Cop 21 : le capitalisme,

Cop 21 : le capitalisme, poison et remède au réchauffement climatique ?

A l’heure où de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la responsabilité du capitalisme dans la dégradation de l’environnement, certains soutiennent que ce système économique est en mesure d’apporter des solutions.

Si le capitalisme a changé le climat, le climat va changer le capitalisme : c’est ce qu’estime Jacques Mistral, économiste, membre du Cercle des économistes, think tank d’inspiration libérale. Le 2 octobre dernier, à Bercy, il présentait « Le climat va-t-il changer le capitalisme, la grande mutation du XXIe siècle », publié aux éditions Eyrolles, ouvrage collectif qu’il a dirigé, et auquel ont participé plusieurs chercheurs, parmi lesquels des historiens et des économistes. Un livre qui entend faire le point des connaissances sur les grandes problématiques de cet enjeu très mobilisateur et controversé.

Préambule, le climat constitue « le premier effort collectif international pour réunir toutes les connaissances sur un sujet, pour savoir le mieux possible où on en est. C’est un processus d’une ampleur inégalée », rappelle Jacques Mistral, évoquant la création du GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, en 1988, la mobilisation de scientifiques partout dans le monde, la tenue de réunions et sommets internationaux... Si les grandes déclarations émises lors de ces événements sont loin de se traduire systématiquement en mesures concrètes, ces moyens ont au moins permis d’aboutir à un constat partagé sur l’évolution du climat, résume Jacques Mistral. Une évolution à laquelle est liée celle de l’activité humaine.

Depuis 2000 ans, le climat n’a cessé de fluctuer, par rapport à un seuil que les scientifiques ont fixé comme l’« optimum climatique de l’an 1000 ». A ce dernier, correspond un réveil de l’économie qui a duré trois siècles environ. Puis, après 1600, démarre un « petit âge glaciaire », au cours duquel la température a diminué d’un degré environ, et que les historiens ont mis en relation avec une période de crise économique et de guerres. Un siècle plus tard, la température est remontée pour des raisons « dont on ignore à peu près tout », précise Jacques Mistral. Depuis cette date, la courbe est ascendante et ce, de manière toujours plus forte. En particulier, depuis le XIXe siècle, le modèle industriel de l’économie se traduit par un envoi massif de CO2 dans l’atmosphère. Et de fait, dans l’évolution du climat, « il est probable qu’une part soit liée à l’activité humaine », rappelle Jacques Mistral. Quant à évaluer si cette part s’élève à 20, 40 ou 75%... d’après l’état de l’art de la recherche scientifique, « on n’en sait rien », tranche Jacques Mistral. Et si cette incertitude ne devrait pas décourager l’action, « il y a un grand espace entre la prise de conscience de chacun, la maturation par les instances et les prises de décisions qui engagent l’avenir », note Jacques Mistral.

La réponse libérale par l’économie

En théorie, différentes réponses peuvent être apportées à l’évolution du climat, énonce l’économiste. Ils vont d’une régulation de type économique à la modification des comportements individuels. Mais, pour Jacques Mistral, cette dernière solution est insuffisante. Et s’il se réjouit que le pape François ait lancé un appel en ce sens, « cela fait deux millénaires que l’église appelle à l’amour pour son prochain, avec les résultats que l’on voit… ce n’est pas une réponse à la hauteur des enjeux », commente-t-il. L’économiste se prononce, lui, en faveur des réponses économiques, comme une « composante importante » de la solution. A l’origine, au XIXe siècle, en effet, les acteurs économiques ont pu rejeter du CO2 dans l’atmosphère … à titre gratuit. Aujourd’hui, l’outil le plus adéquat serait donc de fixer un prix du quota de carbone émis. Le principe : « que tous les acteurs se trouvent confrontés à un signal unique de comment leur activité impacte le climat », précise Jacques Mistral.

Parmi les mécanismes qui peuvent être employés figure en particulier le marché de permis. Toutefois, « en France, il y a une méfiance idéologique vis-à-vis des solutions économiques », explique Jacques Mistral, qui relève l’objection des opinions et des milieux politiques. Autre mécanisme possible, la taxation. Mais là aussi, « cela se heurte à des résistances fortes », note l’économiste, rappelant l’épisode des bonnets rouges bretons, lesquels ont fait capoter le projet de taxe carbone. Quel que soit le moyen choisi, ce « changement radical » devrait être mis en œuvre en augmentant progressivement le prix, préconise l’économiste. Pour lui, les entreprises sont en mesure de s’adapter à un dispositif de ce type : elles ont simplement besoin d’un environnement prévisible.

Un problème inextricable ?

Pour autant, les négociations sur le climat et la résolution de cette question rencontrent de multiples obstacles. Tout d’abord, précise Jacques Mistral, la tentation du « passager clandestin ». En effet, le climat constituant un problème mondial, un pays ou un continent qui apportent seuls leur contribution risquent de ne pas en retirer de bénéfices. D’autres pourraient tenter de bénéficier de ces effets sans faire d’efforts. Par ailleurs, « les lobbies constituent un obstacle pour trouver la meilleure solution pour l’intérêt commun », ajoute Jacques Mistral. Quant à la mise en œuvre concrète des quotas, « cela soulève énormément de difficultés », reconnaît l’économiste : le projet implique une gouvernance mondiale avec un principe de subsidiarité, un système de mesure et de contrôle des émissions, la prise en compte d’une compensation pour les pays du Sud dont la responsabilité pèse peu dans l’accumulation historique des gaz à effet de serre dans l’atmosphère... Pis, aux Etats-Unis, un courant de penseurs estime qu’avec l’évolution du climat, l’être humain se trouve confronté à un problème d’une complexité inextricable. Jacques Mistral, lui, se veut plus optimiste.

Toutefois, dans le processus de résolution du problème, « il faut en passer par des décisions politiques, et c’est là que commencent les difficultés », commente-t-il. Sur le plan politique, en effet, le sujet s’avère complexe à porter : l’« écologie punitive », qui se traduit par des impôts, passe manifestement difficilement. Quant au discours du « double dividende », l’idée qu’en investissant pour le climat, on va créer une croissance verte, des emplois... , chez les économistes, « cela n’existe pas (...) il n’y a aucun travail qui explique que ce double dividende peut se concrétiser », met en garde Jacques Mistral.

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