Maires ruraux : "cette

Maires ruraux : "cette fois, la coupe est pleine"

Responsabilités croissantes, charges écrasantes, complexification administrative, mauvaise écoute de l’État... : les récriminations des maires des petites communes ne sont pas nouvelles. Réunis à Drap pour leur assemblée générale annuelle, ils ont tiré le signal d’alarme, comme les années précédentes, mais cette fois en écrivant au Premier ministre Édouard Philippe (lire ci-dessous) pour lui faire part de leur épuisement face à la multiplication des tâches inutiles, coûteuses et chronophages, alors qu’ils voudraient consacrer toute leur énergie au bien-être et aspirations de leurs administrés.

21,4 millions d’habitants

Maire de Guillaumes et président de l’association des maires ruraux 06, Jean-Paul David a passé en revue dans son rapport moral toutes les activités que ses services ont mené au service de la ruralité : mobilisation des fonds européens, Gîtes de France, modernisation de la ligne Cannes-Grasse, transition énergétique, présence hospitalière dans les vallées, relations avec de nombreux partenaires comme La Poste, Enedis, l’Inspection académique, etc.
"En France 21,4 millions de personnes, soit un quart de la population, a choisi de vivre en zone rurale. 85% des ruraux sont des actifs, et dans nos campagnes ont est même plus citoyen qu’ailleurs puisque la participation aux scrutins y est plus élevée de 26% par rapport aux grandes villes" a rappelé le président David. Mais pour lui comme pour les maires présents, le sentiment d’abandon par l’État est vécu au quotidien. À commencer par la baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement, qui est générale pour tous les communes, mais encore plus marquée pour les plus petites d’entre elles.
"45% des maires et conseillers envisagent de quitter leur mandat, cela interpelle sur les vocations et le bénévolat. Il faut travailler sur la protection juridique et pénale des élus, sur leur régime indemnitaire, sur les formations et sur... la réforme de la taxe d’habitation et la fiscalité locale" a t-il assuré.

Manque de moyens et solidarité du Département et de la Région

Charles-Ange Ginésy a estimé que "le maire porte des compétences avec des moyens toujours plus faibles. Le Conseil départemental est pour les communes une caisse de solidarité territoriale et sociale". Mais le social "mange petit à petit notre budget", d’autant que les participations de l’État ont été en baisse de 27 M€ cette année et que les Alpes-Maritimes,
département riche, a contribué à hauteur de 30 M€ pour aider les départements pauvres. "Cela ne nous empêche pas de continuer à aider les communes : en 2017, nous avons financé 33 M€ pour soutenir six cents projets en zone rurale". Il a évoqué également "l’avancée spectaculaire du très haut débit" qui permettra de développer l’activité dans les zones éloignées et a plaidé pour "laisser la liberté" aux communes en matière d’eau et d’assainissement car le transfert de cette compétence sur les agglos sera, pour lui, aussi inefficace que coûteux.
Représentant la Métropole et la Région, Pierre-Paul Leonelli a lui aussi assuré les maires ruraux de la solidarité de ces institutions. Il a estimé que " la population n’a pas à être concentrée dans les villes. On a l’impérieuse obligation d’apporter les services publics dans le moyen et le haut pays", citant les 28 M€ que la Région a investi pour des aménagements culturels.
Il revenait, tâche difficile, à Gwenaëlle Chapuis, sous-préfet "Nice Montagne", de s’exprimer au nom de l’État devant des élus en forte attente de soutien.

Courrier au Premier ministre : "que notre détresse soit entendue"

L’association des Maires ruraux des Alpes-Maritimes a écrit à Édouard Philippe pour l’alerter sur les difficultés de leur mandat. Voici de larges extraits de ce courrier alors que va se tenir le 11 juillet la conférence des territoires :
"Une lecture des mesures prises depuis 40 ans par nos gouvernements successifs laisse apparaître la mise en place des conditions de la disparition des communes (...). Hors de tout misérabilisme, il est de notre devoir de vous alerter sur les graves conséquences politiques et sociales de la situation que nous vivons au quotidien. Les maires ruraux ont dû s’adapter pour continuer à défendre l’intérêt général et répondre aux demandes légitimes de leurs concitoyens, en dépit de l’inflation de normes inutiles et inapplicables et de l’affaiblissement drastique de nos moyens financiers. Et ce, alors que les maires ruraux et les conseillers municipaux sont de moins en moins respectés pour leur engagement et dans leurs fonctions dans leur interaction avec l’État.
Ils sont quasiment bénévoles et doivent administrer de vastes territoires dont ils doivent assumer toutes les responsabilités. Ils exercent un mandat difficile, au détriment de leur vie professionnelle et personnelle parfois. Ils sont aussi des représentants de l’État toujours prêts à servir. Le maire est la personnalité politique préférée des Français. Aujourd’hui, la coupe est pleine, cet engagement auprès des administrés, le maire ne peut plus y faire face.
L’égalité républicaine de tous les citoyens n’est plus assurée. Pourtant, la première mission des pouvoirs publics est de garantir à chaque territoire les capacités de son développement et à chaque administré des conditions de vie conformes à ses aspirations, y compris dans le secteur de la santé. (...)
Les maires veulent une ruralité vivante, ils sont bâtisseurs et veulent mettre en œuvre des projets innovants.
L’État doit nous accompagner dans cette démarche, au lieu de nous contrer au quotidien par des normes inadaptées ou par l’obligation de remplir des formulaires complexes, incompréhensifs, à l’image de ceux de l’Agence de l’eau.
Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarations de principe. Les communes rurales doivent faire l’objet d’une "discrimination positive". (...)
L’État doit trouver des solutions concrètes sur le terrain, il doit organiser à nouveau ses services pour accompagner le développement de nos projets (...)
Monsieur le Premier ministre, la France mérite d’être considérée autrement qu’à l’aune de la densité démographique. Nous espérons que notre voix et notre détresse seront entendues. Ne découragez pas les élus locaux
."

Photo de Une ; Le bureau de l’association des maires ruraux-06 et les personnalités. DR JMC

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