Dimanche n'est plus (...)

Dimanche n’est plus dimanche

Le sacro-saint repos dominical vient de subir un premier assaut. Il ne sera plus garanti pour un nombre non négligeable de salariés. Avec un traitement différent entre les grandes villes et les communes touristiques. Et il n’est pas non plus garanti au travailleur du dimanche qu’il gagnera deux fois plus. Dur, dur…

Comment, vous ne travaillez pas le dimanche ? Vous en avez pourtant désormais le droit. Sous réserve que le Conseil constitutionnel valide le texte, adopté par le Parlement avec un entrain que l’on peut qualifier de modéré, en langage politiquement correct. Surtout au Sénat, qui a finalement voté le texte « conforme » à la dernière mouture émanant de l’Assemblée nationale, bien que nombre de Sénateurs, appartenant à la majorité, aient publiquement pesté contre la pression de l’Elysée, exigeant que le texte soit voté avant le 24 juillet, date des vacances parlementaires. Le moindre amendement eût en effet imposé la réunion d’une commission mixte chargée de rédiger un texte consensuel, renvoyant nécessairement le vote au-delà de la rentrée : un sujet de friction s’ajoutant alors à ceux qui ne manqueront pas d’émerger à cette échéance. Ainsi donc le Sénat commence-t-il à s’accoutumer, bon gré mal gré, à une fonction officielle de chambre d’enregistrement, alors que cette réputation n’était qu’officieuse depuis que le Président de Gaulle voulut le fusionner avec le Conseil économique et social. Et ainsi lui attribuer un rôle purement consultatif. Mais le referendum refusa au Général la satisfaction d’humilier les Sénateurs, et celle de les contraindre à la (presque) mendicité, avec des indemnités de membres du CES. Nous constituons un peuple surprenant, qui critique volontiers la République pour sa générosité à l’égard des élus, mais ne l’exhorte pas pour autant à la prodigalité. Nous préférons aller jusqu’au clash. De la même façon que nous aspirons à être gouvernés par un monarque, pour pouvoir le guillotiner.
Cette affaire du travail le dimanche méritait-elle que l’on en fît un tel feuilleton ? Le sujet devait être considéré comme sensible par le Gouvernement, qui a commencé à envoyer des signaux exploratoires depuis plus de deux ans. Et a depuis lors fait réaliser de nombreux sondages, aux termes desquels il est apparu que la majorité de nos concitoyens ne serait pas opposée au travail dominical. Pourvu qu’il s’agît du travail des autres, sans doute. A moins que les Français n’aient été sensibles à l’argument-boomerang de notre Président, qui dut en son temps « passer des coups de fil » pour que Mme Obama et ses filles pussent « visiter des magasins » un dimanche. On s’étonne que de telles allégations n’aient soulevé que de timides accusations d’outrecuidance, tant à l’égard de leur auteur que des « visiteuses de magasin le dimanche ». Mais au fond, la question se pose bien en ces termes : si le loisir dominical doit être marqué par le droit à faire des emplettes, et pas seulement pour la famille royale d’Amérique, il faut bien que d’autres aient le devoir de travailler ce jour-là…

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Tourisme et PUCE

Nul ne peut douter de l’intérêt, dans les zones réputées touristiques, de présenter la meilleure offre commerciale possible. Tel est déjà le cas, du reste, tant au travers de la réglementation que dans les faits : les commerçants ne sont pas assez sots pour refuser du chiffre d’affaires, et leurs employés pas assez bornés pour entraver la prospérité de leur employeur. Est-il pour autant indispensable que tous les commerces soient concernés ? Ou, en d’autres termes, doit-on, le dimanche, considérer le pékin comme un touriste autochtone ? il semble bien que ce soit l’état d’esprit de nos autorités, pour lesquelles le vrai loisir consiste à consommer. C’est bon pour le PIB, c’est bon pour les recettes de l’Etat, c’est bon pour les prochaines élections. Soit. Mais c’est un peu moins sympathique pour ceux qui doivent sacrifier leur vie de famille en cette occasion. Sauf si, comme cela avait été annoncé, le travail dominical devait être volontaire et payé double. Tel ne sera pas vraiment le cas. Après bien des péripéties, aboutissant à une totale transfiguration de la proposition de loi déposée par le député Richard Mallié, le dispositif qui a été voté n’est pas seulement « un peu complexe », pour reprendre la formulation du ministre concerné ; c’est une boîte à malices qui recèle pas mal de chausse-trapes pour les élus locaux, et autant de (mauvaises) surprises pour les salariés concernées.
Une nouvelle classification est créée dans le cadre de ces exceptions au chômage dominical : le PUCE (Périmètre urbain de consommation exceptionnelle), qui concerne aujourd’hui Paris, Marseille et Lille – Lyon ayant été curieusement écartée du bénéfice de la mesure –, et qui sera délimité par le Préfet de Région sur demande « des maires », directement concernés ou des communes limitrophes. Bon. Quant aux salariés, ils bénéficient bien de l’option du volontariat dans les PUCE en cause, mais pas dans les zones dites touristiques, où le travail du dimanche pourra donc être imposé. Pour le montant des salaires, rien n’est exigé de l’employeur dans les communes touristiques ; le doublement interviendra dans les PUCE, sauf si… un accord d’entreprise en dispose autrement. Ce qui promet de belles empoignades. Quelles conséquences attendre de ce texte ? Personne ne peut vraiment répondre à la question. Ayant choisi d’aborder le sujet par le biais d’une proposition de loi, le Gouvernement s’est exonéré de l’étude d’impact qui eût été obligatoire s’il avait pris officiellement l’initiative, dans le cadre d’un projet de loi. Les résultats seront donc une surprise. Espérons qu’elle sera agréable…

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