La précarité, l'affaire de

La précarité, l’affaire de tous

Plus de la moitié des Français ont eu le sentiment qu’ils étaient sur le point de connaître la pauvreté, à un moment ou à un autre de leur existence. C’est dire si, la précarité sociale est devenue structurante dans la société française. Une réalité, qui, pour de multiples raisons, concerne aussi les acteurs du monde économique.

Les chiffres sont glaçants. En 2014, deux Français sur trois (66%) déclarent connaître, parmi leur famille ou leurs connaissances, au moins une personne en situation de pauvreté, selon le baromètre Ipsos / Secours Populaire sur la pauvreté, publié cet automne.

Et 86% d’entre eux craignent que leurs propres enfants ne courent plus de risques qu’eux de se retrouver dans cette situation. Concrètement, 43% seulement des Français parviennent à mettre de l’argent de coté à la fin du mois, d’après le sondage. Par ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à reporter une visite chez le médecin, ou à renoncer à se faire soigner pour des raisons économiques. Les consultations chez le dentiste, en particulier, peuvent être retardées de plusieurs mois. Si ces réalités interpellent toute personne comme citoyen, elles concernent également le monde économique en temps que tel. C’est ce qu’ont montré plusieurs intervenants à un débat qui s’est déroulé le 16 septembre, à Paris, à l’occasion du lancement du magazine Debout, destiné aux personnes en situation de précarité (cf encadré).

Concrètement, de nombreuses entreprises développent déjà des actions qui s’inscrivent dans cette réalité. Ainsi, dans le domaine de l’alimentation, par exemple, « les épiceries solidaires, c’est l’idée qu’il y a une étape : indispensable entre le don et la possibilité aller au magasin. L’intérêt, c’est que les personnes concernées font leurs courses comme dans un magasin, mais avec des prix beaucoup moins chers. Et c’est aussi un lieu de dialogue et d’information » explique Jérôme Bédier, secrétaire général du groupe Carrefour, et président de la Fondation Carrefour.

Des PME « très impliquées »

Au-delà de ces actions les plus visibles organisées par de grandes entreprises, « les PME sont très impliquées », note Serge Guérin, sociologue, professeur à l’ESG Management school. Le chercheur a réalisé un travail d’analyse portant sur 350 partenariats, qui prennent diverses formes, parmi lesquelles des « coopérations économiques » entre des structures d’intérêt général et les entreprises. Exemple, une entreprise de production de bois qui met en place une filière de recyclage en coopération avec une structure solidaire. Autre cas, une entreprise alsacienne spécialiste des équipements de loisirs, qui a travaillé avec une association de parents d’enfants en situation de handicap, pour concevoir des équipements adaptés et qui incluent tous les enfants. « La bonne nouvelle, c’est que 84% des citoyens pensent qu’il est urgent qu’associations et entreprises coopèrent », estime Serge Guérin. Au-delà de l’intérêt général, « il y a aussi des raisons ’business’ pour aller vers des logiques plus inclusives », ajoute Bénédicte Faivre-Tavignot, directrice de la chaire social business-entreprise et pauvreté à HEC. Tout d’abord, en interne, la motivation des salariés toujours plus en quête de sens. Envers les clients, se joue un enjeu de réputation, qui peut peser lourd. Autres motivations encore : les entreprises qui visent à croître dans les pays émergents doivent s’intéresser aux personnes en situation de précarité si elles veulent obtenir un marché. De plus, il existe aussi un enjeu d’innovation : « Cibler une population en précarité conduit plus à des innovations de rupture, à aller hors du cadre. Autrement, on va innover en développant des produits plus chers et sophistiqués, en ajoutant des fonctionnalités », précise Bénédicte Faivre-Tavignot.

Un nouveau magazine : Debout

Le magazine Debout, dont le premier numéro parait ce mois de septembre, s’adresse aux personnes en situation de précarité. Objectif : fournir des informations utiles et pratiques pour agir dans tous les domaines de la vie quotidienne (emploi, santé, logement …). Gratuit, le magazine sera distribué par un réseau de partenaires, comme des associations, centres sociaux…

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