Le déconfinement, pour ne

Le déconfinement, pour ne pas y laisser trop de plumes.

Heureuse époque - on ne le savait pas encore - où l’on nous enjoignait de "travailler plus pour gagner plus". Car à partir du 11 mai, il nous faudra donner un sérieux coup de collier non pas pour augmenter le pouvoir d’achat mais pour sauver les meubles... Tous les indicateurs publics sont dans le rouge écarlate - dette, chômage, sécurité sociale, finances des collectivités, retraites - et les comptes privés des entreprises ne valent pas mieux puisque cet état si imprévoyant, si insuffisant, si peu agile, est obligé de venir au secours de toutes à coups de milliards... qu’il n’a pas.

Alors oui, il nous faut relancer la machine, et d’autant plus vite si l’on veut garder notre influence en Europe, parce que l’aigle germanique risque de laisser sur place un coq gaulois déplumé. Des deux côtés du Rhin, la situation est diamétralement opposée : quand nos voisins ont assuré des budgets excédentaires qui leur permettent de décaisser sans grande difficulté pour compenser la crise, nous avons ici creusé un déficit de 100% en quarante années d’impéritie, de renoncements, de manque de courage. Par la grâce du Covid, il va atteindre 15% à la fin 2020, si tout va bien ou pas plus mal. Ce qui signifie que la facture sera aussi en grande partie réglée par les bébés qui naissent maintenant et par ceux qui viendront au monde encore plus tard...

"Nous avons été sans doute trop généreux depuis la mi-mars. Pour les salariés comme pour les entreprises". Cette petite phrase d’un représentant du MEDEF, Philippe Renaudi, président de l’UPE-06, peut faire bondir "en même temps" les représentants des salariés et des syndicats patronaux. Mais elle traduit une réalité comptable indiscutable : pour les employeurs, l’État engage des sommes astronomiques et sauve de la noyade Renault, Air France et quantité de PME invisibles constituant la trame économique du pays. Ici, plus de 9 millions de chômeurs qui, pour être partiels, n’en sont pas moins à charge, quand l’Allemagne n’indemnise que... 2,5 millions de travailleurs. En Italie, ils sont trois fois moins nombreux (3,7 millions) comme en Espagne (3,9 millions).
Dès lors, on comprend l’impatience de Bruno Le Maire et de Gérald Darmanin pour une reprise rapide de l’activité. Dans l’urgence, ils ont couru partout pour limiter l’incendie, pour soutenir autant que possible "quoiqu’il en coûte". Sous leurs pas, des gouffres abyssaux se creusent.
L’enjeu du 11 mai et de la suite sera de déconfiner le confinement de l’économie.

J.-M. CHEVALIER

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