L'inversion durable (...)

L’inversion durable de la courbe du chômage n’est pas pour tout de suite !

Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi et sans aucune activité a atteint, en mars, un niveau record de 3,51 millions de personnes en France métropolitaine, près de 3,77 millions en incluant l’outre-mer, en hausse de 0,4%.

La France dispose de deux définitions du chômage, liées à deux sources différentes de mesure du phénomène.
L’une s’appuie sur l’enquête emploi menée par l’Insee, qui permet d’obtenir une mesure du chômage selon les standards du Bureau international du travail (BIT). L’autre fait référence aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi et enregistrés dans différentes catégories (A, B, C, D, E), en fonction notamment de la durée du travail exercé au cours du mois précédent et de l’obligation ou non de rechercher un emploi. Dès lors, un chômeur au sens du BIT n’est pas nécessairement un demandeur d’emploi inscrit à Pôle Emploi et réciproquement.

Les vrais chiffres du chômage

Or, les gouvernements successifs en France ont pris la mauvaise habitude de communiquer chaque mois presqu’exclusivement sur les chiffres des demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A (demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi), ce qui minimise clairement le phénomène du chômage. Une mesure plus réaliste du chômage nécessiterait d’ajouter aux chiffres de la catégorie A ceux de la catégorie B (qui ont exercé une activité de 78 heures ou moins au cours du mois) et surtout D, puisque cette dernière regroupe les demandeurs d’emploi, sans emploi, mais non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie, etc.
D’une certaine façon, les catégories B et D constituent la face statistique cachée du chômage, la première regroupant près de 684 000 demandeurs d’emplois et la seconde 279 600. Au total, le chômage réel mesuré par Pôle Emploi s’élève ainsi à 4,46 millions de personnes, c’est-à-dire plus de 15 % de la population active ! Et la tendance s’inscrit à la hausse depuis plusieurs années maintenant…

Le verre à moitié plein

Cela n’a pas empêché le ministre du Travail et de l’Emploi, François Rebsamen, de se féliciter d’une augmentation moins prononcée du nombre d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie A. Ce qui revient à dire qu’en France on se rassure comme on peut avec une baisse de la hausse du chômage, ce qui permet, entre autres, d’oublier que le chômage des plus de 50 ans a augmenté de 170 % depuis 2007 !
Quoi qu’il en soit, avec une croissance encore très faible pour l’instant (moins de 1 %), il n’est pas étonnant que le chômage continue sa progression. En effet, si l’on tient compte des gains de productivité de l’économie française et de l’augmentation de la population active, il faudrait une croissance d’au moins 1,5 % pour lutter efficacement contre le chômage.

Un surplus de croissance possible en 2015

Or, la France, et plus généralement la zone euro, vont profiter pendant quelques mois d’une conjonction de facteurs favorables à la demande : dépréciation de l’Euro, niveau très bas des taux d’intérêt et baisse importante des prix du pétrole. La croissance française devrait aussi profiter de l’arsenal de mesures annoncées par le gouvernement pour soutenir l’investissement. Il n’est donc pas impossible que la croissance atteigne temporairement un seuil suffisamment élevé en France pour créer de l’emploi et faire refluer le chômage.
Mais dans ce cas, le principal risque est que les emplois créés soient à productivité faible et à bas salaires, puisque c’est hélas ce type d’emplois que soutient le Pacte de responsabilité. C’est donc loin d’être une bonne nouvelle pour la croissance potentielle, d’autant que celle-ci a déjà probablement baissé depuis le début de la crise en 2007/2008 en raison des destructions importantes de capacités de production.

Les fausses bonnes idées du moment pour faire refluer le chômage

A court de bonnes idées, les gouvernements ont alors tendance à se rabattre sur les innombrables mauvaises idées qui existent pour lutter contre le chômage. Sans entrer dans un inventaire à la Prévert, on peut citer le travail dominical, qui ne pourra créer d’emplois que si les achats effectués le dimanche ne se substituent pas à ceux de la semaine. Mais également le serpent de mer de la flexibilité qui, si elle était appliquée au moment où le taux de chômage est au plus haut, conduirait probablement à détruire beaucoup d’emplois, comme le montrent les études sur le sujet.

Or, sans relance pérenne de la demande des ménages, il n’y a rien à attendre de probant sur le front du chômage. Mais comme cela n’a toujours pas été compris par nombre de dirigeants politiques et patronaux, l’inversion durable de la courbe du chômage n’est pas pour tout de suite !

deconnecte