secrétaire général de l’AMF. Le président de la République connaît les mots qui apaisent : « les collectivités ne sont pas responsables de l’augmentation de la dette publique. Depuis une décennie, c’est l’Etat qui dépense trop », lâche-t-il, s’attirant à nouveau des applaudissements.
Le chef de l’Etat multiplie les signes. « Des moyens » seront dégagés pour inciter « 200 médecins » à investir les « déserts médicaux ». Un « statut de l’élu » sera institué. Et les rythmes scolaires adaptés. Le retour à la semaine de quatre jours et demi, annoncé par Vincent Peillon, ministre de l’Education, avait inquiété. S’ils étudient trois heures de plus le samedi ou le mercredi matin, les élèves doivent quitter l’école une heure plus tôt, trois jours par semaine, amenant les communes à financer des activités périscolaires. La réforme se fera, mais elle « s’étalera sur deux ans », affirme le président de la République.
Pour aider les maires à financer leurs projets, François Hollande a enfin annoncé la création, « début 2013 », d’une « agence de financement », en fait une banque, dotée de 20 milliards d’euros réservés aux « investissements à très long terme ». La structure sera notamment financée par un fonds d’épargne alimenté par les sommes déposées sur le livret A, dont le plafond a récemment été relevé.

Complexe organisation territoriale

Mais la sollicitude du chef de l’Etat n’est pas gratuite. Au lendemain du jour où l’agence Moody’s a dégradé la note de la France, le Président rappelle que le pays « ne peut plus contourner les décisions difficiles » et demande aux élus « des efforts ». Sans préavis, la dotation de l’Etat destinée aux collectivités locales va baisser à partir de 2014. Au total, dans les années qui viennent, 2,2 milliards d’euros devraient échapper aux collectivités.
François Hollande ébauche toutefois quelques recettes pour limiter la dépense publique. A commencer par la rationalisation des normes. Le chef de l’Etat propose d’effectuer « une étude d’impact avant la rédaction de toute norme nouvelle », tout en étant conscient que cela ne suffira pas. « J’imagine que la question des normes est un rituel lors de chaque congrès », laisse-t-il tomber.
François Hollande avance encore la limitation des « frais de structure » qui s’additionnent partout en raison du nombre élevé de collectivités, de la multiplication des échelons et de la « clause de compétence générale » permettant à chaque collectivité d’intervenir dans tous les domaines. Comment procéder concrètement ? L’orateur n’en dira pas davantage. Le « nouvel acte de décentralisation » qui fait l’objet d’une loi présentée en avril 2013 au Parlement, sera peut-être plus précise. « Il est possible de limiter les doublons et les procédures. Pour cela, il faut une concertation entre l’Etat, les collectivités et les opérateurs sociaux », décryptent quelques conseillers de l’Elysée, dépêchés en salle de presse après l’intervention du chef de l’Etat.
Cette rationalisation devra toutefois s’accommoder de la complexe organisation territoriale de l’Hexagone, à laquelle le président de la République ne veut pas toucher. « La collectivité territoriale, c’est la commune », lâche-t-il, certain d’être applaudi, aux maires réunis porte de Versailles.

Hollande super star

Ils ont sorti leur smartphone et le portent bien haut devant eux. Comme des adolescents cherchant à immortaliser leur star préférée, les maires n’ont d’yeux que pour le chef de l’Etat, qui parvient à la tribune au milieu d’une foule compacte de photographes et de cameramen. Assis aux côtés du maire de Paris et du président de l’Association des maires de France (AMF), le président de la République relit ses notes. Un peu plus loin ont pris place les principaux personnages de l’Etat, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Bel, Claude Bartolone et Jean-Paul Delevoye, ce dernier étant président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) mais aussi ancien président de l’AMF. Plus loin encore, pas moins d’une vingtaine de ministres assistent au discours du chef de l’Etat. Les groupies ne seront pas venues pour rien. Comme souvent, François Hollande leur a réservé quelques bons mots. Le cumul des mandats ? « Ici, vous n’êtes pas concernés. Enfin, pas tous ». La péréquation entre communes ? « Tout le monde est pour l’égalité, mais à condition de recevoir presque autant qu’on a donné ». Les couacs de la majorité ? « Etre maire, c’est assurer la gestion des conflits. En même temps, il n’est pas besoin d’être maire pour vivre ça ». Sourires garantis.

Visuel : Photos Libres

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