La croissance en 2015

La croissance en 2015 n’empêchera pas la hausse du chômage

Le chômage devrait continuer à augmenter au premier semestre 2015, malgré la poursuite d’une légère reprise en France, prévoit l’Insee. Baisse du prix du pétrole et dépréciation de l’Euro ne semblent pas suffisants pour convaincre les entreprises à investir davantage.

L’activité en France devrait croître de 0,4% au premier trimestre 2015 et de 0,3% au deuxième trimestre, mais cela restera insuffisant à inverser la courbe du chômage, lequel devrait continuer de progresser. Telles sont les prévisions issues de la Note de conjoncture de l’Insee, présentées lors d’une conférence de presse, le 2 avril, à Paris.

Pour le premier trimestre 2015, la croissance prévue découle de la conjonction de facteurs favorables très divers, parmi lesquels les effets du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), l’entrée en application du Pacte de responsabilité, la baisse du prix du pétrole ainsi que la dépréciation de l’Euro. Globalement, l’évolution du PIB hexagonal « repose essentiellement sur la consommation des ménages », précise Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee. A la base, le pouvoir d’achat accru des particuliers est porté par un très bas niveau d’inflation et une moindre hausse d’impôts que par le passé. Autre tendance positive, « la baisse de l’Euro donne un nouvel élan aux exportateurs Français », ajoute Vladimir Passeron. En revanche, les investissements ne suivent pas. Ceux des ménages et des administrations reculent. Quant aux entreprises, « elles ne semblent pas enclines à accélérer leurs dépenses d’investissement », constate l’économiste. Et ce malgré un climat d’affaires qui s’est amélioré. Cette tendance, stable depuis novembre 2014, a légèrement progressé en mars dernier. Toutefois, de très fortes différences subsistent en fonction des secteurs : alors que dans l’industrie et le commerce, le climat des affaires reste proche de son niveau sur la longue période, il se situe bien plus bas dans les services et le bâtiment.

Chômage en hausse malgré la légère croissance

Dans la poursuite de cette dynamique du premier trimestre, sur le premier semestre de l’année, l’institut de conjoncture prévoit une poursuite de la croissance liée aux exportations et, surtout, à la consommation des ménages (cf encadré). Celle-ci devrait encore nettement s’accélérer, avec l’amélioration du pouvoir d’achat lié à la baisse des prix énergétiques. Mais le scénario comporte des zones d’ombres : « D’autres composants de la demande devraient rester moins bien orientés », estime Vladimir Passeron. En effet, malgré des conditions plutôt favorables et l’amélioration de leur taux de marge, les entreprises pourraient demeurer attentistes, peu disposées à augmenter leurs investissements.

Par ailleurs, mauvaise nouvelle, le taux de chômage devrait continuer à augmenter. Certes, l’économie devrait cesser de détruire des emplois, et les contrats aidés pourraient créer environ 20 000 postes entre janvier et juin. Toutefois, cette double tendance demeure insuffisante à absorber l’augmentation de la population active. Résultat, le taux de chômage pourrait augmenter ultérieurement pout atteindre les 10,6%. Attention, met en garde l’Insee, plusieurs facteurs pourraient remettre en cause ces projections : un changement de comportement des entreprises en matière d’investissement ou une évolution du prix du pétrole, à la hausse ou à la baisse, sont susceptibles de modifier considérablement la donne.

Situation internationale contrastée

En 2014, déjà, l’évolution du prix du baril a pesé lourd dans l’évolution de la conjoncture économique mondiale. Avec la dépréciation de l’Euro face au dollar, la chute du cours du pétrole, qui est passé d’environ 110 dollars le baril, en juillet 2014, à moins de 60 en mars dernier, a largement contribué à la croissance dans la Zone euro. Au quatrième trimestre, le PIB y a cru de 0,3%. Plus largement, l’an dernier, la croissance est restée robuste dans les économies avancées, et tout particulièrement dans les pays anglo-saxons. Ce n’est pas le cas, en revanche, dans les pays émergents, d’après les enquêtes sur le climat des affaires. Depuis 2013, « la conjoncture reste dégradée », constate Vincent Alhenc-Gelas, responsable de la synthèse « Environnement international de la zone euro ». La Chine est tout particulièrement concernée par cette tendance : le niveau de la production industrielle et des investissements des entreprises y enregistrent une nette tendance à la baisse depuis 2010. Et le taux de croissance connaît son niveau le plus bas depuis 1990. Quant au Brésil, la forte contraction de la demande intérieure a pesé négativement sur la croissance.

Pour le premier semestre 2015, le scénario à venir devrait confirmer ces tendances, d’après l’Insee. La zone euro pourrait continuer à connaître une lente accélération liée au dynamisme de la consommation et à la baisse du prix du pétrole. Toutefois, des divergences conjoncturelles devraient persister entre les différents pays, notamment en raison des disparités de l’investissement. Ce dernier pourrait, au deuxième trimestre 2015, augmenter légèrement en Allemagne et plus nettement en Espagne, générant des croissances du PIB plus importantes dans ces deux pays qu’en France et en Italie, où les investissements ne devraient pas progresser.

Le gouvernement presse les entreprises à investir

Réagissant à la publication des chiffres de l’Insee, Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics a déclaré que « le gouvernement maintient un cap clair : baisse des prélèvements, maîtrise des dépenses publiques et poursuite des réformes. Les conditions sont réunies pour que les ménages comme les chefs d’entreprise puissent se projeter dans l’avenir et investissent », dans un communiqué du 2 avril. Pour Bercy, les entreprises doivent contribuer au retour de l’emploi et de l’investissement dans les mois qui viennent.

Baromètre : moral et consommation des ménages

En ce début d’année 2015, le moral des ménages est au plus haut depuis fin 2010. Alors que leur niveau de consommation, après trois mois de hausse, redevient stable en février, soit +0,1% après +0,7%. Un revirement de conjoncture semble ainsi se dessiner.

Les Français retrouvent le moral. En mars, la confiance des ménages en France s’améliore pour le deuxième mois consécutif, atteignant son plus haut niveau depuis novembre 2010, selon l’Insee. Leur opinion sur leur situation financière actuelle et future reste stable par rapport à février. Aujourd’hui, ils sont plus nombreux à considérer comme opportun de faire des achats importants (+2 points). Enfin, l’idée qu’ils se font de leur niveau de vie futur s’améliore pour le cinquième mois consécutif (+2 points).

Dynamisme des dépenses en énergie

La consommation des ménages en énergie enregistre une légère accélération en février soit +0,8 % après +0,6 %. L’augmentation des dépenses en électricité alimente ce dynamisme, tendance qui s’explique par le niveau légèrement inférieur des températures par rapport aux normales saisonnières de février. Quant aux achats de carburants, ceux-ci baissent de nouveau à un rythme cependant moins rapide, précise l’Insee.

Baisse de la consommation en « biens fabriqués » et produits alimentaires

Cependant, les dépenses en « biens fabriqués » enregistrent un coup d’arrêt, et se stabilisent à +0,1%, contre +1,5%, en janvier. Au sein de ce poste, les dépenses en biens durables accusent un recul de 0,1% contre +1,8%, du fait d’une baisse significative des achats d’automobiles (-0,8% après +3,4%). En revanche, les achats en équipement du logement suivent une trajectoire continue (+0,5% contre +1% en janvier).
Quant au poste habillement, on observe également une légère baisse des achats textile, habillement et cuir, en février, soit -0,4% après +2% en janvier. Seuls les « autres biens fabriqués » sont en hausse (+0,7% contre +0,5% en janvier), portés par les achats de parfums et de quincaillerie-bricolage. La consommation en produits alimentaires, troisième grand poste de consommation, s’essouffle aussi, soit -0,3% après -0,1% en janvier. Tendance baissière résultant de la diminution des achats de tabac, indique l’Insee.

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