Retraite : vers la (...)

Retraite : vers la pension unique ?

Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites présente une synthèse très didactique de la situation des régimes par répartition. Sans dramatiser les déficits pourtant inquiétants, le rapport évalue les efforts financiers considérables à consentir. Un possible préambule à de (très) profondes réformes..

Voilà plus de trente ans que l’alerte a été sonnée : la question des retraites ne saurait disparaître d’elle-même du paysage des préoccupations ordinaires. Non que rien n’ait été entrepris en vue de prévenir le sinistre annoncé des régimes obligatoires par répartition : on ne compte plus le nombre d’aménagements ou de réformes qui ont été proposés depuis lors, et quelquefois rendus opérationnels – dans la douleur. Car il y a un fond de vérité dans les quolibets dont nous gratifie régulièrement la presse anglo-saxonne. Selon lesquels le Français aspirerait à devenir fonctionnaire dans sa vie active, et retraité le plus tôt possible. Cela ne signifie pas pour autant que l’Hexagonal moyen soit un paresseux congénital. Mais plutôt que son travail lui procure, le plus souvent, tellement peu de satisfactions qu’il désire en être libéré au plus tôt. Un sentiment qui tendrait plus à se généraliser qu’à se résorber, entretenu par l’espoir insensé distillé au début de l’ère mitterrandienne - la généralisation de la retraite à 60 ans. Ce qui est effectivement possible, sous réserve que les pensions servies soient rikiki.

En attendant que le travail constitue un plaisir irremplaçable pour la majorité des salariés, il faut bien faire face au quotidien. Et trouver les moyens de juguler l’hémorragie financière que subissent les régimes de retraite, avant que les dettes accumulées ne fassent déborder la marmite : pour 2011, les besoins de financement des régimes se sont élevés à 14 milliards d’euros, ce qui n’est pas vraiment anecdotique. Sans doute est-il opportun de rappeler, en cette occasion, que ni le taux de cotisation, ni le montant des prestations ne peuvent être formellement garantis. Les taux de cotisation représentent aujourd’hui plus du double de leur valeur originelle ; comme bien d’autres pays, la France a par ailleurs durci l’octroi des pensions de réversion, désormais soumises à conditions de ressources du bénéficiaire. D’autres pays, pressés par la nécessité, sont allés beaucoup plus loin dans une démarche similaire : en Grèce, par exemple, les pensions ont été durement écornées au-dessus d’un seuil à peine supérieur au revenu de survie. Ce qui ne déprécie pas pour autant la répartition par rapport à la capitalisation : dans les (nombreux) pays où ce dernier système prédomine, les retraités sont soumis aux aléas de la conjoncture boursière et quelquefois obligés de reprendre une activité à un âge avancé. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est possible de s’abstraire ni des réalités démographiques, ni du contexte économique.

Un écheveau de complexité

Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) [1] vient à point pour établir l’état des lieux de notre système. Une centaine de pages, que le citoyen désireux de comprendre les enjeux épluchera dans leur intégralité. Non qu’elles contiennent la recette miracle permettant aux retraités, présents et à venir, de dormir sur leurs deux oreilles. Au contraire. Sans se montrer alarmiste, le rapport évalue les moyens à mobiliser pour pérenniser le système – ils sont considérables, même dans les hypothèses les plus optimistes. Mais face à l’ampleur du problème, ces travaux ont le mérite de revenir aux prémices, c’est-à-dire de reposer la bonne question des objectifs du système. Le Code de la sécurité sociale les a récemment formalisés : « le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle, de solidarité intragénérationnelle, de pérennité financière, de progression du taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans et de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes ». Ce qui fait beaucoup d’objectifs simultanés, convenons-en, n’étant pas nécessairement compatibles, et interagissant dans un environnement de très grande complexité (qui rend peu crédibles les modèles de prévision). Les rapporteurs se sont ainsi employés à vérifier l’adéquation du système à ses objectifs revendiqués, et tenté d’analyser la pertinence des indicateurs utilisés pour le suivi. On renvoie ici le lecteur au rapport, qui dans le détail se veut principalement descriptif.

Mais il résulte de ce travail plus de questionnements que de réponses radicales, les rédacteurs ayant diplomatiquement préféré laisser au politique la responsabilité des choix. Toutefois, la trame de l’avenir des régimes est tracée, dès lors que l’on se sera résolu à hiérarchiser les objectifs avancés, point sur lequel il semble difficile, à l’heure actuelle, d’établir un consensus. Pourtant, les rédacteurs sont assez clairs quand ils évoquent l’objectif de « pérennité financière » qui, rappellent-ils avec bon sens, « constitue une condition de survie du système plus qu’une finalité en soi ». En effet, l’existence même du système est banalement conditionnée à la cohérence de son financement. Le potentiel d’accroissement des cotisations étant probablement limité, vu leur taux déjà élevé, les leviers d’intervention ne résident plus que dans le montant des pensions. Les marges de manœuvre sont a priori limitées sur le volet redistributif – en d’autres termes, la majoration des retraites les plus faibles pour satisfaire à l’objectif du « maintien d’un niveau de vie suffisant ». C’est donc la logique de contributivité qui promet d’être mise à mal, celle qui met le droit à pension en rapport avec les revenus d’activité (donc des cotisations versées). Pour satisfaire à l’équité et répondre aux contraintes financières, on pourrait ainsi s’acheminer vers un régime qui assurera… l’égalité stricte des citoyens, par le versement d’une pension identique à chaque retraité. Et à un âge canonique.

[1Disponible sur le site : http://www.cor-retraites.fr

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