Le fabuleux destin (...)

Le fabuleux destin du portage salarial

Après sept ans de tergiversations, une ordonnance du 2 avril dernier précise les règles de fonctionnement du portage salarial.

S’il est un texte qui prouve les dysfonctionnements de notre système politique, c’est bien celui du portage salarial. Retour en arrière.

Le portage salarial constitue un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage.

Ce système s’était développé en dehors de toute loi... la nécessité s’est vite fait sentir de donner à ces relations un cadre législatif.

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail avait prévu qu’un accord national interprofessionnel (ANI) étendu puisse confier à une branche professionnelle la mission d’organiser l’ensemble de ces relations contractuelles. Ainsi, sur la base de l’ANI du 11 janvier 2008, les partenaires sociaux de la branche de l’intérim ont conclu un accord le 24 juin 2010 relatif au portage salarial. Mais c’était sans compter sur son invalidation par le Conseil constitutionnel , l’organisation des relations contractuelles en matière de portage salarial relèvant … de la compétence du législateur. Les sages ont reporté l’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité au 1er janvier 2015.

La loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 a renvoyé à une ordonnance le soin de régler définitivement ce problème. C’est maintenant chose faite, après sept ans de tergiversations, avec l’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 qui, pratiquement, reprend, dans ses grandes lignes, le texte de l’accord du 24 juin 2010.

Définition

L’article L 1254-1 du Code du travail désigne le portage salarial comme un ensemble organisé constitué par :
- d’une part, la relation entre une entreprise dénommée « entreprise de portage salarial » effectuant une prestation au profit d’une entreprise cliente, qui donne lieu à la conclusion d’un contrat commercial de prestation de portage salarial ;
- d’autre part, le contrat de travail conclu entre l’entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le « salarié porté », lequel est rémunéré par cette entreprise.

Le salarié porté doit justifier d’une expertise, d’une qualification, et d’une autonomie qui lui permet de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix. Il bénéficie d’une rémunération minimale définie par accord de branche étendu. A défaut d’accord de branche étendu, le montant de la rémunération mensuelle minimale est fixé à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale pour un temps plein (2 377 euros).

L’article L 1254-2 précise également un point important : l’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté. On notera que la Cour de cassation avait récemment pris une position contraire .

Recours

L’entreprise qui a recours au portage salarial ne peut le faire que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle qui ne relève pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle qui nécessite une expertise dont elle ne dispose pas. Dans tous les cas, le recours à un salarié porté ne peut servir à :
- remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’une grève ;
- effectuer certains travaux particulièrement dangereux qui figurent sur la liste spécifique prévue au Code du travail.
La durée de la prestation ne peut pas excéder 36 mois et peut être réalisée sous contrat à durée indéterminée ou contrat à durée déterminée.

Dans tous les cas, la seule rupture du contrat commercial de prestation de portage salarial n’entraîne pas la rupture du contrat de travail du salarié. L’entreprise de portage salarial est redevable de la rémunération due au salarié porté correspondant à la prestation réalisée. En outre, le montant de l’indemnité d’apport d’affaire est défini par accord de branche étendu. A défaut, il est fixé à 5 % de la rémunération due au salarié porté.

S’il s’agit d’un CDD (« contrat de travail en portage salarial à durée déterminée »), le contrat comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Toutefois il peut ne pas comporter de terme précis lorsque le terme de l’objet pour lequel il a été conclu n’est pas connu. Il est alors conclu pour une durée minimale et a pour terme la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu. Le CDD ne peut excéder 18 mois, avec éventuellement un renouvellement. Le terme peut être reporté de trois mois par commun accord afin de permettre au salarié porté de prospecter de nouveaux clients. Le contenu du contrat de travail est fixé par l’article L 1254-14 du Code du travail.

S’il s’agit d’un CDI (« contrat de travail en portage salarial à durée indéterminée »), le contrat est conclu entre l’entreprise de portage salarial et le salarié porté pour la réalisation de prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes. Les mentions obligatoires du contrat sont les mêmes que pour le CDD (à l’exception du terme).

Contrat commercial

L’entreprise de portage salarial doit exercer cette activité à titre exclusif, et seule une entreprise dédiée au portage salarial peut le faire. L’activité d’entrepreneur de portage salarial ne peut être exercée qu’après déclaration faite à l’autorité administrative et obtention de la garantie financière. L’entreprise de portage salarial conclut avec l’entreprise cliente du salarié porté un contrat commercial de prestation de portage salarial, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant le début de la prestation. Ce contrat reprend les éléments essentiels de la négociation de la prestation entre le salarié porté et l’entreprise cliente. L’entreprise de portage adresse au salarié porté, par tout moyen, une copie de ce contrat dans le même délai.

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