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Loi SRU et logement social : la logique arithmétique doit-elle être implacable ?

Plusieurs communes des Alpes-Maritimes devront payer des pénalités pour carence de logements sociaux, alors qu’il leur est difficile d’en construire en raison du risque d’inondation. Décryptage

SRU pour solidarité et renouvellement urbain. Cette loi du 13 décembre 2000 a défini le droit de l’urbanisme tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est elle qui a mis fin aux schémas directeurs, remplacés par les schémas de cohérence territoriale (SCOT). C’est elle qui a fait disparaître les plans d’occupation des sols au profit des plans locaux d’urbanisme (PLU). Et c’est à elle que l’on doit aussi les obligations des communes en matière de logement social.
Les dispositions relatives au logement social sont contenues dans l’article 55 de la loi SRU, qui entend générer une répartition équilibrée de ce parc sur le territoire, avec une logique de mixité. Il oblige ainsi les communes à disposer, d’ici 2025, d’une proportion de logements sociaux en regard du nombre de résidences principales. Un objectif louable, car visant à permettre l’accès au logement des foyers les plus modestes, mais parfois difficilement réalisable.
Sont concernées par l’obligation les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 dans l’agglomération parisienne) appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 âmes comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Le taux de logements sociaux doit alors être de 25%. Un taux de 20% est parfois applicable, notamment dans les communes isolées et dans les territoires où la demande en logement est moins forte. Dans les Alpes-Maritimes, une quarantaine de communes du littoral et du proche moyen-pays, sont soumises à ces règles.
Les communes déficitaires s’exposent à des pénalités financières tant qu’elles ne répondent pas aux objectifs de rattrapage. Le préfet a la possibilité de placer les collectivités concernées en situation de carence, ce qui augmente les sanctions. Il peut alors récupérer certaines prérogatives des maires, comme la délivrance des autorisations d’urbanisme et le droit de préemption.

Maires frondeurs

Les maires de plusieurs communes de l’Ouest du département s’insurgent. Non pas contre le principe de la loi, mais contre la façon dont elle est appliquée. David Lisnard pour Cannes, Sébastien Leroy pour Mandelieu-La Napoule, Yves Pigrenet pour Le Cannet et Lionnel Luca pour Villeneuve-Loubet regrettent que la règle ne prenne pas suffisamment en compte les réalités urbanistiques locales, ce particularisme azuréen qui conjugue un territoire déjà fortement urbanisé à une exposition forte aux risques majeurs.

Fin novembre, les instances locales de l’État, à travers la Commission régionale de l’habitat et de l’hébergement, s’étaient pourtant prononcées en faveur d’une exonération de carence pour certaines communes, dont Cannes et Mandelieu-La Napoule, eu égard aux inondations dont elles ont été le théâtre en 2015 et 2019. Mais la "punition" a finalement été rétablie. Pour les élus, c’est le gouvernement qui est à l’origine de ce revirement. Et plus particulièrement la ministre déléguée chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, qui pointait récemment du doigt la ville de Cannes. De quoi faire bondir David Lisnard, qui argue que la cité du cinéma a le plus fort taux (17%) de logement sociaux du littoral azuréen et qu’elle fait des efforts de mixité alors que les deux tiers de son territoire sont en zone inondable. "Le gouvernement a désavoué sa propre administration", insiste-t-il. En faisant le choix de la carence, l’État affiche "une position méprisante, irresponsable et criminelle", ajoute Sébastien Leroy, qui dénonce une "communication politicienne".

La logique arithmétique ne peut suffire au règlement de la question du logement social. Les limites de "l’application bête et méchante de la loi SRU", selon les termes de Lionnel Luca, sont d’autant plus criantes sur le territoire maralpin que sa bétonisation est souvent citée parmi les facteurs aggravants des réalités naturelles qui le contraignent. Et qui mettent régulièrement ses populations en danger. La fronde des maires des communes
carencées entend obtenir de l’État la fin d’objectifs "irréalistes et inaccessibles".

À Cannes et à Mandelieu-La Napoule, on est prêt à porter "l’injustice" devant la justice.

Visuel de une illustration DR J.P

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