Éthique et santé : les

Éthique et santé : les enseignements du Covid

Le club "Ethic et Eco" du Conseil Régional de l’Ordre des Experts-Comptables Provence Alpes Côte d’Azur (CROEC-Paca) a invité Jean-François Mattei, président de l’Académie de médecine, ancien ministre de la Santé et ancien président de la Croix Rouge ; et le député Philippe Berta (Gard), généticien de profession, à partager une réflexion sur la période Covid-19 qui a bousculé ces derniers mois tous les repères sociétaux, économiques et médicaux.

Le rôle de l’expert-comptable dans la crise

En ouverture, le président d’honneur du CROEC et fondateur du club "Ethic et Eco", Mohamed Laqhila, a souhaité que les experts-comptables "prennent leurs responsabilités sociales et sociétales sur ces questions" estimant nécessaire de "s’ouvrir pour comprendre" tandis que pour le président Lionel Canesi "le thème retenu éthique et santé fait le lien avec le rôle des experts-comptables dans la survie des entreprises impactées par la crise. Nos professionnels ont été et sont aux côtés des entrepreneurs pour passer ce moment difficile. Notre rôle est mis en lumière, nous devrons être plus écoutés et consultés pour que l’ensemble de l’économie bénéficie de notre expérience. Dans les temps qui s’ouvrent, il faudra faire preuve de patriotisme économique pour favoriser les entreprises de notre territoire, c’est l’une des clés de la reprise. Le pays devra recréer son indépendance industrielle, notamment dans le sanitaire, mais aussi travailler à une simplification administrative pour être plus réactif".

Jean-François Mattei estime que, plus que jamais, il faut se poser des questions sur les comportements que la société doit adopter face à l’évolution rapide de nos sociétés : "Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années 50 dans la technologie et la biologie médicales notamment. Après la génétique, la procréation assistée et d’autres avancées, un nouveau sujet s’impose : comment faut-il se comporter pour respecter les libertés individuelles tout en conservant l’intérêt général ? Car nous sommes individuellement menacés par l’épidémie mais, dans le même temps, nous sommes aussi un danger pour les autres. C’est la force du lien social qui est questionnée, nous sommes tous responsables les uns des autres".

Des choix cornéliens

Le généticien Philippe Berta a plaidé la modestie avec ce coronavirus. "Nous ne le connaissions pas, il a rendu difficile l’action publique, ne serait-ce que parce qu’il ne rend pas majoritairement malade les personnes atteintes". Des décisions générales prises par les politiques comme le confinement ont pu paraître inappropriées à des individus. "Ce qui est sûr, c’est que nous sommes tous interdépendants, localement mais aussi mondialement. Il faudra bien vacciner les sept milliards d’habitants de cette terre, l’accès au vaccin ne pourra pas être seulement limité aux pays riches".

Un thème repris par le professeur Mattei, qui a rappelé qu’il n’y a pas si longtemps 80% des médicaments contre le sida ont été consommés par les malades des pays développés, alors que 80% des malades se trouvaient dans les pays pauvres. Avec ce Covid, il a parlé du délicat sujet du tri des malades, un temps envisagé alors que l’on craignait que les hôpitaux soient débordés, ce qui ne fut pas le cas… de justesse. Le confinement général fut décrété et priorisé avant le respect des libertés individuelles. "Sanitairement, c’était justifié, il fallait limiter la circulation du virus. Le confinement ne nous a pas amenés à traiter la question de la sélection des malades, comme cela est le cas dans les situations extrêmes, comme les tremblements de terre où, devant 20 000 blessés, les médecins en nombre insuffisant donnent leurs chances aux personnes qui peuvent raisonnablement être sauvées". Pour le président de l’Académie de médecine, en France, toutes les personnes ayant eu besoin d’être soignées du Covid ont pu être traitées. "Pour le politique qui décide, dans les EHPAD, le choix se trouvait entre la logique sanitaire et la logique d’humanité. La décision manquait d’humanité, mais elle a dû être prise malgré tout".
Pour Philippe Berta, il ne pouvait y avoir de consensus sur ce sujet, reconnaissant que "la vie confinée est complexe" pour les personnes âgées.

La "starisation" discutable de la médecine

Également député des Bouches-du-Rhône, Mohamed Laqhila fait partie de la commission des finances de l’Assemblée : "Quoiqu’il en coûte, cette politique a permis de sauver des vies. Nous en sommes actuellement au 3ème projet de loi rectificative car il faut mettre des budgets en face de l’action publique pour sauver des entreprises et des emplois. À la rentrée, il faudra accompagner le rebond, se remettre au travail, tout le monde est mobilisé. C’est la responsabilité du pouvoir de tenir sur le long terme, à l’échelle du pays, de l’Europe et de l’international. Il faudra aussi soutenir ceux qui n’ont pas les mêmes moyens que nous pour s’en sortir, comme l’Afrique".

Philippe Berta s’est dit "fier d’être dans un pays qui a choisi la santé plutôt que l’économie. On voit bien la catastrophe dans certains pays ou le choix inverse a été fait (...) Comme scientifique, je sors très abîmé de cette période car il y a eu dans nos rangs des inconduites. On attend de nous un travail discret et efficace, certains ont préféré surfer sur la communication".

Sentiment partagé par Jean-François Mattei : "La flatterie des ego n’a pas manqué, vouloir être le premier ne nous a pas aidés. J’ai été mal à l’aise, ce qui s’est passé est très grave. En médecine nous nous heurtons de plus en plus à des oppositions déraisonnables aux faits scientifiques démontrés. Par exemple pour la vaccination : certains, avec des titres universitaires anciens, alimentent un esprit antimédical et antiscientifique qui est le contraire de l’intérêt de nos populations. J’en veux beaucoup à ceux qui ont voulu se singulariser en sortant des chemins habituels".
S’ils n’ont pas été cités, les "certains" se reconnaîtront sûrement...

Un moment riche d’échanges, que l’on peut retrouver dans son intégralité sur le Facebook du CROEC et dont nous livrons ici les extraits les plus significatifs.

Visuel de Une : De gauche à droite et de haut en bas : Gaby Omletta a animé cet échange auquel ont participé Lionel Canesi, Mohamed Laqhila, Philippe Berta et Jean-François Matteï. DR JMC (capture d’écran)

deconnecte