Offre anormalement (...)

Offre anormalement basse et indemnisation du candidat arrivé en seconde position

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’Appel de Paris a confirmé que le candidat arrivé en seconde position peut obtenir,
au-delà de l’annulation de la procédure, une importante indemnisation si l’acheteur public attribue le marché à une offre
anormalement basse [1]

En application de l’article 55 du Code des marchés publics, le pouvoir
adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement
basse doit solliciter auprès de son auteur les précisions et justifications
nécessaires de nature à justifier le prix proposé. Ce principe
s’applique à l’ensemble des procédures de passation. On sait les
difficultés que la mise en oeuvre de cet état de droit peut engendrer.
Pour caractériser le caractère anormalement bas ou non d’une offre,
la collectivité ne peut pas, en effet, se borner à constater l’écart de
prix important entre les offres et doit rechercher si le prix est, en
tant que tel, manifestement sous-évalué et qu’il risque, à ce titre, de
compromettre la bonne exécution du marché. L’une des astuces mises
en place par les collectivités consiste à demander aux candidats de
remplir un bordereau de prix détaillé pour vérifier que le détail du
prix proposé par les candidats est cohérent.

Le juge sanctionne toute erreur manifeste d’appréciation de l’acheteur
public qui viendrait à attribuer le marché à une offre anormalement
basse.

Les faits de l’espèce sont caractéristiques du contrôle opéré par le juge
administratif sur le caractère anormalement bas d’une offre déposée
par un candidat. Dans le cadre d’un marché portant sur l’exploitation
de cinq déchetteries, la société SEPUR a ainsi déposé une offre présentant
un montant inférieur de 40% par rapport à l’estimation de la
collectivité, et inférieure de 20 à 40% aux offres des autres candidats.
Le marché ayant été attribué à la société SEPUR, la société OURY a
saisi le juge en soutenant que la procédure était irrégulière à raison
de l’attribution du marché à une offre anormalement basse.

Reprenant la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’Etat, la Cour
a, tout d’abord, rappelé que l’important écart de prix existant entre
l’offre déposée par la société SEPUR et les autres candidats ne permet
pas, en tant que tel, de caractériser la présence d’une offre anormalement
basse. Toutefois, et c’est le premier intérêt de cet arrêt, le juge
s’est livré à une analyse poussée et détaillée de l’offre déposée par
la société SEPUR. Il a, ainsi, constaté que la société SEPUR proposait,
dans sa décomposition du prix, un montant pour la prestation de
gardiennage et d’entretien des déchetteries nettement inférieure aux
autres candidats et surtout cinq fois inférieur au prix qu’avait proposé
cette même société dans le cadre du précédent appel d’offres.
Faute de pouvoir justifier comment le candidat pouvait proposer une
telle diminution de prix pour une même prestation entre deux appels
d’offres, le juge a considéré que l’offre proposée par la société SEPUR
était anormalement basse.

Après avoir constaté l’illégalité de la procédure, le juge a examiné
le montant de l’indemnité à allouer à la société OURY, classée en
seconde position dans la procédure d’appel d’offres contestée. La
société OURY, classée en seconde position et ayant déposé une offre
inférieure à l’estimation du maître de l’ouvrage, s’est logiquement
vue reconnaître des chances sérieuses d’emporter le marché. La Cour
a, ainsi, reconnu la possibilité pour la société OURY d’être indemnisée
du bénéfice net que lui aurait procuré le volume des prestations
escompté. Par une appréciation souveraine, la Cour a alloué à la
société OURY une indemnité de 100.000 euros, soit une indemnité
correspondant à un taux de marge net de 10,1% puisque la société
OURY avait déposé une offre de 987.000 euros.

Cet arrêt confirme que, face à une offre anormalement basse, le risque
encouru par l’acheteur public est double. Au-delà de l’annulation de
la procédure, le candidat classé en seconde position et qui disposait
de chances sérieuses de remporter le marché, peut obtenir le bénéfice
net escompté sans exécuter, pour autant, la prestation objet du marché.
Cette jurisprudence peut s’avérer encore plus désastreuse pour
les acheteurs publics dans les marchés de prestations intellectuelles,
puisque dans ce type de marché, les taux de marge net des candidats
peuvent atteindre 30 à 40%.

[1CAA Paris, 1er octobre 2013, SA OURY, req. n° 12PA03392

deconnecte