Économie française : (…)

Économie française : Des indicateurs d’espoir

L’incertitude persiste, avec des conséquences négatives pour l’investissement, mais on observe également des indicateurs encourageants, dont le recul de l’inflation.

«  Nous entendons beaucoup de choses négatives en ce moment mais elles sont un peu excessives et cela peut être dommageable car n’oublions pas que l’économie repose sur la confiance  », relève Philippe Billard, directeur départemental des Alpes-Maritimes de la Banque de France, quelques jours après une conférence régionale à Marseille, conjointement avec l’INSEE, le 10 février. «  Cela ne veut pas dire que tout va bien mais il est important de regarder de près les chiffres et d’être plus nuancé », souligne-t-il. Parmi les indicateurs positifs, il y a d’abord le repli de l’inflation, désormais en-dessous des 2 % (+ 1,4 % en janvier). «  La lutte contre l’inflation a porté ses fruits  », se félicite le directeur départemental de la Banque de France, rappelant qu’en 2022, elle était de 5,9 % en France. Et depuis le milieu de 2024, l’augmentation des salaires est supérieure à l’inflation, « ce qui apporte un supplément de pouvoir d’achat. Et il y a là un gisement pour permettre une bonne tenue de la consommation dans les prochains mois  ». Selon M. Billard, c’est d’ailleurs surtout la consommation qui peut être un soutien à l’activité, plus que l’investissement, en berne, même s’il pourrait prochainement repartir.

Détente des taux

Philippe Billard
directeur départemental des Alpes-Maritimes
de la Banque de France
©S.G

« On est dans une phase de stabilisation des prix, ce qui est vraiment une bonne nouvelle, car elle permet une détente des taux d’intérêt, qui s’est déjà matérialisée. Les entreprises paient moins cher leurs nouveaux crédits, les ménages aussi. Cette détente a toutes les raisons de se poursuivre (…) et c’est bon pour l’investissement », développe Philippe Billard. Cette perspective est encourageante alors que l’investissement connaît depuis quelques mois un sérieux coup d’arrêt. Président du Groupe Ippolito et président de l’UPE 06, Pierre Ippolito confiait récemment que, face à la situation actuelle, les entreprises allaient devoir limiter leurs investissements, ajoutant : « Même les moins frileux arrêtent d’investir ». Juste avant l’adoption définitive du projet de loi de finances pour 2025, il expliquait avoir, « pour la première fois  », pris en compte le contexte politique à l’heure de réfléchir à sa stratégie d’entreprise. Plutôt pessimiste, il relevait qu’après la baisse de l’investissement, la prochaine étape pourrait bien être celle de «  la destruction d’emplois  ». La Banque de France confirme une hausse du chômage mais qui ne serait ni trop importante ni trop étendue dans le temps. « Ce que l’on prévoit au niveau national c’est que le taux de chômage remonte aux alentours des 8 % pour ensuite refluer », indique Philippe Billard.

Croissance toujours positive

Enfin, il y a un autre point positif selon le représentant de la Banque de France : l’adoption d’un budget. «  C’est important car cela pouvait bloquer un certain nombre de dépenses de l’État et de projets d’investissement. Et cela pouvait également créer un attentisme chez les consommateurs ». Au sujet de la croissance, s’il reconnaît qu’elle n’est pas très élevée, il souligne qu’elle est toujours positive. Elle est estimée à 1,1 % en 2024, un taux supérieur aux prévisions. Notamment grâce à l’effet JO de Paris et à une incroyable saison touristique, un élément très important pour la résilience dans les Alpes-Maritimes. « On a réussi à faire refluer l’inflation sans tomber en récession », met en avant Philippe Billard. « On est plutôt dans une phase de ralentissement mais pas de décroissance, malgré une succession de crises (mouvements sociaux, Covid-19, guerre en Ukraine, crise énergétique, crise inflationniste, crise de l’énergie et crise politique). Cela n’a jamais été un long fleuve tranquille ces dernières années… Il y a une capacité de résilience de l’économie, qui fait également partie des éléments positifs, ce qui ne veut pas dire que tout va bien mais il y a matière à ce que cela puisse reprendre ».

Une hausse des défaillances à relativiser

C’est un fait, les défaillances sont reparties nettement à la hausse en 2024, dépassant le seuil des 66 000. Mais comme l’indiquait il y a quelques semaines la greffière du Tribunal de commerce d’Antibes, Quitterie Mandron-Rivière, « il faut prendre un peu de recul  ». Elle ajoutait que le ressort du tribunal avait « doublé en 25 ans », avec «  deux fois plus d’entreprises immatriculées au registre du commerce et des sociétés depuis 2000  ». Il n’est donc pas anormal d’avoir plus de défaillances avec une base d’entreprises beaucoup plus importante. Ce que confirme Philippe Billard : «  Il y a un phénomène de création d’entreprises qui est dynamique et c’est quelque chose qu’on observe dans la France entière ». Cette augmentation des défaillances est également due à un effet de rattrapage post-covid. Mais il y a une autre explication : les factures impayées et l’allongement des délais de paiements. Ces derniers représentent une préoccupation importante car «  de gros donneurs d’ordre jouent sur les délais de paiement et capturent de la trésorerie », avance Philippe Billard. «  C’est un élément qui est rappelé régulièrement. La DGCCRF fait des contrôles, sanctionne, en publiant les noms, pour faire pression. Ce qui met une entreprise en défaillance, c’est le manque de liquidités ». Le directeur départemental de la Banque de France souligne toutefois que « globalement, la trésorerie des entreprises est meilleure aujourd’hui qu’il y a cinq ans  ». Mais « cela ne doit pas occulter qu’il y a des entreprises qui peuvent être en fragilité  ». Les secteurs les plus touchés sont la construction et le commerce. Pour le commerce, il y a également des facteurs structurels, comme la concurrence des plateformes et les nouveaux modes de consommation.

Quelle est l’influence des États-Unis ?

©DR

Si l’instabilité politique semble mise de côté, pour le moment, en France, c’est loin d’être le cas au niveau international, avec toujours la guerre en Ukraine et une série d’incertitudes liées à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis. Philippe Billard relève que les déclarations du nouveau président américain, avec « des annonces parfois tonitruantes » notamment sur les droits de douane, peuvent « semer le trouble  ». « Ce n’est pas bon pour l’économie mondiale en général et cela peut avoir des répercussions sur l’économie française  ». Mais, loin de noircir le tableau, il avance que « cela peut aussi être un élément qui nous incite à resserrer les rangs au niveau européen. Nous avons la possibilité, si nous nous en donnons les moyens, de renforcer cette économie européenne. On a surtout une épargne importante en France, et au niveau de la zone euro, qui devrait être davantage mobilisée pour financer nos besoins d’investissement, que ce soit dans l’innovation, avec l’intelligence artificielle dont on parle beaucoup en ce moment, mais aussi dans la transition énergétique », estime le directeur départemental.

Un accompagnement pour les entreprises

©S.G

La Banque de France a beau avoir 225 ans, elle continue d’innover.
Dernier exemple en date : un QR code qui donne immédiatement accès à un document interactif contenant quantité d’informations et de liens vers des services pour les chefs d’entreprise. On y trouve des informations sur son entreprise, la possibilité d’échanger avec un expert sur d’éventuelles difficultés financières, des informations sur les solutions de financement, sur les actions possibles en cas de difficultés avec sa banque et des informations sur les questions économiques, budgétaires et financières.

Photo de Une : Philippe Billard ©S.G