Loi Macron 2 : une (...)

Loi Macron 2 : une arche de Noé sans emploi !

Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi, nommé #Noé, pour permettre à l’économie française de profiter des opportunités offertes par la révolution numérique . Mais les espoirs risquent fort d’être déçus…

Indéniablement, nous faisons actuellement face à une troisième révolution industrielle, bien qu’elle soit très différente de la première, liée au développement de la machine à vapeur au XVIIIe siècle, et de la deuxième, basée sur l’électricité et la chimie, au début du XXe. En effet, la révolution numérique prend appui sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour réduire les délais et créer de nombreux services nouveaux, ce qui laisserait entrevoir une croissance économique soutenue, en France. Du moins est-ce ainsi que le ministre de l’Economie la présente…

Une concurrence forte

En pratique, s’il est vrai, par exemple, que l’utilisation des smartphones permet le développement de nouveaux services, comme le covoiturage (BlaBlaCar) ou la demande d’un voiturier (Drop), il n’en demeure pas moins que les sociétés issues de la révolution numérique sont souvent en concurrence frontale avec des services existants. A preuve, le cas de UberPop, qui permettait d’arrondir ses fins de mois en s’improvisant chauffeur de taxi, sans aucune autre contrainte que celle d’être enregistré auprès de la société Uber ; exit donc l’achat d’une licence et le paiement d’impôts. Mais on pourrait tout aussi bien citer Airbnb, site de location entre particuliers, qui chasse inévitablement sur les terres des professionnels de l’hôtellerie, sans avoir à s’acquitter des mêmes charges.

Un déversement d’emplois ?

Dès lors, les richesses et les emplois créés grâce à ses nouveaux services pourraient très bien se payer d’une réduction de l’emploi dans les secteurs traditionnels de l’économie. Certes, l’on sait depuis longtemps que la robotisation peut détruire les emplois non-qualifiés, comme le rappellent les révoltes des luddites, ces ouvriers qui, fin du 18e siècle, détruisaient les nouvelles machines accusées de les priver de leurs emplois et de faire baisser la qualité des produits. Mais le développement actuel des outils numériques, conjugué aux progrès de la robotisation, menace désormais aussi les emplois intermédiaires, dans des secteurs aussi divers que la comptabilité et le transport. Le géant chinois de l’Internet Tencent s’est même attaqué à la presse en faisant publier un communiqué d’environ 900 mots par un robot !
Certains se rassurent en invoquant l’économiste Schumpeter, qui affirmait que l’innovation implique nécessairement une « destruction créatrice », c’est-à-dire que des secteurs d’activité peu productifs disparaissent au profit de nouveaux secteurs bien plus productifs. Or, pour l’instant, rien n’assure que les nouveaux emplois créés dans l’économie numérique seront à même d’absorber la main-d’œuvre mise au chômage par l’innovation (estimée à 3 millions de personnes, d’ici à 2025, selon une étude du cabinet Roland Berger), ne serait-ce qu’en raison de la haute qualification qu’exige cette nouvelle économie. Pire, la « théorie du déversement » d’Alfred Sauvy, qui stipule qu’à la faveur des gains de productivité les emplois détruits sont plus que compensés par les emplois créés, risque fort de buter sur une réalité simple, à savoir que les entreprises du secteur numérique n’ont finalement besoin que de très peu de salariés, contrairement à l’industrie triomphante des Trente Glorieuses.

Peu d’effets attendus sur la croissance

Au total, nombre d’économistes doutent que la révolution numérique puisse apporter croissance et emplois. Robert Gordon conclut même que les dividendes de la révolution numérique en termes de productivité ont peut-être déjà tous été touchés et que désormais les vents contraires sont très nombreux dans les grandes économies (vieillissement de la population, fin de l’élévation du niveau d’éducation, accroissement des inégalités, etc.). D’où, selon lui, une stagnation séculaire, c’est-à-dire une croissance très faible, et donc peu d’effets sur l’emploi. Mais le vrai danger de la révolution numérique est de conduire à une ubérisation de l’économie, qui consisterait à faire de tous les salariés des autoentrepreneurs, en concurrence sur un marché coté en continu de la fourniture de services. Or, une précarisation et un affaiblissement de l’emploi salarial soulèveraient d’innombrables questions sur le financement de l’Etat et de la Sécurité sociale.

En définitive, on comprend que l’annonce du projet de loi #Noé, qui vise à favoriser les « nouvelles opportunités économiques », est probablement une bonne nouvelle pour le développement des sociétés numériques, mais ne répond pas aux questions de croissance et d’emploi.

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