Dette des pays pauvres :

Dette des pays pauvres : Les bons sentiments ont-ils gagné tous les créanciers ?

Selon un accord conclu par le G20, tous les créanciers, publics ou privés, auront une action transparente en vue d’alléger la dette des pays pauvres, plombée par la pandémie de Covid-19.

Les pays les plus pauvres de la planète sont en grande partie situés en Afrique subsaharienne. Ce sont notamment les territoires du "tiers-monde", une appellation devenue obsolète. Selon le FMI, le Burundi occupe la triste première place du classement des nations aux plus faibles revenus. Viennent ensuite la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Erythrée, le Niger, le Malawi, le Mozambique et le Libéria.
L’ampleur de l’endettement des pays pauvres nuit à toute ambition de développement, alors même qu’elle est à la base de la constitution de cette dépendance financière. Pour les gouvernements concernés, il est difficile d’investir dans l’amélioration des systèmes de santé, la modernisation des outils de production, l’éducation ou encore les infrastructures quand une grande part des ressources disponibles sont consacrées au remboursement.

Effet Covid-19

La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer la crise de la dette. En avril, la Banque mondiale et le FMI ont incité le G20 à suspendre le service de la dette des 73 pays les plus pauvres pour les aider à faire face aux conséquences du virus. Il faut dire que leur dette extérieure atteignait 744 milliards de dollars en 2019, un montant record en hausse de 9,5% selon un rapport récent de la Banque mondiale. Seulement 36 pays éligibles à cette initiative de suspension (DDSI) se sont manifestés pour un montant total de 8,5 milliards de dollars. Une goutte d’eau.
La dette des pays pauvres est composée de prêts souverains contractés auprès d’autres états, du FMI ou encore de la Banque mondiale. Mais les créanciers sont aussi privés. Ces derniers détiennent par exemple 40% de la dette africaine et ce taux ne fait que croître. Entre 2013 et 2017, plus de 60% des prêts aux pays émergents provenaient de banques chinoises.
L’augmentation de la dette publique des pays pauvres vient de connaître une accélération inédite. Alors qu’elle ne représentait que 29% de leur PIB en 2012 selon le FMI, elle a atteint 43% l’an dernier. Le chiffre de 49% est annoncé pour 2020. Le risque de crise financière pointé par la Banque mondiale a fortement crû avec le coronavirus. La Zambie est ainsi devenue la première nation en défaut de paiement à cause de la Covid-19. Et de l’absence de clémence de ses créanciers privés.
La volonté d’allègement de la dette se heurte à des intérêts divergents. Les créanciers privés ont ainsi refusé d’adhérer au moratoire de suspension décidé par la communauté internationale. De nombreuses ONG ont dénoncé les effets pervers de la poursuite des remboursements : les sommes libérées pour aider les pays pauvres profitent aux entreprises des pays riches.

Accord "historique"

Un cadre commun a finalement été défini le 13 novembre par les pays du G20. "L’allègement de la dette se fera dans une plus grande transparence et exigera des efforts comparables des créanciers privés", s’est réjoui le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, selon lequel ce nouvel accord est "historique". Il associe en effet la Chine et prévoit que les états en difficulté pourront négocier une réduction, un rééchelonnement ou même une annulation de leurs dettes sous le contrôle du FMI, qui jouera un rôle essentiel dans l’accompagnement des restructurations.
Avec cet accord, le Club de Paris, un groupe informel de 22 pays créanciers engagés pour trouver des solutions aux problèmes de dettes, marque des points, alors qu’il avait perdu de son influence face à la montée en puissance de la Chine et des financeurs privés. En mettant tous les créanciers sur un pied d’égalité, via une "clause de comparabilité", cette entente doit rendre les restructurations de dettes plus faciles. Mais elle a des limites, puisqu’elle ne devrait pas survivre à la pandémie ni être contraignante juridiquement.
En matière de gros sous, les bonnes intentions sont souvent insuffisantes...

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