Pétrole au plus bas : (...)

Pétrole au plus bas : un baril de poudre pour l’économie ?

Les prix du pétrole ont perdu près de 50 % en six mois. Si à court terme, cette baisse apportera certainement un supplément de croissance à la zone euro, elle contient en germe de nombreux risques…

Les deux références sur le marché du pétrole sont le baril de WTI (West Texas Intermediate) et le baril de Brent. Le premier, également appelé Texas Sweet Light, est la référence sur le marché américain. En juillet 2014, le baril de WTI cotait 105 dollars et aujourd’hui seulement 48, soit une baisse de plus de 50 % en six mois ! En ce qui concerne le baril de Brent de la mer du Nord, qui sert de référence sur les marchés européens notamment, son prix est quant à lui passé de 112 dollars en juillet 2014 à 56 actuellement, soit là encore une baisse de 50 % en six mois !

L’Arabie Saoudite à la manœuvre

Cette baisse s’explique d’abord par le fait que la demande mondiale de pétrole progresse plus faiblement que prévue, au point de conduire à un écart croissant entre capacités de production pétrolière et demande. De plus, l’économie chinoise, très grande consommatrice de pétrole, subit une stagnation prolongée de sa production industrielle, qui se reflète d’ailleurs dans les chiffres de la croissance, et conduit bien entendu à une moindre demande de pétrole.
Mais c’est surtout l’Arabie Saoudite qui joue un rôle non négligeable dans cette chute des prix. En effet, Riyad a longtemps été seule à réduire sa production, afin de maintenir un prix du baril élevé sur les marchés. Mais les dissensions au sein de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) ont amené l’Arabie Saoudite à refuser de réduire sa production quitte à laisser le cours s’effondrer... Par là même, l’Arabie Saoudite cherche à rendre non profitable la production de pétroles de schiste aux États-Unis, qui est en pleine effervescence depuis quelques années, mais dont le coût de production est estimé à environ 70 dollars le baril.

Une baisse de prix qui soutient la demande

La zone euro, et la France en particulier, vont profiter pendant quelques mois d’une conjonction de facteurs très favorables à la demande : dépréciation de l’Euro grâce au quantitative easing de 1 140 milliards d’euros (prévu pour durer jusqu’en 2016), niveau très bas des taux d’intérêt et baisse importante des prix du pétrole. Dès lors, on peut raisonnablement espérer un surcroît de croissance pour 2015 et peut-être 2016. Dans un monde autant dépendant du pétrole, toute la question est alors de savoir combien de temps le prix du baril va rester bas.

Des conséquences négatives à moyen terme

Or, un baril au plus bas est aussi porteur de risques graves. Tout d’abord, la zone euro frôle déjà la déflation, ainsi une baisse du prix du pétrole conduira à maintenir l’inflation très faible alors que la BCE (Banque centrale européenne) fait tout pour la faire remonter à environ 2 % sur moyen terme. De plus, une baisse du prix du pétrole encouragera la consommation d’énergie fossile et rendra plus difficile l’indispensable transition énergétique.
Enfin, certains pays exportateurs de pétrole se retrouveront en difficulté pour équilibrer leur budget, si les prix du pétrole demeurent bas trop longtemps. C’est bien entendu le cas de la Russie, qui subit de plus des sanctions suite aux événements survenus en Ukraine, mais cela concerne aussi le Venezuela et l’Angola. Ces pays craignent donc de conjuguer à terme déficit public et déficit extérieur, ce qui pourrait conduire à une crise sociale et politique, dont on voit déjà les prémices au Venezuela.

Attention au contrechoc !

Mais très prochainement, fin 2015 ou durant l’année 2016, le prix du baril remontera, en raison de la reprise économique dans certains pays et de la baisse de production de pétroles non conventionnels aux États-Unis. Cette dernière a du reste déjà commencé, dans l’indifférence quasi-totale des Européens : on note ainsi une chute brutale de l’investissement dans les pétroles de schiste depuis mi-décembre 2014, qui va déboucher sur une baisse de la production et donc des faillites en cascade, puisque l’essentiel de ces puits sont tenus par de petites sociétés très endettées.
L’inflation risque donc de faire son retour au sein de la zone euro, au moment où le quantitative easing s’arrêtera. On devrait alors assister à une hausse des taux d’intérêt et une réappréciation de l’Euro, bref à un contrechoc négatif sur la demande.
En définitive, les États de la zone euro doivent tirer profit de cette conjoncture favorable pour refonder leur économie. Cela nécessite de réduire la dépendance au pétrole, de s’engager plus avant dans la transition écologique et de monter en gamme dans la production, afin de ne plus faire dépendre leur compétitivité uniquement des coûts.

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