Des entreprises s'engagen

Des entreprises s’engagent à améliorer leurs relations avec leurs fournisseurs

  • le 12 juillet 2010

Une nouvelle vague d’entreprises a signé la charte des bonnes pratiques entre donneurs d’ordres et PME. Cet engagement volontaire est supposé protéger les petites entreprises des acheteurs professionnels peu scrupuleux. Mieux que la loi ?

Une « survivance de la crise »

Pour Christine Lagarde, la charte des bonnes pratiques entre donneurs d’ordres et PME, née de la crise, devra aller au delà, pour « changer la donne des relations » entre les acteurs économiques, a déclaré la ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, le 28 juin, à Bercy. La démarche s’inscrit dans le train gouvernemental de mesures qui visent à améliorer les conditions des PME, durement touchées par la crise. Ce 28 juin, une deuxième vague d’une trentaine de grandes entreprises et de grands opérateurs publics a donc signé cet engagement. Celui ci est destiné à améliorer les relations entre ces acteurs économiques, dans le cadre des politiques d’achat. Au total, ce sont à présent 200 milliards d’euros d’achats annuels, soit 25 à 30% du volume des achats réalisés par les grandes entreprises françaises et 30% du crédit inter entreprises, qui sont concernés par les principes édictés par la charte. Cette dernière, établie par la médiation du crédit aux entreprises et la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (CDAF), a été signée pour la première fois par une vingtaine d’entreprises, le 11 février dernier.
Concrètement, parmi les bonnes pratiques citées par la charte, figure notamment le respect des délais de paiement, la gestion prévisionnelle des commandes, une maîtrise des risques de dépendances réciproques dans la relation entre client et fournisseur et la prise en compte des enjeux environnementaux dans la production.

Stratégie de filière

« Les leaders de filière ont la nécessité d’intégrer la globalité de la filière dans leur stratégie. Améliorer son propre bilan sans tenir compte de l’amont est suicidaire » a déclaré Jean-Claude Volot, médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance, citant en exemple la politique industrielle de Toyota, le constructeur automobile japonais. « Dans nos métiers de services, une partie de la relation client est sous-traitée avec une série de partenaires, comme les centres d’appel. Il est évident que la qualité et la continuité de la relation avec le sous-traitant est un enjeu de la qualité de la relation avec le client » a illustré Stéphane Richard, le nouveau PDG de France Telecom, signataire de la charte. Le groupe effectue des achats pour 6,5 milliards d’euros par an et compte quelques 25 000 personnes qui travaillent pour l’entreprise en sous-traitance. A l’inverse, « Les PME doivent comprendre la nécessité d’une stratégie d’indépendance vis-à-vis des clients. 50% du chiffre d’affaires avec un seul client, c’est suicidaire » a encore mis en garde Jean-Claude Volot. Lors de son inventaire, le médiateur des relations interentreprises a pu constater que coté acheteurs, « la créativité en matière de perversion de la loi est infinie ». L’application de la charte, espère-t-il, devrait permettre de redresser des comportements d’achat « déviants ».

La loi de l’image

Mais pour que la charte soit réellement appliquée, « Il faut faire descendre le changement de pratiques dans les équipes. Ce n’est pas facile » a reconnu Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France (CDAF). « Nous avons fait un travail en interne, pour s’assurer que les acheteurs, mais aussi les autres salariés, avaient pris connaissance de cette charte » a illustré Jean-Paul Bailly, PDG de la Poste, signataire de la charte. « Les grandes déclarations des grands chefs sont toujours très belles, mais sur le terrain, c’est un peu différent. Dans le monde très médiatique où nous vivons, les engagements visibles engagent » a très pragmatiquement commenté un représentant du Medef, animateur du comité d’éthique du syndicat patronal.
De fait, la charte concerne notamment des obligations qui sont déjà définies par la loi, comme le respect des délais de paiement. « L’attitude responsable du grand donneur d’ordres consiste à payer conformément à la loi LME (NDLR : loi de modernisation de l’Economie), en appliquant ses dispositions de façon stricte et sincère » cite, par exemple, le texte.

Les arguments de l’image et de la réputation sont-ils plus redoutables que la loi aux yeux des entreprises, ou ces dernières se bâtissent-elles une réputation de responsabilité sociale à peu de frais ? Cette démarche « permettra aux PME de faire remarquer aux donneurs d’ordre qu’ils ne respectent pas la charte » commentait Jean-François Roubaud, président de la CGPME, lors d’une réunion de l’association des journalistes PME, le 18 juin dernier. En tout cas, aucun des groupes de la grande distribution, dont certains ont été poursuivis en justice par l’Etat pour pratiques abusives envers leurs fournisseurs, ne se sont pour l’instant engagés dans cette démarche.

deconnecte