Les recettes libérales

Les recettes libérales pour sortir de la crise

Les pays européens qui sont sortis de la crise de 2008 sont tous passés par des baisses des dépenses publiques et des réformes structurelles libérales, d’après un débat organisé par l’Institut de l’entreprise.

La situation de la France semble particulière.

L’Irlande fait figure de bon élève, dans l’Europe de la sortie de crise. Ce pays, dont la situation économique est allé jusqu’à nécessiter un plan du Fonds monétaire international affiche aujourd’hui un taux de croissance supérieur à 5%. Il s’agit du « taux de croissance le plus rapide de l’OCDE », se réjouit Géraldine Byrne Nason, ambassadrice d’Irlande en France. Aujourd’hui, de nombreux indicateurs sont passés au vert : le pays a retrouvé son niveau de PIB par habitant d’avant la crise, la consommation des ménages augmente et les entreprises recommencent à investir.

Mais ce retournement a nécessité des « sacrifices très importants » et une politique publique « extraordinaire », rappelle l’ambassadrice. C’était le 10 décembre à Paris, au cours d’une table ronde « Sortir de la crise : les enseignements de nos voisins européens », organisée par l’Institut de l’entreprise, think tank financé par de grandes entreprises.

Au niveau européen, la situation économique s’est décidément améliorée, d’après Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas et coordinateur d’une étude sur les politiques publiques de sortie de crise pour l’Institut de l’entreprise. Pour lui, « on peut tracer un bilan assez positif. La croissance économique est un peu repartie, et ce, assez fortement dans certains pays. Et cela s’est accompagné d’une inversion de la courbe du chômage ». Pour autant, « ces progrès ont un prix (…) Le bilan social est douloureux », reconnaît l’économiste. Quant aux solutions mises en œuvre par les pays qui semblent s’en sortir le mieux, comme l’Espagne ou le Royaume-Uni, elles sont « assez comparables », poursuit Michel Pébereau. En synthèse, la réduction des dépenses a constitué l’outil de sortie de crise privilégié. Pour autant « Il ne s’agit pas d’une politique de rabot. (…) L’effort budgétaire a été accompagné de réformes structurelles », précise l’économiste.

Concrètement, ces pays ont réduit la masse salariale de leurs administrations centrales et territoriales, gelé les rémunérations. Les dépenses sociales ont également été sévèrement revues à la baisse, et notamment la santé, comme au Royaume-Uni et en Espagne.

En parallèle de ces efforts budgétaires, des changements structurels ont été réalisés dans les administrations. Les pays ont également poursuivi les réformes des régimes de retraite déjà engagées, avec comme objectif de faire passer l’âge de départ à la retraite au delà de 65 ans. Autre réforme structurelle, celle du marché du travail, vers plus de flexibilité. « Cela a été très précieux pour réduire le chômage. Au Royaume-Uni, cela a favorisé la création de travail indépendant », note Michel Pébereau.

Les spécialités de la crise Made in France

Et la France ? Qu’il s’agisse de l’impact de la crise, des solutions apportées et de leur efficacité, la situation de l’Hexagone semble un peu à part, à en suivre les analyses des différents intervenants. Ici, « la crise est assez spécifique et structurelle (…) La plupart des éléments préexistaient à la crise de 2009 », estime Guillaume Roty, attaché économique à la représentation de la Commission européenne en France, citant notamment la perte de marchés, un taux de chômage élevé et des finances publiques qui flirtaient déjà avec les limites des règles définies par l’Union européenne. Aujourd’hui, « l’amélioration est moins rapide que dans les autres pays (…) L’économie française s’enlise dans une activité stagnante », poursuit l’attaché économique.

En cause : les solutions apportées qui ne seraient pas à la hauteur. Réforme du travail, libéralisation du marché des services, consolidation budgétaire... « les réformes ont été menées de manière très progressive », commente diplomatiquement Guillaume Roty.

Son analyse est largement partagée par Peter Jarrett, responsable de la division des études pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Pour ce dernier, les difficultés françaises proviennent notamment de la faiblesse du taux de marge des entreprises, qui ne leur permettent pas de profiter d’une éventuelle hausse de la consommation, laquelle se reporte sur les importations. Une situation que Peter Jarrett attribue à une trop grande importance du secteur public, en France. « On ne peut pas continuer à imposer au secteur privé les coûts de l’ensemble des administrations publiques en France », avance l’économiste, pour qui l’une des clés réside dans un effort de simplification. « Dans beaucoup de domaines en France, il y a une exagération de complexité, par exemple dans le domaine des retraites », explique Peter Jarret,t pour qui le plan de « choc de simplification » mis en œuvre par le gouvernement demeure insuffisant.

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