Fiscalité immobilière (...)

Fiscalité immobilière : en sursis ?

Les Français ont une pierre dans le ventre. Ce qui rend paradoxales les subventions à l’immobilier, pourtant constantes depuis de longues années. L’aide publique repose sur des motivations défendables. Mais aussi sur d’autres qui sont critiquables. Et aujourd’hui critiquées. Si bien que l’avenir du régime fiscal Scellier semble compromis.

Allez donc comprendre : l’investissement immobilier figure, depuis toujours, parmi les choix favoris de l’épargnant français. Et pourtant, sa réalisation est régulièrement récompensée d’incitations fiscales, comme s’il était nécessaire de forcer la main au pékin pour l’engager à suivre ses pulsions naturelles. Lesquelles ne manquent pas de pertinence : sur une longue période, les immeubles ont mérité leur réputation de constituer une réserve de valeur efficace, voire de générer de confortables plus-values. Pour des raisons depuis longtemps identifiées. D’abord, le coût de la construction et les loyers évoluent en phase avec la hausse des prix : l’innovation et les contraintes réglementaires ont plutôt pour effet de les renchérir. Même lorsque la dépréciation monétaire est (relativement) faible, sa compensation « naturelle » est ainsi appréciable. Ensuite, le phénomène de rareté foncière, tout particulièrement en zone urbaine, s’accentue avec l’accroissement de la population et tend à valoriser les biens. Enfin, la progression assez régulière du pouvoir d’achat a, jusqu’à maintenant au moins, favorisé à la fois les accédants et les investisseurs, avec le coup de pouce de la baisse des taux d’intérêt de ces dernières années.

Sous l’hypothèse que les paramètres antérieurs demeurent stables, les vertus de l’investissement immobilier ne devraient pas être compromises. Mais reconnaissons-le, un tel scenario est assez hardi. D’une part, les perspectives de croissance, et donc d’amélioration du pouvoir d’achat, sont plutôt sombres sur un horizon indéterminé – et probablement long. D’autre part, en parallèle avec les difficultés générales d’intendance, le niveau d’insécurité des villes devrait fortement augmenter, rendant le statut urbain moins désirable. Il suffit d’observer la détérioration manifeste de la qualité de vie dans les « beaux quartiers » parisiens, où fleurissent à la nuit tombée des bosquets de plus en plus touffus de tentes sommaires, témoignant d’un accroissement vertigineux des populations précarisées (autochtones ou immigrées), dont le mode de vie n’est, on s’en doute, pas vraiment conforme aux canons de la vie bourgeoise… Pour peu que le marasme économique perdure, ce qu’il faut aujourd’hui tenir pour vraisemblable, le malaise urbain devrait s’amplifier – au moins tant que la ville sera considérée par les plus démunis comme le meilleur antidote de leur détresse. Il va sans dire que le confort des résidents s’en trouvera altéré, ce qui pourrait faire naître un environnement générateur d’exaspération et susceptible d’exciter la tentation de l’exode vers les campagnes plus sereines. On imagine mal, dans ce contexte, que le marché immobilier parisien puisse simplement maintenir sa valeur présente. La décrue enregistrée à ce jour demeure relativement modeste ; il faut sans doute l’imputer à la raréfaction de l’offre, les candidats-vendeurs préférant se retirer du marché dans l’attente de jours meilleurs. Mais un jour prochain, ils pourraient être fatigués d’attendre…
Incitations contre-productives ?

- Les régimes fiscaux incitatifs à l’acquisition d’immeubles d’habitation neufs répondent historiquement à plusieurs préoccupations. La première correspond à l’ambition de disposer d’une offre locative privée appropriée aux besoins, lesquels ne sont pas nécessairement couverts par l’offre publique. La deuxième tient au souci constant de la santé du bâtiment, un secteur qui continue de peser lourd dans l’activité domestique. Et qui, accessoirement, est représenté par des lobbies efficaces (et généreux…). Le troisième facteur décisif pour l’octroi d’incitations, c’est que la fiscalité immobilière est plutôt lourde pour le contribuable. Si bien que les gâteries offertes à l’entrée servent à faire oublier la purge qui suivra. Et ça marche : en 2009, année du vote du dispositif en cours, les deux tiers des acquisitions d’habitations sont imputables aux investisseurs sous le régime « Scellier », ce qui a permis aux promoteurs de déstocker largement.

- Seulement voilà : d’après une étude récente d’Immogroup Consulting, les régimes dérogatoires seraient responsables de pas mal de dommages collatéraux. Le dispositif « Robien » antérieurement en vigueur aurait provoqué une offre pléthorique dans nombre de villes où le potentiel locatif est limité. D’où une quantité significative de logements neufs vacants – et autant de propriétaires dans l’embarras. Par ailleurs, les loyers autorisés sous le régime Scellier se révèlent souvent supérieurs au prix du marché local, et de ce fait inaccessibles aux ménages visés. Le calibrage des prix a donc probablement été établi selon les vœux des promoteurs, qui ont ainsi pu présenter aux investisseurs un rendement attrayant… sur le papier. De ce fait, le rendement réel se révèle souvent bien inférieur, lorsque le propriétaire est contraint d’ajuster son loyer aux normes du marché. Bref, pour un dispositif qui a coûté plus de 600 millions d’euros au Trésor en 2009, la pertinence du régime Scellier est jugée au mieux hypothétique, au pire très critiquable. Autant dire qu’en ces temps compliqués où le Trésor va devoir faire les fonds de tiroir pour joindre les deux bouts, et tailler à la serpe dans les dépenses (ou les manques à gagner), il devient très probable que l’aide à l’investissement immobilier locatif soit promise à un vigoureux toilettage. Voire à une prompte disparition. La vraie question demeure pendante : comment mettre en adéquation le prix du logement (achat et loyer) avec le revenu des candidats ? Si l’usine à subventions publiques est en panne et que l’on ne peut agir sur la rémunération du travail, la réponse s’imposera d’elle-même…

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