Entrepreneurs individuels

Entrepreneurs individuels : investissez, mais prenez des risques mesurés !

  • le 11 décembre 2014

Entreprendre est bien souvent une affaire de famille. C’est le couple qui s’engage dans l’aventure entrepreneuriale. Le risque en fait partie. Mais il faut l’identifier, le mesurer, et tenter de le restreindre.

Depuis plus de trente ans, les gouvernements successifs tentent, sous la pression des entrepreneurs individuels d’assurer la protection du patrimoine personnel en cas de difficultés professionnelles et de faillite, et de donner à chacun le « droit au rebond ».

L’EURL (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée), qui a fait l’objet de modifications successives pour assouplir ses règles de fonctionnement, n’a pas soulevé l’enthousiasme ! Elle est très peu utilisée et ne représente que moins de 8 % du total des entreprises quelle que soit leur forme, alors que la moitié des entreprises existantes sont des entreprises individuelles. La déclaration d’insaisissabilité des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel, instituée en 2003 (Loi Dutreil), et modifiée ultérieurement, est trop peu prescrite, alors qu’elle devrait l’être pour tous les entrepreneurs individuels propriétaires de leur maison d’habitation.

C’est ainsi que pour protéger vos biens personnels en cas de faillite a été créé le régime de l’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), qui permet en plus d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS), sans être contraint de créer une société purement artificielle. Grâce au dispositif de l’EIRL soumis à l’IS, seuls les bénéfices prélevés seront soumis à l’impôt sur le revenu.

Pourquoi hésiter, en cette période où il ne faut pas avoir peur d’oser investir, innover ?

Le régime de l’EIRL a été modifié en 2011 et 2012 et, une nouvelle fois, cette année (Loi Pinel) : la transformation d’une entreprise individuelle en EIRL est facilitée, une meilleure définition des biens « nécessaires » à l’exploitation rend le dispositif plus lisible.

Peut bénéficier de ce régime de l’EIRL tout entrepreneur individuel commerçant, artisan, exploitant agricole, professionnel libéral. Sont visés les créateurs d’entreprise, mais aussi les entreprises préexistantes exploitées sous forme d’entreprise individuelle.

Le patrimoine « affecté » par l’entrepreneur individuel à son exploitation est le seul gage des créanciers professionnels de l’entrepreneur, ce qui le protège sur ses biens personnels non affectés.

Sur le plan fiscal, le principe est l’imposition à l’impôt sur le revenu : régime du micro (y compris le régime d’auto-entrepreneur), régime réel normal ou réel simplifié. Le choix est vaste. Le bénéfice est imposable à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des BIC, BA, BNC, selon l’activité exercée. Mais sur option, vous pouvez opter pour l’assujettissement à l’IS. Le bénéfice réalisé est imposé au taux réduit de 15% jusqu’à 38 120 euros et 33 1/3% au-delà. Vous ne serez donc imposés à l’IR que sur les sommes versées en tant que rémunération. Les sommes prélevées en tant que « dividende » sont imposées selon le régime des revenus de capitaux mobiliers.

L’entrepreneur EIRL à l’IS n’est personnellement taxé que sur le revenu qu’il prélève de l’entreprise

En tant qu’EIRL, vous serez soumis au régime social des travailleurs non-salariés, que vous soyez imposé à l’IR ou à l’IS. La base de calcul des cotisations sociales dépendra de votre régime fiscal :
Impôt sur le revenu ? Sur le bénéfice imposable de l’entreprise, comme c’est le cas pour l’ensemble des entrepreneurs individuels ; il n’y a donc pas de changement.
Option à l’IS ? Sur le revenu d’activité pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu, donc sur votre rémunération.

Quelles obligations ?

Le dépôt des comptes annuels chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration du patrimoine affecté. Ce dépôt des comptes sert d’actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté, chaque année, sans autre formalité.

La détermination des biens à affecter au patrimoine d’affectation : il faut évaluer ou faire évaluer ces biens, et établir une « déclaration d’affectation », la déposer avec la déclaration de début ou de modification d’activité auprès du CFE (Centre de formalités des entreprises). Il faut affecter les « biens nécessaires », c’est-à-dire l’ensemble des biens dont vous êtes titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de votre activité professionnelle, les « biens, qui par nature, ne peuvent être utilisés que dans le cadre de cette activité » (article R. 526-3-1 du code de commerce) ». Vous pourrez (c’est facultatif) affecter au patrimoine professionnel les « biens utiles », c’est à dire les biens dont vous êtes titulaire et qui sont utilisés pour l’exercice de votre activité professionnelle et que vous décidez d’y affecter volontairement.
Quelle sera la valeur d’affectation ? La valeur vénale, ou la valeur d’utilité en l’absence de marché permettant de déterminer la valeur vénale.

Il va de soi que le crédit qui vous sera consenti pour développer votre activité dépendra de l’étendue de votre patrimoine affecté.

En cas de « transformation » d’entreprise individuelle (EI) en EIRL, il faudra déclarer en plus - si vous avez une comptabilité commerciale - la valeur nette comptable par rapport aux comptes du dernier exercice clos. L’évaluation est faite par un professionnel pour tout élément affecté dont la valeur déclarée est supérieure à 30 000 euros.

Si la valeur déclarée est supérieure à celle résultant du rapport, vous serez responsable pendant cinq ans à l’égard des tiers sur la totalité de votre patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le professionnel, et la valeur déclarée par vos soins. En l’absence de recours à un professionnel, vous serez responsable pendant cinq ans à l’égard des tiers sur la totalité de votre patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l’affectation et la valeur déclarée. En clair : le recours à un professionnel est indispensable. Il permet de se rassurer, de rassurer son conjoint.

Alors, pourquoi encore hésiter ? Que vous soyez créateur, ou « transformeur », passez en EIRL, avant d’investir, innover, embaucher ! Et faites en plus une déclaration notariée d’insaisissabilité, si vous êtes propriétaire de votre logement…

Par Frédéric ROUSSEL, Notaire à Lille

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