Dossier - Carros, plaque

Dossier - Carros, plaque tournante de la relance

Riche de la plus importante zone industrielle des Alpes-Maritimes, Carros sera inévitablement un moteur de la relance de l’économie azuréenne. Mais avec quelle stratégie ?

Avec ses Rencontres économiques et territoriales, l’UPE 06 a pris l’habitude de réunir les chefs d’entreprises et les élus locaux pour les inciter à échanger sur les problématiques inhérentes aux différents bassins économiques azuréens. Le 26 novembre, c’est à Carros que le rendez-vous a de nouveau été fixé. Mais en mode virtuel cette fois, pour aborder aussi bien le plan de relance métropolitain que l’avenir du cru, qui abrite la première zone industrielle des Alpes-Maritimes. Quand on sait que le site pèse 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, on comprend aisément que les desseins du nouveau maire de la commune étaient particulièrement attendus par le président de l’UPE 06, Philippe Renaudi, et les acteurs de l’économie carrossoise.

Atouts endogènes, vision transfrontalière...

Yannick Bernard s’est installé dans le fauteuil de maire de Carros en juillet. DR

Paré de l’écharpe tricolore depuis juillet, Yannick Bernard leur a présenté, par écran interposé, une stratégie basée sur plusieurs "partis pris", afin de "concilier le développement économique à l’aménagement opérationnel". Dans ses plans, la combinaison de deux moteurs essentiels, le tourisme et l’activité productive, mais aussi une volonté de "valoriser les synergies avec les autres bassins d’emploi que nous avons dans le département". Et de citer, par exemple, "La R&D qui est développée à Sophia Antipolis".
Pour donner corps à sa vision du futur à Carros, le maire veut "s’appuyer sur l’endogène" (les locomotives que sont notamment Arkopharma, Malongo ou encore Virbac), "continuer de développer la coopération transfrontalière avec l’Italie, Monaco, l’Europe et la Méditerranée" et mettre en place une politique globale d’attractivité du territoire, à l’image de celle déjà portée par la Métropole à travers l’agence Team Côte d’Azur. "Nous devons également nous positionner comme un territoire d’expérimentation et d’innovation", a-t-il ajouté en évoquant la silver économie, et capitaliser sur la notoriété internationale de la marque Nice Côte d’Azur.
Sur la feuille de route de Yannick Bernard figurent aussi la poursuite des opérations visant à la digitalisation du quotidien des commerçants, la complémentarité des actions publiques et privées (ainsi qu’elle s’est manifestée lorsqu’il a fallu rétablir dans l’urgence la circulation dans les vallées sinistrées par la tempête Alex), "la structuration des initiatives individuelles pour les rendre collectives" et un nouvel horizon au plan foncier pour les entreprises. Il se situe dans la zone d’activité économique de La Grave, un espace promis à une attention particulière ces prochaines années.

L’avenir est à La Grave


"C’est la très bonne nouvelle de la matinée". Philippe Renaudi n’a pas caché sa satisfaction après avoir écouté Yannick Bernard présenter le renouveau annoncé de la zone d’activité économique de La Grave. Situé en bordure de la zone d’activité industrielle de Carros-Le Broc, cet espace a vu son développement perturbé par la présence des installations de Primagaz, un site classé Seveso. C’est justement le démantèlement de celui-ci, prévu à partir de 2021, qui augure de nouvelles perspectives sur 7 hectares. "L’arrêt de cette activité va libérer du foncier pour attirer et héberger des PME innovantes dans les secteurs de l’industrie et de l’artisanat", a insisté le maire de Carros.
Le projet, qui occupera une place à part tout au long de son mandat, reposera sur plusieurs piliers visant à apporter un panel de services aux entreprises, booster l’entrepreneuriat, générer une offre de locaux, créer des synergies avec le parc industriel voisin et optimiser le ratio entre les emplois et les surfaces disponibles. L’objectif est de créer à La Grave "un véritable site industriel et artisanal de production", en répondant à la problématique du mixage des terrains dédiés aux activités et des quartiers résidentiels, comme celui des Plans. Bien que très proche géographiquement, ce dernier bénéficie d’une position dominante. Ce qui fait dire à Yannick Bernard que "la coexistence ne se passe pas trop mal". L’élu est conscient des enjeux des actions à enclencher à La Grave qui, en termes de déplacements, pourra bénéficier des bienfaits du nouveau pôle d’échanges multimodal aménagé récemment par la Métropole près du pont de La Manda. "Il ne faudra pas se louper, car cette zone constitue le dernier foncier disponible à Carros". Mais il voit en elle "une pépite", à polir "pour qu’elle ait le meilleur éclat".

L’étendard et le poumon de l’industrie azuréenne


Sur une Côte d’Azur qui fait depuis longtemps les yeux doux au tourisme, le PIB de l’industrie se chiffre à environ 2 milliards d’euros, soit 25% du PIB global. La moitié est à mettre à l’actif du territoire métropolitain et, bien sûr, de la zone d’activité industrielle de Carros-Le Broc, qui en est "le plus gros porteur", selon les termes de Daniel Sfecci. Le président de l’antenne azuréenne de l’UIMM, qui est aussi le Monsieur "industrie" de la CCI, ne préfère pas imaginer "la secousse" qui découlerait de la perte de cette "potentialité industrielle". Invité à s’exprimer sur l’hypothèse d’une réindustrialisation de la France à l’occasion des Rencontres économiques et territoriales de Carros, il n’a pas manqué de souligner l’importance de "maintenir le tissu existant", en particulier sur les bords du Var, où se situe l’étendard et le poumon de l’industrie azuréenne.

Daniel Sfecci, vice-président de la CCI Nice Côte d’Azur en charge de l’industrie. DR

"Nous avons des champions mondiaux, comme Virbac pour la pharmacopée, Arkopharma sur la phytothérapie, Schneider dans le domaine de l’intelligence artificielle, Malongo dans l’agroalimentaire, One-Too en matière d’appareillage automobile, Aqua Lung sur la plongée sous-marine...". Une signature industrielle très variée, "qui fait notre force, parce que nous ne sommes pas une filière qui peut tomber du jour au lendemain, mais également notre faiblesse, car nos politiques et nos institutions ont du mal à savoir où il faut mettre les moyens pour réellement faire de l’industrie un axe de développement fort", a estimé Daniel Sfecci. Avant de poursuivre : "Carros porte aujourd’hui la responsabilité de cette hétérogénéité et de cette puissance". Et "les chefs d’entreprises qui en ont les moyens celle de se positionner sur le plan de relance", alors qu’avec l’arrivée de la 5G, "les outils pour participer à la révolution digitale" se présentent à eux.

Tenir compte des erreurs du passé

L’enjeu ? Ne pas avoir de regrets plus tard. Comme la France en a désormais, exacerbés par la crise de la Covid-19. "Notre pays a toujours été une grande nation industrielle, mais l’orientation politique des trente dernières années est arrivée à nous convaincre qu’il valait mieux produire ailleurs pour éventuellement distribuer ici". Conséquence des erreurs du passé : "L’industrie a abandonné des parts de marché énormes et l’économie s’est retrouvée atone".
Au-delà de la réimplantation de quelques filières stratégiques, il faudrait, selon Daniel Sfecci, que la France se repositionne sur son objectif industriel. "Si nous voulons retrouver cette souveraineté affirmée par le président de la République, il nous faut un peu plus d’ambition", a-t-il insisté en citant les pistes de la réduction des imports productifs, encore timide par rapport aux mesures de nos voisins allemands, et "d’un plan de développement industriel performant, avec de grands chantiers nationaux". Salué, "le plan de relance est une première étape, mais il ne sera pas suffisant. Il nous amène quelques orientations, quelques moyens, mais pas des chiffres d’affaires".

Jean-Pierre Savarino : "œuvrer pour le futur à Carros"


La relance passera par Carros. La CCI Nice Côte d’Azur y "œuvre pour le futur", comme l’a souligné son président, Jean-Pierre Savarino. Au-delà de l’industrie, le secteur du commerce est accompagné via la création d’un FISAC et le suivi de l’association de développement économique Cap Carros. Les deux autres grands domaines d’intervention concernent le dossier de la mobilité et de l’extension de la zone industrielle. Sur le premier, "nous avons un partenariat avec GRDF en vue de répondre à un appel à projet pour la création d’une station de gaz naturel pour véhicules". Quant au second, il est lié aux actuels travaux de confortement de la digue dans le cadre du PPRI. "Nous pourrons peut-être récupérer une bande de 50 m sur l’inondabilité de la zone. La CCI appuiera cette demande".

Christian Estrosi : "Nous sommes des écologistes de croissance"


15 millions d’euros de soutien aux entreprises pendant la crise sanitaire, via notamment la prise en charge de tout ou partie des loyers des TPE, une aide de 1 000 euros aux restaurants et débits de boissons fermés administrativement ou encore, plus récemment, l’exonération de la cotisation foncière des entreprises à hauteur de 6,3 millions d’euros... Mais aussi 2 milliards d’euros d’investissements programmés. Quand la relance dans la métropole niçoise s’exprime avec des chiffres... Invité aux Rencontres économiques et territoriales de Carros pour évoquer le sujet, Christian Estrosi ne s’est pas contenté de lister les dispositifs de soutien mis en place par la collectivité qu’il préside en ces temps de Covid-19. Il a profité de l’événement pour lancer un appel aux décideurs économiques. Pour que le territoire ne laisse pas passer les opportunités qui lui semblent promises. Et Christian Estrosi de faire référence à ces grandes villes françaises qui, depuis les dernières élections municipales, "ont fait le choix de la décroissance". Et où les projets de certains grands groupes ne sont plus forcément les bienvenus. A la métropole niçoise de les récupérer en faisant valoir ses arguments : "Nous sommes des écologistes de croissance".

Les enjeux de la formation et de la la mobilité


Le poids de la zone d’activité de Carros-Le Broc ? Réponse fournie par Marc Raiola, président de CAIPDV, le club des entreprises du site : "2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 26% à l’export et 48% pour la seule industrie". Sur quelque 180 hectares, 570 établissements génèrent 11 750 emplois. Avec une particularité au regard du paysage économique des Alpes-Maritimes : "90% des entreprises ont plus de 10 salariés".

Pôle multimodal : Outre la question de l’emploi, Marc Raiola voit dans la mobilité l’autre grand chantier de l’attractivité de Carros DR J.P

Pour elles, la problématique de la main d’œuvre constitue un enjeu majeur, évoqué dans le cadre du protocole "Territoire d’industrie" instauré par l’Etat, dont Carros est bénéficiaire. Face aux réalités de la pyramide des âges dans la zone industrielle, qui est une source d’inquiétude pour les dirigeants, le salut viendra du local. "Grâce au CFA métropolitain et à Pôle Emploi, nous avons réussi à mettre en place des formations sur les métiers de l’industrie. C’est un préambule à la création d’une véritable filière. "Territoire d’industrie" doit être l’occasion de trouver des financements pour adapter le CFA en termes de moyens de production et de locaux". L’option a fait ses preuves : "80% des personnes restent dans l’entreprise où elles ont été formées".
Outre la question de l’emploi, Marc Raiola voit dans la mobilité l’autre grand chantier de l’attractivité de Carros. "Beaucoup d’entreprises ont plusieurs sites". D’où la nécessité de favoriser les solutions de déplacement internes. Le nouveau pôle d’échanges multimodal et la navette autonome en projet seront-ils suffisants ?

Photo de Une : vue de Carros DR J.P

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