BTP : si seulement (...)

BTP : si seulement le maître d’ouvrage public se montrait plus solidaire…

Entre la petite entreprise du bâtiment, qui est encore en mesure de travailler, et la grosse boîte qui emploie cent ou cent cinquante personnes sur un chantier, les situations sont évidemment très diverses face à la crise. La plupart a cessé de travailler pour respecter les consignes de confinement et ne pas exposer leurs salariés au risque de contamination. D’autres seraient prêtes à reprendre, à la suite des injonctions du gouvernement de ne pas bloquer l’activité économique, et aussi parce qu’elles n’ont pas forcément la trésorerie pour passer une période blanche.
Patrick Moulard, vice-président FBTP des Alpes-Maritimes, pointe la sur-communication, les annonces contradictoires qui jettent un trouble chez les entrepreneurs ne sachant plus trop quelle attitude adopter. En cette période difficile, il réclame davantage de soutien de la part des donneurs d’ordres publics…

Patrick Moulard, vice-président FBTP des Alpes-Maritimes (DR)

L’arrêt du travail va forcément impacter les délais de livraison. Craignez-vous qu’en cas de retard des pénalités viennent encore s’ajouter ?

Une clause prévoit le cas de force majeure. Dans la situation présente, elle peut être mise en application, et donc nous dédouaner vis-à-vis de nos clients. Vous savez, les premiers retours montrent qu’il est finalement plus aisé de travailler avec le privé, pourtant souvent accusé de tirer les prix, et même s’il a des enjeux financiers que n’a pas le public. Je constate pourtant aujourd’hui que le privé fait preuve de compréhension, que des maîtres d’ouvrage ont pris d’eux même l’initiative que nous arrêtions certains chantiers. Au moins, la situation est claire.

Et ce n’est pas le cas avec le public ?

Hélas non, je constate que certains maîtres d’ouvrage public font tout pour ne pas répondre à nos questions. Ils prennent toutes les précautions pour ne pas écrire.

Vous pensez à un chantier en particulier ?

Oui, au SDIS-06, pour la construction d’une caserne de pompiers, où l’on ne veut pas nous arrêter. Quand nous demandons aux entreprises engagées sur le chantier ce qu’elles font, elles répondent les unes après les autres « j’arrête, j’arrête, j’arrête  ». Donc au final tout s’arrête. Mais le SDIS reste muet, ne dit pas « stop ». Il nous laisse dans le flou. C’est un grand maître d’ouvrage public qui ne prend pas ses responsabilités, et cela me gêne. Lorsque l’on martèle à longueur de semaines que «  dans notre département, nous sommes responsables », force est de constater qu’il ne s’agit que de communication.

C’est général pour le public ?

Non, d’autres maîtres d’ouvrage public ont réagi normalement. Cette attitude est la particularité de ce client, le SDIS. Mais avec toutes ces incertitudes, nous sommes à nouveau contactés par des clients qui nous demandent ce que l’on compte faire maintenant, si l’on compte reprendre et de quelle manière. Il y a du flottement, c’est le moins que l’on puisse dire.

Du flottement ?

On nous a dit « il faut tout arrêter pendant quinze jours ». Maintenant Mme Penicaud dit « il faut reprendre le travail  ». Tout cela met des doutes dans la tête des clients. Cela nous installe dans une position très inconfortable. Je pense que si l’on nous demande maintenant ce que l’on compte faire, c’est parce qu’il y a des entreprises qui acceptent et peuvent reprendre, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

Quel est l’état d’esprit des salariés ?

Les salariés ne comprennent plus trop ce qui se passe. Cela dit, ils n’ont pas forcément envie d’être exposés ! Nous les avons rassurés en leur disant qu’ils vont être mis au chômage partiel, ce qui est apparu comme la meilleure solution, mais ils perdront forcément un peu de salaire dans cette histoire.

Ont-ils réagi à la possibilité d’une prime comme annoncé par Bruno Le Maire ?

Accepte t-on d’être contaminé pour 1 000 euros ?...

Photo de Une (illustration). Un chantier en cours sur le quartier de Nice l’Arénas.(DR JMC)

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