La loi Macron : trop (...)

La loi Macron : trop d’idées pour trop peu d’effets !

  • le 30 décembre 2014

Le projet de loi Macron « pour la croissance et l’activité », qui doit être débattu en janvier 2015, s’inscrit dans une logique de libéralisation et déréglementation de l’activité économique. Trop libéral pour les uns, trop modéré pour les autres, ses effets économiques seront de toute façon très décevants.

Tout a commencé durant l’été 2014, lorsqu’Arnaud Montebourg, alors Ministre du Redressement productif, annonçait trente mesures qui permettrait de « restituer 6 milliards d’euros aux Français ». Après son éviction du gouvernement Valls, c’est à Emmanuel Macron qu’est revenue la tâche de mettre ce projet de loi en forme.

Un projet de loi fourre-tout

Le projet de loi Macron, de son vrai nom « loi pour la croissance et l’activité  », se décline en 106 articles classés en trois grands chapitres aux titres évocateurs (provocateurs ?) : libérer, investir et travailler ! Dans le détail, ce texte englobe tout à la fois le travail du dimanche, la concurrence dans le transport par autocar, la déréglementation des professions juridiques, le développement de l’actionnariat salarié, la réforme du permis de conduire, etc. Bref, on est en face d’une loi-valise, qui fait beaucoup de mécontents, et dont les maîtres mots sont libéralisation, simplification et déréglementation.

Libéralisation et déréglementation

Le tournant néolibéral des années 1980 est caractérisé par un approfondissement inédit de la logique de marché, dans le but, espéré, de faire baisser les prix et soutenir la croissance. En pratique, cela se traduit par des allégements ou suppressions des réglementations en place (déréglementation) et par une facilitation de l’accès aux différents secteurs économiques (libéralisation). Et la loi Macron, à bien y regarder, s’inscrit dans le droit fil de cette idéologie. Elle prend surtout appui sur les propositions faites en 2007 par la commission Attali « pour la libération de la croissance française », dont on pourra noter que l’un des rapporteurs s’appelait… Emmanuel Macron.

Un rachat des rentes et privilèges ?

Si le gouvernement cherchait réellement à déréglementer tous les secteurs protégés, peut-être eût-il été bon qu’il pratique une lecture cursive du travail mené par deux économistes, Jacques Delpla et Charles Wyplosz. Ces derniers proposaient, en 2007, de mettre fin à toutes les rentes et facteurs d’improductivité en indemnisant généreusement ceux qui en profitent, les économies et la croissance futures qui en découleraient devant permettre de financer ces dédommagements chiffrés à 380 milliards d’euros !

La relance de l’économie loin d’être assurée…

Contrairement à Arnaud Montebourg qui chiffrait à 6 milliards d’euros le pouvoir d’achat que sa loi restituerait aux Français, le projet de loi Macron reste silencieux sur ce point. Peut-être parce que le ministre sait que les mesures évoquées sont loin de permettre une relance massive de l’économie française, d’autant que celle-ci fait partie d’une zone euro bien malade elle-aussi, puisqu’en passe d’entrer en déflation avec toutes les conséquences négatives que cela comporte (baisse de l’investissement, hausse des taux d’intérêts réels,…) ?

Un récent document de l’OCDE a estimé l’impact de la première mouture de la loi Macron à environ 0,1 point de croissance supplémentaire par an, à horizon de cinq ans. C’est certes mieux que rien, mais lorsqu’on sait qu’il faudrait au moins 1,5 % de taux de croissance pour lutter contre le chômage, on reste dubitatif sur le contenu et la cohérence de la loi, à l’instar du Conseil d’État qui a déploré « le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l’étude d’impact sur nombre de dispositions du projet de loi pour la croissance et l’activité ». Au surplus, cette loi a le défaut de concentrer des pertes importantes sur un petit nombre, tandis que les gains sont disséminés à grande échelle pour de faibles montants individuels.

Et si ce texte n’avait d’autre but que de rassurer nos partenaires européens, qui exigent à cor et à cri des réformes structurelles, en échange d’un délai supplémentaire dans la réduction du déficit public ?

En définitive, la loi Macron, si elle consacre quelques rares avancées intéressantes, passe à côté des vrais enjeux, même si elle prétend améliorer la vie des Français, et en particulier des jeunes et des plus fragiles. L’économie française va mal, comme la plupart des économies européennes, d’abord parce que la zone euro est malade : l’austérité généralisée, l’absence de fédéralisme et de mécanismes correcteurs des différentiels de compétitivité entre pays ont fait caler les moteurs de la croissance.

Le niveau pertinent pour relancer l’économie est indubitablement la zone euro, mais ses membres peinent à prendre des mesures communes et chacun s’en remet donc à des lois nationales aux effets bien trop négligeables !

Par Raphaël DIDIER

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