Attentat du 14 juillet :

Attentat du 14 juillet : Une œuvre pour se souvenir et se tourner vers l’avenir

Six ans après l’attentat de la Promenade des Anglais, l’œuvre mémorielle choisie par les associations de victimes a été dévoilée lors d’un hommage où il a été beaucoup question de l’étape du procès.


Trois cents personnes, des victimes, des familles de victimes, des autorités, des élus, étaient présentes pour le dévoilement de L’Ange de la baie, œuvre réalisée par Jean-Marie Fondacaro, sous un soleil de plomb et dans une ambiance chargée en émotion. Une fois le drap tombé au sol, découvrant la sculpture étincelante, les premiers mots de cette journée d’hommage aux 86 personnes tuées il y a six ans, aux blessés et aux personnes traumatisées, ont été ceux prononcés par Hager Ben Aouissi, présidente de l’association Une voie des enfants. « J’ai envie de vous parler des mots résilience et espoir qui permettent pour moi de concevoir un avenir. Avec ce que nous avons vécu, ma fille et moi, je pense que la résilience, c’est la capacité à se reconstruire positivement. J’essaie de remettre du sens pour supporter ce qui nous est arrivé et les conséquences que cela a sur nos vies afin de réussir à retrouver le bonheur de vivre. Mais le chemin est long et pour y parvenir, ce qui nous permet de tenir, c’est l’espoir  », a-t-elle déclaré. Madame Ben Aouissi considère le procès de l’attentat, qui s’ouvrira le 5 septembre à Paris, comme «  un autre maillon de la chaîne d’espoir ». « Nous ne pouvons pas tout attendre du procès. Le terroriste est mort, il ne sera pas jugé pour son acte horrible. Pour ce qui est des présumés complices, la qualification des faits retenue n’est pas celle de la complicité. Cependant, je pense que le moment du procès fait partie de la reconstruction. Il est une étape dans notre réparation, nous devons nous l’approprier, nous devons l’investir pleinement. Ces quatre mois d’audience vont être terriblement difficiles, ils vont nous faire replonger dans l’horreur mais nous allons tenir, nous devons tenir », prévient-elle.

Témoigner

Stéphane Erbs, co-président de l’association Promenade des Anges, qui a perdu son épouse ce 14 juillet 2016, espère que « le procès qui arrive dans deux mois nous apportera quelques éléments de réponse. Sans que nous nous attendions à de lourdes peines, il sera toutefois, l’unique occasion de nous exprimer, de témoigner ».
Après les associations, ce fut au tour des personnalités de prendre la parole. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a d’abord remercié Jean-Marie Fondacaro « d’avoir fait (siens) les mots et les sentiments profonds de tous ceux qui ont souffert et de les avoir transformés en cette figure. La vie l’emporte toujours sur la mort, c’est notre conviction ». M. Estrosi a précisé que la Ville maintiendrait «  l’espace dédié aux victimes depuis 2017 dans les jardins de la Villa Masséna  », lieu « plus propice » au recueillement. Il a aussi souhaité que le procès, épreuve qui sera « douloureuse », ait néanmoins « un côté libérateur  » même si le verdict, a-t-il assuré, « ne scellera pas les blessures de nos cœurs ».
Pour Éric Dupond-Moretti, qui représentait le gouvernement français à cet hommage, « chacun a à l’esprit ce procès qui va s’ouvrir début septembre. Huit accusés seront bientôt jugés pour répondre de leurs actes, pour s’expliquer sur ces faits barbares, inimaginables, quand on regarde aujourd’hui cette magnifique Promenade des Anglais. C’est une nouvelle étape qui va commencer, essentielle. La justice doit faire son œuvre. Elle le doit pour vous, victimes et familles de victimes, pour nous. Elle le doit pour écouter, comprendre, juger, tenter d’apaiser et de reconstruire. Elle le doit aussi pour tous les Français parce qu’elle incarne notre réponse, en tant que société démocratique, à cette volonté de terreur qui s’est abattue ici  », a ajouté le garde des Sceaux.

« Une épreuve nécessaire »

«  Le temps de la justice est une épreuve mais c’est une épreuve nécessaire », a poursuivi le ministre, ancien avocat, qui a plaidé dans un très grand nombre de procès d’Assises. « À partir du mois de septembre et jusqu’à la fin de l’année 2022, c’est ce grand procès qui va s’ouvrir, clôturant six années de travail sans relâche des enquêteurs, des magistrats, et je veux leur rendre hommage. Ce sera l’occasion de faire toute la lumière sur les zones d’ombre de cet attentat. Des interrogations restées sans réponse pourront, je l’espère, trouver une réponse. Ce sera l’occasion de rendre justice à tous ces hommes, à toutes ces femmes, à tous ces enfants qui étaient simplement venus ici partager un moment de fête autour d’un feu d’artifice ». Éric Dupond-Moretti a également indiqué que l’État, « par le biais du fonds de garantie des victimes des actes terroristes, a d’ores et déjà versé 92 millions d’euros aux victimes et la quasi-totalité des 2 500 victimes, directes ou indirectes, ont reçu une offre d’indemnisation. La procédure, bien sûr, est loin d’être finie, en raison notamment de l’absence de consolidation définitive des blessures mais elle a progressé significativement. L’État continuera son action pour s’assurer que chaque situation soit traitée avec toute l’humanité et l’attention qu’elle requiert  ».


Procès : Le dispositif, à Paris et à Nice, expliqué par le ministre

Au cours de son discours, Éric Dupond-Moretti a également évoqué le dispositif exceptionnel qui sera mis en place pour ce procès : « Les audiences auront lieu dans la salle parisienne dite des « grands procès ». Cette salle a été pensée et construite spécialement pour les procès des attentats du 13 novembre et pour l’attentat du 14 juillet 2016. Elle permettra d’accueillir toutes les victimes. A Nice, un dispositif particulier a été imaginé, il sera mis en œuvre dès le premier jour du procès. Ici, les audiences pourront être suivies dans les mêmes conditions qu’à Paris. Elles seront retransmises en direct dans une salle spécifique dédiée aux parties civiles. Un accompagnement par des professionnels des associations sera proposé aux participants. Enfin, une web radio sera mise en œuvre afin de constituer une réelle troisième voie pour suivre le procès, pour celles et ceux des parties civiles qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se déplacer. Ce dispositif permettra d’écouter les débats à distance, depuis son ordinateur ou son téléphone. Au regard de la présence de victimes étrangères, ce dispositif, pour la première fois, sera accessible hors de nos frontières hexagonales et une traduction simultanée sera proposée. C’est un outil précieux  ».

L’ange de la baie : « L’envol vers l’avenir »

Cette œuvre est «  un symbole fort ! C’est la mémoire de ce qui s’est passé ! », a confié Hager Ben Aouissi, fondatrice de l’association Une voie des enfants. « Elle représente l’envol vers l’avenir ! Jean-Marie Fondacaro a su exactement représenter ce que l’on voulait que cette œuvre mémorielle exprime. La première fois que j’ai vu cette sculpture, elle m’a inspiré l’espoir, l’union, la solidarité, la force, la volonté que Nice, les Niçois et surtout que ces victimes se relèvent doucement mais sûrement. Du haut de ses quatre mètres, cet ange montre que nous pouvons nous relever, que nous sommes debout face à cette barbarie innommable ».
Dans un texte adressé aux victimes, l’artiste Jean-Marie Fondacaro explique sa démarche : « Vous avez souhaité qu’un monument vienne rappeler à toutes et tous ce drame innommable afin que nos anges restent pour toujours dans nos mémoires. Vous m’en avez confié la charge, j’en suis très honoré, c’est une grande responsabilité que de donner forme et âme à vos pensées et à vos prières. J’ai pris à bras le corps ce projet pour vous les victimes et pour ma ville de naissance touchée dans sa chair. Le choix d’une œuvre dont l’inspiration, le sens, la dynamique, les matériaux renvoient à la lumière, au mouvement et à la vie, s’est immédiatement imposé à moi. (…) Au sommet de la vague dans un geste de révérence, l’Ange de la baie prêt à l’envol pose un dernier regard vers le cœur qu’elle contient avant de prendre son envol. Il se veut être aussi un signe fort et lumineux face à l’ombre et à la barbarie ».

Une journée de commémorations

La journée d’hommage aux victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 a débuté peu après 15h30 avec la cérémonie de dévoilement de l’œuvre « L’Ange de la baie » par des enfants des associations de victimes et des enfants de la troupe de théâtre Ciamada Nissarda. Après le dévoilement de l’œuvre, six coups de canon ont été tirés pour symboliser les six années écoulées depuis l’attentat qui a fait 86 morts, de 18 nationalités différentes, dont 15 mineurs. Le traditionnel coup de canon de midi n’a pas eu lieu. Quatre représentants d’associations de victimes, Hager Ben Aouissi pour Une voie des enfants, Didier Matrat pour Life for Nice, Anne Murris pour Mémorial des Ange, et Stéphane Erbs pour Promenade des Anges, ont ensuite lu un texte. Après l’Hymne international des victimes du terrorisme, interprété par Vera Novakova, premier violon, et Jan Szakal, violoncelliste de l’Orchestre philarmonique de Nice, ce fut le tour des allocutions du maire de Nice, Christian Estrosi, et du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Les noms des 86 personnes tuées ont ensuite été lus et une bougie allumée pour chacune d’entre elles. Après une Marseillaise très émouvante, chanté par le Chœur de l’Opéra de Nice, les familles, accompagnées de MM. Estrosi et Dupond-Moretti et des enfants, ont déposé des roses blanches au pied de l’œuvre mémorielle. A 21h, il y eut un concert hommage place Masséna par l’Orchestre philharmonique de Nice, sous la direction de Daniele Callegari et à 22h34, heure du début de la course meurtrière du camion, 86 faisceaux lumineux ont été dirigés depuis la Promenade des Anglais vers le ciel niçois.

Toutes photos de l’article ©Ville de Nice

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