Medef : les entreprises

Medef : les entreprises françaises invitées à faire leur révolution numérique

[NUMERIQUE] Les entreprises françaises sont-elles prêtes à se convertir au numérique ? Le Medef a fait le point sur les enjeux et les possibilités qu’offre cette transformation, lors de l’Université du numérique. Une transformation qui n’est pas une option, mais une nécessité…Petit mode d’emploi.

Se poser la question de la transformation numérique, aujourd’hui, pour les entreprises, c’est comme pour une société des années 50 s’interroger sur la pertinence de s’équiper en téléphones…

C’est ainsi que Jacques Attali, écrivain et fondateur de Planète Finance, synthétisait cet enjeu très contemporain, lors de l’Université du numérique organisée par le Medef, le 10 juin à Paris.

Pourtant, en France, les entreprises sont loin d’avoir franchi le cap, ont estimé les intervenants de la table ronde « Favoriser et accompagner la transformation des entreprises françaises à l’heure du tout digital », qui ont détaillé les enjeux sous-jacents à cette transformation et les opportunités qu’elle offre.

Première analyse, à l’origine de cette lenteur hexagonale, si la France ne manque pas des compétences nécessaires pour prendre ce virage, « son plus gros point faible, c’est un niveau de prise de risque, très faible », estime Didier Mamma, vice-président des ventes big data de SAP, éditeur de logiciels d’entreprise, évoquant un manque de diversité dans le recrutement, et, surtout, la timidité des projets, ainsi que la faiblesse des montants investis. Une réalité qui tient plus à la faiblesse des marges des entreprises, limitant leur capacité d’investissement, qu’à une aversion au risque de la part des dirigeants, tempère Christian Poyau, président de la commission « transformation numérique » du Medef et PDG du groupe Micropole, société de consulting.

Par ailleurs, « on est au début de la transformation numérique. Personne n’a de feuille de route », avance le représentant du Medef, qui préconise une méthode « test and learn », pour entamer sa démarche de transformation numérique. Des méthodes agiles, des productions en temps réel d’applications qui vont servir immédiatement… C’est aussi dans ce sens que va Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de SIA conseil, cabinet de conseil en management et stratégie opérationnelle, et auteur notamment de « La société numérique », aux éditions Hermès. « La révolution numérique est une révolution culturelle, ce n’est pas une révolution technologique », insiste Jean-Pierre Corniou, invitant à oublier les expériences « tunnel » des projets informatiques souvent coûteux, et pas nécessairement efficaces.

Au choix : « Disrupter » ou « Ubériser »

En fait de révolution culturelle, la transformation numérique peut se traduire par un véritable bouleversement du modèle économique de l’entreprise. Exemple, avec l’entreprise américaine John Deere, qui fabrique des tracteurs depuis le XIXe siècle. « Demain, John Deere va devenir éditeur de logiciels », explique Didier Mamma. Déjà, les tracteurs ont été dotés de capteurs, ce qui permet d’en gérer la maintenance, en prévenant les défaillances. Mais ce n’est qu’une première étape, et en ajoutant des informations sur les cultures elles- mêmes et les facteurs qui les impactent, « le travail de l’entreprise consistera à agréger les informations », estime Didier Mamma, pour qui l’on va vers « un mode de monétisation des services différent ».

A contrario, dans le monde du bricolage, le potentiel d’évolution lié au numérique n’a pas été pleinement exploité. « Aujourd’hui, le client est aussi promoteur et même fournisseur », explique Didier Mamma. En effet, la perceuse achetée dans une enseigne peut ensuite être mise en location sur une plateforme Internet. Et les acteurs du bricolage auraient pu prendre l’initiative de ces nouveaux circuits, estime Didier Mamma. Las, « cela implique de disrupter son business modèle », poursuit l’entrepreneur. Même son de cloche chez Jean-Pierre Corniou : « Il faut être les leaders de l’Uberisation de votre marché », insiste-t-il, se référant à la remise en cause radicale du modèle économique des taxis par le nouveau service numérique proposé par la start-up américaine, qui met en relation des particuliers désireux d’être transportés, et d’autres, désireux de transporter. Conclusion, insistent les intervenants, mieux vaut Uberiser, avant qu’un concurrent- probablement non identifié- ne le fasse…

Se connecter directement à ses clients

Parmi les changements profonds que génère la révolution numérique, figure le rapport de l’entreprise aux clients .« Il y a une reconquête émotionnelle de la relation avec le client », explique Jean-Pierre Corniou. Ainsi, « des entreprises comme Oasis et Red Bull ont commencé à créer des communautés, afin de mieux connaître leurs clients finaux », illustre Christian Poyau. L’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux permet à ces entreprises, dont les produits sont distribués par la grande distribution, de tisser un lien direct avec les clients.

Partant, l’utilisation de produits connectés constitue une opportunité supplémentaire dans ce champ. Exemple, avec Piaggio, fabricant de scooters. L’entreprise vendait la moitié de sa production de scooters à trois roues dans une seule ville, Paris. Mais pourquoi ? Mystère… « Piaggio n’avait pas accès à ses clients finaux. Donc, ils n’arrivaient pas à reproduire ce succès commercial dans d’autres villes », explique Didier Mamma, pour qui, là aussi, l’entreprise ne connaît pas vraiment son client final. Mais à présent elle dispose d’un outil supplémentaire, avec la mise en relation des capteurs sur le scooter, qui permettent la maintenance prédictive du véhicule et les applications pour smarphone de la marque, destinées à apporter des services complémentaires aux clients. Un lien plus direct peut se retisser entre ces derniers et Piaggio.

Avantage supplémentaire, en plus de mieux connaître son client, l’entreprise numérique a également la possibilité de le faire travailler, notamment en stimulant la création de communautés d’utilisateurs experts qui vont donner des conseils aux nouveaux, pour utiliser les produits ou services de l’entreprise.

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