Tourisme : destination

Tourisme : destination ville ?

Le tourisme dans une ville moyenne ? Pas facile à développer à l’heure de la concurrence exacerbée entre destinations. Certaines municipalités aiguisent leur imagination, impliquant leurs habitants, dynamisant leur site Internet ou employant de jeunes internautes chargés de faire leur publicité sur les réseaux sociaux.

Dans cette ville moyenne (presque) imaginaire, la saison touristique bat son plein. Un groupe mené par une bénévole s’arrête devant un « remarquable hôtel particulier » du XVIIIème siècle, d’autant plus remarquable qu’on n’en trouve qu’un seul exemplaire dans toute l’agglomération. Les trois rues piétonnes, bordées par quelques maisons garnies de colombages, affichent un petit air de vacances. Un restaurateur vante son agréable terrasse à l’ombre des marronniers, un glacier propose ses fabrications artisanales, un supermarché « de proximité » affiche en vitrine des « spécialités locales ». Le soir, si la programmation estivale leur fournit cette chance, les visiteurs pourront assister au son et lumière devant les grilles du château ou au concert de rock métallique organisé en contrebas. Ils regagneront ensuite leur chambre à l’ « Hôtel des voyageurs », certes pas bien chère pour ses deux étoiles, mais au papier peint défraîchi et reliée par une connexion Internet aléatoire.

Pour une ville de 50 000 habitants, développer le tourisme n’est pas chose facile, même au cœur de l’été. Espérant fournir aux élus et aux administrations municipales « une opportunité pour dynamiser » leur ville, la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), qui réunit les communes de 20 000 à 100 000 habitants, a récemment organisé une journée d’étude. La date de l’événement, le 10 juin, n’a pas été choisie au hasard. C’est à l’approche des vacances d’été que l’on se montre le plus réceptif aux discours sur le tourisme. Les maires (PS) de Millau, Guy Durand, et de Blois, Marc Gricourt, semblent l’entendre de cette manière, puisqu’ils délivrent des présentations exhaustives des merveilles patrimoniales et des animations locales, comme s’ils s’adressaient à un public de voyageurs hésitant entre plusieurs destinations.

Limites administratives persistantes

Pourtant, l’attractivité touristique d’une agglomération ne dépend pas seulement de l’intérêt qu’elle présente. Une localité somnolente située sur une voie de passage ou dans une région très fréquentée profitera davantage de la manne des visiteurs qu’une belle cité dynamique située au cœur d’un territoire industriel ou pluvieux. La visibilité d’une ville dépend en outre fortement de celle de ses voisines. En Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), « la diversité touristique est un atout », rappelle Yannick Le Magadure, directeur adjoint du comité du tourisme de la région. Enfin, contrairement aux élus, les visiteurs n’accordent aucune importance aux limites régionales, départementales ou communales. Peu leur importe que Montélimar soit située dans la région Rhône-Alpes, Nîmes en Languedoc-Roussillon et Avignon en PACA. Visitant les trois villes l’une après l’autre, les voyageurs s’attendent à y trouver les mêmes services. « La vision des clients n’est pas toujours en adéquation avec les structures administratives existantes », souligne Yannick Le Magadure, qui reconnaît que les comités territoriaux du tourisme doivent « s’adapter » aux besoins.

Les municipalités usent de diverses stratégies pour se faire remarquer. Certaines proposent des spectacles permanents qui s’appuient sur leur identité. Ainsi, à Chartres, tous les soirs du printemps à l’automne, les principaux monuments, dont la cathédrale gothique, sont illuminés par des projecteurs de couleurs vives. L’opération, qui ne coûte presque rien à la commune, séduit les touristes de passage qui vont parfois jusqu’à prendre une chambre d’hôtel pour assister au spectacle.

Le développement s’imagine également en amont, avant la saison touristique. Les municipalités ne peuvent plus se contenter, en guise de site Internet, d’une plaquette de présentation en ligne. Le site « doit répondre à une vraie stratégie », estime Georges André, adjoint au maire (UMP) de Vannes, président de l’office du tourisme, fier de proposer aux internautes « la possibilité de survoler le golfe du Morbihan, à la manière de Google Earth, et une webcam permettant de s’assurer de la météo ».

Une diversité urbaine qui fait défaut

L’industrie touristique donne aussi naissance à de nouveaux métiers. « Un jeune qui parle deux, trois langues assure une présence utile sur les réseaux sociaux, conseillant les internautes, générant des contacts », témoigne le consultant Luc Deschamps, auteur d’une étude sur l’e-tourisme. Certes, admet-il, « les élus ont du mal à comprendre ce que fait ce salarié », mais sa fonction s’impose, à l’heure où les internautes se décident en consultant les réseaux informels. De même, les hôteliers ne doivent plus hésiter à être présents sur les forums en ligne. « Contrairement à leurs propres craintes, 80% des avis émis sont positifs », assure Sylvain Couty, directeur de l’office du tourisme d’Angoulême.

La dynamisation des villes passe enfin par la prise de conscience des élus. « Il est des localisations magnifiques où les équipes locales dorment », constate, en concluant le colloque de la FMVM, Renaud Donnedieu de Vabres, président d’Atout France, l’agence chargée de développer le tourisme en France. L’ancien ministre de la Culture plaide en outre pour la diversité du paysage urbain : « je n’ai rien contre la Taverne de Maître Kanter, mais le rouge vermillon et les géraniums en plastique que l’on retrouve dans la rue principale dans chacune de nos villes devient un problème », lâche-t-il face aux maires des villes moyennes.

Les « ambassadeurs » de Dunkerque

Rien de tel que la population locale pour faire connaître la ville. A Dunkerque, la municipalité veut « faire de l’habitant, à la fois consommateur et prescripteur, un ambassadeur de sa ville », explique Sabine L’Hermet, directrice de l’office de tourisme. Pour cela, l’habitant doit « aimer et connaître la ville ». Or, « il l’aime mais ne la connaît pas forcément », ajoute-t-elle. Pour remédier à cette difficulté, Dunkerque a constitué un club de plusieurs centaines d’« ambassadeurs », généralement des étudiants ou des retraités bénévoles, s’engageant à faire connaître la ville aux visiteurs ainsi qu’à leurs proches qui ne vivent pas sur place. Après une petite formation qui les amène à découvrir l’histoire, des musées ou des curiosités méconnues, les « ambassadeurs » obtiennent un droit d’entrée gratuit aux monuments. Selon Sabine L’Hermet, l’opération génère « des retombées importantes », en particulier auprès des Dunkerquois eux-mêmes, généralement enclins à considérer le touriste comme « un gêneur » plutôt que comme un atout, admet-elle.

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