Miroir, ô mon miroir...

Miroir, ô mon miroir...

Ainsi donc, nous pouvons en toute impunité traiter notre prochain de « crétin », notre voisin de bureau « d’incapable » et même pourquoi pas le responsable de notre copropriété de « président failli ». Ce sont les gracieux épithètes choisis par Jean-Luc Mélenchon pour qualifier François Logerot, président de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, lorsque celui-ci eut osé émettre un signalement sur des soupçons d’irrégularité des comptes de l’Insoumis en chef lors de la campagne présidentielle de 2017.
Crime de lèse-majesté, puisque l’on sait que... la République, c’est lui, il l’a crié assez fort lors d’une perquisition à son domicile effectuée devant des caméras de télévision.
La 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, spécialisée dans les affaires de presse, vient de relaxer le patron de LFI car ses propos peu amènes envers M. Logerot « ne dépassent pas les limites admissibles de la
liberté d’expression
 » et sont « dénués de caractère vulgaire ou ordurier  ». Même si, taquins, les magistrats ont quand même noté « une dose d’exagération ». Mélenchon a donc bénéficié «  de l’excuse de la bonne foi  ». Le tribunal n’a pas été jusqu’à quantifier la dose, petite ou grande, d’exagération. Pour ma part, je ne céderai pas à la tentation pourtant grande de tester « les limites de la liberté d’expression » avec ou sans « exagération » et même « de bonne foi  » en traitant mon prochain de crétin. J’aurais tellement peur qu’il me tende un miroir...

Si les violences faites aux femmes sont insupportables, si malheureusement chaque jour en apporte son lot dans la rubrique faits divers, si ce combat est encore davantage que légitime, la façon de le mener de Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente et porte-parole nationale d’Europe Écologie Les Verts, et de quelques autres personnalités politiques m’interroge. Car cette façon expéditive d’excommunier des élus suspectés avant même qu’ils ne soient jugés - et éventuellement condamnés - est troublante. Il y a dans cette attitude un petit quelque chose rappelant Antoine Fouquier-Tinville, qui fut le grand accusateur public des temps révolutionnaires, envoyant en nombre ces concitoyens au rasoir national du docteur Guillotin. Pour douloureuses et scandaleuses qu’elles soient, ces affaires doivent d’abord être traitées par la Justice, seule autorité habilitée dans une société de droit à juger en toute équité et à prononcer une condamnation. C’est à l’institution de laver le linge sale des familles et de prendre toutes dispositions pour éviter les récidives. Même animées par de bons sentiments, même pour une cause juste, les déclarations médiatiques fracassantes portent en elles le germe de l’intolérance. Elles agacent aussi. Elles décrédibilisent une lutte nécessaire et urgente ou, dit autrement, atteignent le but exactement contraire à celui recherché.
Entrez ici Quatennens et autres Bayou, qui sont suspects, et seulement suspects, pour le moment.

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