Crise : de bienveillants stress tests

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  • le 13 mai 2009

Jusqu’à quel point les autorités peuvent-elles se déconsidérer ? Au vu de l’intensification planétaire de la propagande, l’information officielle la plus anodine promet de devenir suspecte aux yeux des citoyens les plus crédules. La manipulation systématique ne saurait être l’arme idéale pour sortir de la crise.

Bourse

Si vous ne comprenez absolument pas l’évolution actuelle des cours de la Bourse, ne vous alarmez pas outre mesure. Vous n’êtes pas soudainement frappé d’autisme, vous n’êtes pas contaminé par le virus du crétinisme alpin qui vous aurait transformé en minus habens. C’est tout simplement que les derniers mois boursiers échappent complètement aux méthodes traditionnelles d’analyse des marchés. Demandez donc ce qu’ils en pensent aux chartistes, ceux qui mettent l’évolution du marché en diagrammes, en histogrammes ou en vagues – conformément à la théorie d’Elliott. Tous les signaux étaient présents pour les encourager à vendre, ce qu’ils ont fait. Et ils se retrouvent en caleçons courts : leurs modèles sont redevenus haussiers sans que la correction attendue ait eu lieu. Pour la grande majorité des actionnaires tranquilles, ceux qui préfèrent accorder leur confiance aux « fondamentaux », la stupeur n’est pas moindre : en deux mois, les marchés ont regagné plus de 30%. Il faut dire qu’au train où dégringolent les statistiques alarmantes sur l’emploi, la consommation et les résultats des entreprises, rien n’incitait vraiment l’épargnant rationnel à acheter hardiment. Faut-il croire en conséquence que se cache quelque part un gisement de profits futurs, un retournement de conjoncture spectaculaire, une bonne fée qui viendra bientôt transformer la citrouille dépressionnaire en carrosse de félicité ? Faut-il croire, comme ne cessent de le ressasser nos autorités, que nous vivons un simple cauchemar qui prendra fin aux douze coups de minuit ? De telles supputations sont charmantes, mais ne sont hélas pas plus crédibles que l’histoire de Cendrillon.

L’un des premiers facteurs (techniques) qui a dynamisé les Bourses, c’est la limitation ou l’interdiction des ventes à découvert, qui a bridé les velléités baissières. Sur les valeurs financières, partout dans le monde, ou sur l’intégralité de la cote, comme en Italie, dont l’indice de référence milanais a regagné 50% depuis son plus bas du mois de mars. Mais ce qui est troublant, c’est la relative modicité des échanges qui a accompagné cette hausse. Comme si le ramassage avait été le fait de mains peu nombreuses, mais confiantes dans leur stratégie. A qui pensez-vous ? On va se hasarder ici à émettre une hypothèse. En dépit de leurs bilans brinquebalants, les banques disposent d’un important matelas de cash, provenant des généreuses subventions publiques et de leur mauvaise volonté à prêter à qui que ce soit – notamment à leurs consœurs sur le marché interbancaire. Il faut bien faire quelque chose de l’argent, n’est-ce pas ? Si l’on est banquier et que l’on sait que les autorités mettront le paquet pour calmer le jeu, alors peut-on recommander aux salles de marché de ne pas se montrer avares dans les achats, quitte à devoir payer des bonus crapuleux aux traders…

Entre mensonge et omerta

Un fait troublant vient nous mettre la puce à l’oreille. Un certain Stephen Friedman, qui a remplacé l’actuel Secrétaire au Trésor Tim Geithner à la tête de la Banque de Réserve fédérale de New York, a démissionné récemment de son poste avant d’être frappé par la foudre. Car il avait acquis, sur son portefeuille personnel, près de 100 000 actions de la banque Goldman Sachs en décembre et janvier derniers. Sur lesquelles son bénéfice actuel s’élève à plus de 3 millions de dollars. Au moins ne peut-on pas accuser Friedman d’incompétence en matière de prévision financière… La preuve de ce remarquable talent d’anticipation vient d’être apportée par les résultats « officiels » des fameux stress tests bancaires, destinés à mesurer leur exposition aux risques à venir. On admirera la façon dont la FED a présenté l’affaire, en « sommant » les grandes banques américaines de se recapitaliser à hauteur de… 75 milliards de dollars. Risible : le montant en cause a fait l’objet de « négociations » avec les banques concernées. C’est un peu comme si le Tribunal négociat avec un criminel patenté le nombre de Pater et d’Avé à réciter pour sa contrition. Les seules estimations du FMI représentent quatre fois le montant des besoins ainsi officialisés, et encore ne sait-on pas comment a été calculée l’exposition aux « toxines ». Si l’on en croit les rumeurs qui ont circulé dans la presse, le secteur bancaire allemand – qui n’est pas réputé être le plus intoxiqué – aurait besoin de plus de 800 milliards d’euros de fonds propres supplémentaires ! Quinze fois plus que son homologue américain. Mais sans doute ces calculs ont-ils été réalisés selon une « méthodologie » différente de celle retenue par les autorités US, pour reprendre la formulation acide de Jean-Claude Trichet à l’égard du FMI, jugé trop alarmiste.

On notera que la BCE se refuse obstinément à publier quoi que ce soit sur l’état réel du système bancaire européen. Si bien que le pékin ne dispose, pour se faire une idée de la situation, que des mensonges éhontés des autorités américaines, ou de la loi du silence imposée par l’Institut d’émission européen. Voilà une curieuse conception de la « transparence ». En conséquence, il ne faudra pas s’étonner si les Bourses, portées par un nouvel élan d’optimisme frelaté, poursuivaient un temps leur galop haussier, permettant ainsi aux banques de se défausser à bon compte sur la Veuve de Carpentras. Combien de temps un tel climat d’irréalité peut-il perdurer ? On ne le sait. Mais les porteurs d’actions seraient bien inspirés de jeter un œil sur l’historique des fluctuations boursières lors de la crise des années 1930. Le plus gros de la baisse ne s’est pas fait dans la première phase de la dépression. Loin de là…

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