Cyril Venturi, victime

Cyril Venturi, victime d’Alex et acteur engagé de l’après-tempête

Il n’a que 42 ans, mais Cyril Venturi sait que la Vésubie peut s’avérer capricieuse. Et qu’elle a déjà joué bien des tours à celles et ceux qui ont choisi de s’établir près de ses berges. Vivant à Roquebillière, où sa famille est installée depuis plusieurs générations, il a maintes fois vu la rivière se gonfler dangereusement, comme en 1993, 1996 ou 2002, lorsque les flots ont causé des inondations qui, jusqu’à ce funeste vendredi 2 octobre 2020, restaient dans la mémoire des vivants comme des événements de référence.
Aménagé en amont du village, à deux pas de la pisciculture et du poste RTE, le dépôt de sa société de travaux publics, qui emploie quinze salariés, n’avait pas été impacté par ces crues pourtant violentes. Mais la tempête Alex était d’une autre catégorie. Insoupçonnée.

"Ce jour-là, nous ne travaillions pas en raison de la pluie. À 11 h, je suis venu sur place pour vérifier que tout allait bien. La Vésubie était claire", raconte le chef d’entreprise. "Quand je me suis à nouveau déplacé, à 14 h, elle avait grossi, mais le débit restait raisonnable. Nous avons déplacé le matériel qui était le plus près du cours d’eau et en seulement trente minutes, nous avons vu son volume doubler et les premiers arbres emportés. Tout est allé très vite. À 15 h, la route était atteinte, nous avons pu l’emprunter pour nous mettre à l’abri et une demi-heure plus tard, il n’y a avait plus d’accès possible. Nous étions spectateurs et il ne nous restait plus qu’à prêter main forte aux confrères et aux amis dans la vallée".

Urgence et intérêt général

Le dépôt de Cyril Venturi lors du retrait des eaux. Les installations ont été endommagées et plusieurs engins emportés ou ensevelis. DR

Ce n’est que le lendemain matin que Cyril Venturi a pris la mesure du désastre. "Nous n’avions ni électricité ni téléphone. Alors que les hélicoptères volaient sur nos têtes, je suis passé par la forêt afin de surplomber mon dépôt. Quand j’ai pu l’apercevoir, j’étais dépité". Épargné jusqu’alors par l’intransigeance de la nature, le site avait été entièrement envahi par l’eau et des montagnes de roches mêlées d’alluvions. "Je ne pouvais rien faire pour mes installations et l’urgence était ailleurs". Grâce à du matériel épargné, car mobilisé sur un chantier préservé de la furie des éléments, l’entreprise Venturi s’est donc immédiatement mise au service de l’intérêt général, à l’instar de toutes les forces vives du BTP vésubien. Elle a ainsi participé au rétablissement des liaisons électriques et de l’eau potable à Roquebillière tout en sécurisant le poste RTE, dont une partie des équipements risquait de s’écrouler. "L’enjeu était de taille, car c’est de cette structure que dépend la desserte en électricité de toute la vallée, mais aussi de celle de la Roya".

Dès le samedi 3 octobre, une pelle de l’entreprise Venturi a été mobilisée sur la sécurisation du Vésubia Mountain Park, à Saint-Martin-Vésubie. DR

Dès le samedi, Cyril Venturi et ses hommes ont dévié l’eau boueuse qui attaquait les fondations du Vésubia Mountain Park, à Saint-Martin-Vésubie, avant de restaurer un accès vers le village de Venanson. "Au pire moment de la crise, la solidarité a été exceptionnelle. Nous avons travaillé pour répondre à l’urgence, sans nous poser de question. Les échanges avec les donneurs d’ordre ont d’abord été verbaux, puis les validations sont arrivées rapidement". Pour faire face à l’ampleur de la tâche et participer à la reconstruction qui s’annonce, il a investi dans un matériel conséquent : "J’ai notamment acheté une pelle mécanique de 40 tonnes et j’en ai loué deux autres".

Un million d’euros à investir

À son activité habituelle de sécurisation de routes et de création de réseaux s’ajoute désormais des missions de terrassement herculéennes, qui expliquent aussi la location actuelle d’un tombereau. "En temps normal, nous n’avons pas besoin de ce type de camion dans la vallée", précise-t-il avant de lister quelques-uns de ses chantiers du moment : "Nous réalisons le chenal qui canalise la Vésubie au-dessus de Roquebillière, nous procédons au dégagement de la pisciculture, nous contribuons à l’aménagement de la piste au nord de Saint-Martin-Vésubie...", là où l’ancienne route semble n’avoir jamais existé.
Le temps est aussi venu de poursuivre la réappropriation de son dépôt, dont tous les bâtiments ne sont pas encore fonctionnels. Les lieux sont encore parsemés d’engins coincés dans les sédiments, pour la plupart promis à la destruction. "À la manière des archéologues, nous avons réussi à dégager et sauver une grosse pelle. Il ne nous reste plus qu’à refaire son faisceau électrique". Mais le semi-remorque, toujours prisonnier des pierres, est perdu, comme trois autres camions (dont un 36 tonnes), un chargeur, un crible, un manuscopique, un "Bobcat", une grue à tour, trois fourgons et d’innombrables outils plus modestes. En attendant le verdict des assurances, l’entrepreneur sait qu’il lui faudra se résoudre à un investissement d’un million d’euros pour couvrir ses pertes matérielles. C’est le prix du rebond. "Les marchés de la reconstruction seront énormes. Espérons qu’ils n’échapperont pas aux entreprises locales".

Photo de Une : Bien que sinistré, Cyril Venturi, entrepreneur de travaux publics à Roquebillière, a déjà investi pour répondre à l’urgence de l’après-tempête et participer à la future reconstruction. DR JP

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