Grèce : la négociation (...)

Grèce : la négociation s’achève en capitulation !

Malgré le référendum qui a vu le « non » l’emporter largement, le gouvernement grec a cédé à ses créanciers. On s’achemine donc vers un troisième plan d’aide de 82 à 86 milliards d’euros, bien que l’État grec soit insolvable…

Le gouvernement grec était devant un choix cornélien. Soit il cherchait à poursuivre les négociations avec ses créanciers afin d’arriver à une restructuration de l’insoutenable dette publique, au risque d’être à court de liquidités ; soit il passait sous les fourches caudines de la Troïka (UE, BCE et FMI), dans l’espoir que la Banque centrale européenne lui donne des liquidités suffisantes pour réanimer son système bancaire et que l’Eurogroupe lui accorde de nouveaux prêts pour faire face à ses remboursements.
Tout le monde savait que quelle que fût la voie suivie, il y aurait un avis de gros temps sur la zone euro, mais personne ne s’attendait visiblement à ce que, moins de trois jours après le référendum lui ayant donné un mandat clair pour mettre un terme à l’austérité, Alexis Tsipras en vienne à négocier sa reddition complète avec l’Eurogroupe. D’autant que le nouvel accord qui se dessine ressemble beaucoup à celui du mois de juin dernier, mais en pire !

Un troisième plan d’aide de 82 à 86 milliards d’euros

Les représentants de la Troïka avaient très vite compris que Tsipras ne voulait pas réellement prendre le risque de sortir de l’euro, même s’il lui fallait pour cela trahir son programme politique. C’est d’ailleurs ce qu’il a confirmé depuis en déclarant à la presse « j’assume la responsabilité pour un texte auquel je ne crois pas mais je le signe pour éviter tout désastre au pays » ! Il ne lui restait donc plus qu’à négocier sa capitulation, c’est à dire accepter toutes les conditions posées par ses créanciers. D’où cet accord qui entérine un surcroît d’austérité et des objectifs intenables.
Plus précisément, en échange d’une nouvelle aide (prêts de 82 à 86 milliards d’euros), la Grèce doit s’engager à mettre en œuvre toute une batterie de réformes qui vont des hausses de TVA aux coupes dans les retraites, en passant par la refonte du Code de procédure civile et une dérégulation du droit du travail. Et pour preuve de sa bonne foi à appliquer les conditions de sa capitulation, le gouvernement grec a été obligé de voter les premières mesures d’austérité dès la semaine passée, d’admettre qu’il est seul responsable de « la dégradation récente de l’environnement macroéconomique et financier du pays » et s’interdire de légiférer de manière autonome… Vae victis !

Mais surtout, l’accord prévoit la création d’un fonds chargé de lever 50 milliards d’euros en privatisant les actifs grecs, à l’image de qui avait été fait en Allemagne de l’Est après la réunification avec la Treuhand. Outre le fait que le montant escompté des privatisations est hors d’atteinte, ce fonds pose le problème d’être sous contrôle des autorités européennes, ce qui revient à dire que la Grèce est de facto dépossédée de ses actifs et placée sous tutelle internationale. Maigre consolation, le pays obtient que 12,5 milliards d’euros de ce fonds servent à soutenir l’investissement en Grèce ; le reste sera destiné à restructurer les banques (25 milliards d’euros) et au service de la dette (12,5 milliards d’euros).

Une paix carthaginoise

Contrairement aux déclarations lénifiantes qui laissent entendre que la zone euro et la Grèce sont sauvées, les problèmes de fond n’ont pas été réglés, tant s’en faut ! Faut-il d’abord rappeler que les négociations ne pourront être entamées qu’après l’aval de plusieurs parlements nationaux de l’UE, ce qui signifie que le nouveau plan ne prendra effet que d’ici quelques semaines.

D’ici là, un prêt-relais de 7 milliards d’euros sur trois mois a été accordé à la Grèce, afin qu’elle puisse faire face à ses obligations financières à court terme : 3,5 milliards d’euros de remboursement à la BCE, le 20 juillet, et 2 milliards d’euros d’arriérés de paiement au FMI, condition sine qua non d’une participation de l’institution de Washington au nouveau plan d’aide. Serait-ce à dire que la zone euro ne sait toujours pas régler seule ses problèmes ?

En ce qui concerne la Grèce, l’illusion sur la soutenabilité de la dette publique se poursuit et la seule réponse qui lui est apportée est un surcroît d’austérité. Le pays reste insolvable et ce ne sont pas les reprofilages de la dette publique, entendez par là prolongement de la maturité des dettes et baisse des taux, qui vont y changer quelque chose. Seule une décote nominale de la dette serait à même de remettre éventuellement le pays à flot sur le plan économique, comme le réclame le FMI, suivi en cela par son ancien directeur général, Dominique Strauss-Kahn.

En attendant, ces nouvelles mesures d’austérité ne manqueront pas de plonger l’économie dans une dépression sans fin.
En effet, comment pourrait-il en être autrement lorsque les créanciers exigent que la Grèce dégage un excédent budgétaire primaire encore plus important pour rembourser sa dette, alors que le pays est en récession et qu’il a déjà fourni de très importants efforts les cinq dernières années pour transformer son déficit abyssal en excédent ? En outre, baisser encore plus les dépenses publiques et les revenus, alors même que la demande est en berne, fera caler définitivement les moteurs économiques.

Quant à la zone euro, elle en ressort affaiblie, car l’hypothèse d’une sortie de la Grèce de la zone euro (Grexit), évoquée explicitement, notamment lors des négociations, ne peut toujours pas être écartée au vu de la situation économique calamiteuse.

De plus, ses défauts de construction sont désormais apparents et jettent un doute sur l’irréversibilité de l’euro défendue avec tant d’aplomb par Mario Draghi, le président de la BCE. Bref, cette paix économique provisoire dans la zone euro, achetée à prix d’or, a donc toutes les caractéristiques de la paix carthaginoise !

En définitive, cet accord évite l’asphyxie momentanée du système bancaire, ce qui se traduit par la réouverture des banques et une hausse du plafond des liquidités accordées par la BCE, même si le contrôle des capitaux reste drastique. Mais, il n’apporte aucun règlement définitif au problème grec, puisque le pays est insolvable.

Il ne reste donc plus qu’à attendre la reprise du psychodrame, lorsqu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier. Or, comme la Grèce s’est endettée pour près de 40 ans…

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