Les Français et leurs (...)

Les Français et leurs sous

Le Conseil des prélèvements obligatoires vient de publier un rapport sur le patrimoine des Français. Lesquels étaient opulents, en « moyenne » et en 2007. Ils le sont un peu moins aujourd’hui. Et pour demain, mieux vaut sans doute ne pas étalonner la prospérité aux prévisions officielles de croissance.

En septembre dernier, on écrivait dans ces colonnes qu’il était inutile de s’exciter sur le détail de la loi de Finances. Vu que les hypothèses de croissance retenues paraissaient totalement irréalistes, rendant rapidement nécessaire l’adoption d’une loi rectificative. Tel a bien été le cas. Plusieurs fois, même, depuis lors : la récession avance plus vite que les travaux du législateur, à tel point qu’on en arrivera bientôt à voter une loi de Finances rectificative tous les mois, pour corriger les erreurs d’appréciation du mois précédent. En foi de quoi notre gouvernement s’honorerait-il de s’abstenir, pour un bon moment, de toute prévision en matière d’activité. Car en temps ordinaire, ses anticipations sont le plus souvent démenties par les faits et aujourd’hui, l’avenir est encore plus indéchiffrable qu’à l’accoutumée. En annonçant que le PIB se contracterait de 1,5% cette année, avec l’assurance d’Archimède sortant de son bain, le Premier ministre s’expose inutilement au ridicule. Alors que la crise commence tout juste à produire ses effets dépressifs, l’activité des derniers mois s’inscrit déjà sur une tendance de -5% à -6%. Et entre nous, si la baisse de la production devait se limiter à ce montant, nous devrions nous estimer heureux. Quant aux déficits publics et à la dette du pays, ils seront bientôt… aussi élevés que le permettront les conditions de financement. A savoir les marchés, s’il se trouve encore des investisseurs qui acceptent de nous prêter un peu d’argent à des conditions raisonnables, ou bien… la planche à billets, si les règles imposées à la BCE sont modifiées en conséquence. Encore que cette dernière pourrait bien suivre la voie que l’on soupçonne la FED d’avoir adoptée depuis pas mal de temps : refinancer systématiquement les banques commerciales qui souscrivent aux bons du Trésor US. Ce qui revient à monétiser la dette, avec pour conséquence inévitable la dépréciation de la monnaie. La guerre monétaire, dont le chroniqueur vous rebat les oreilles depuis des années, devrait ainsi entrer dans une phase décisive, qui laissera des victimes sur le carreau, et pas seulement le dollar, dont la relative stabilité actuelle défie l’entendement, et ne peut s’expliquer que par la cécité généralisée des opérateurs ou une formidable manipulation du marché. Mais lorsque le « truc » du prestidigitateur sera découvert, le billet vert promet de valoir moins cher que le papier à tapisser. A moins que… A moins que le prochain G20, touché par la grâce, ne reconnaisse qu’il n’y a pas de solution de continuité pour enrayer le désastre, et qu’il faut donc créer une rupture pour rétablir la solvabilité du système. Notamment en passant par profits et pertes une bonne partie des dettes mondiales, ce qui revient à déprécier, à due-concurrence, les créances correspondantes. Voilà un moyen de dégonfler vigoureusement le magot logé dans les paradis fiscaux…

La fortune française

Puisqu’il est question de patrimoine et de sa valeur, il nous faut signaler la publication récente de l’étude réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), ainsi rebaptisé le défunt Conseil des impôts. Saisi par la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, le CPO avait pour mission d’analyser l’évolution du patrimoine des ménages français sur la dizaine d’années écoulées, ainsi que sa sensibilité aux modifications de la fiscalité, en comparant notre dispositif d’imposition du patrimoine à celui en vigueur dans les principaux pays européens et aux Etats-Unis. Le rapporteur note qu’il « n’était pas explicitement demandé au Conseil de soumettre des propositions de modifications législatives ». Pas explicitement, en effet ; mais ce type d’étude a ordinairement pour objet implicite d’aider le législateur à réformer la taxation en vigueur. Ce qui n’est jamais rassurant en période de vaches maigres budgétaires, où il convient de rechercher les moyens d’accroître les rentrées fiscales…

Les chiffres figurant dans cette étude s’arrêtent, pour la plupart, aux données de 2007 (ISF déclaré en 2008). C’est-à-dire qu’ils n’intègrent pas la dépréciation des actifs financiers et immobiliers qui a débuté l’année dernière. Sur cette base, la « fortune » globale des Français s’élève à 9 400 milliards d’euros, correspondant à une moyenne de 380 000 euros par ménage – soit plus du doublement en dix ans. Sachant que l’immobilier représente presque les deux tiers du patrimoine moyen, et les actions environ 10%, on peut estimer que le « ménage moyen » pèse environ 300 000 euros… au moment où ces lignes sont écrites. Et il s’agit d’une moyenne. Le rapport ne donne pas la valeur médiane, celle qui partage la population en deux parties égales, alors qu’il s’agit d’une indication plus parlante que la simple moyenne. Le rapport note toutefois que la fortune reste concentrée, même si cette concentration est bien moindre chez nous qu’aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en… Suède. Malgré tout, le tiers de la fortune globale est détenu par les 5% de ménages les plus riches, cette tendance ayant été récemment renforcée par l’explosion des rémunérations des dirigeants jusqu’à des niveaux extravagants. Et ne sont évidemment plus recensés les « expatriés fiscaux » qui ont jugé notre fiscalité dissuasive, ce qui n’est pas vraiment le cas. Mais l’impôt direct sur le patrimoine, l’ISF, dont le principe a été abandonné par (presque) tous les Etats, continue logiquement d’être perçu comme punitif. Ce qui pêche, note le rapport, c’est un système fiscal constitué de « prélèvements juxtaposés sans cohérence ni pilotage d’ensemble ». Cette observation pertinente figure dans tous les rapports depuis au moins vingt-cinq ans…

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