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TPE-PME : le train de mesures pour l’emploi restera-t-il en gare ?

Le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé, le 9 juin, 18 mesures pour lever les freins à l’embauche dans les TPE et PME. Mais en l’absence de reprise durable de l’activité, ce plan n’aura probablement que peu d’effets…

Cet ensemble de dispositions, qui fait suite à la loi Macron, porte l’ambitieux nom de « Tout pour l’emploi des TPE et PME ». Cela laisse donc entendre que les mesures prises sont exhaustives et mobilisent toutes les forces du gouvernement, dans ce qu’il qualifie de « bataille pour la croissance et l’emploi ». Mais si l’aide aux TPE et PME est justifiée, ne serait-ce que parce qu’on dénombre 2,1 millions de TPE et 140 000 PME, qui représentent 50 % de l’emploi salarié en France, il n’en demeure pas moins que de nombreux doutes subsistent sur les effets attendus de ces mesures.

Un Small business act à la française ?

Les 18 mesures annoncées par le gouvernement vont des contrats à durée déterminée qui pourront être renouvelés deux fois, jusqu’au plafonnement des indemnités aux prud’hommes, en passant par une prime à l’embauche pour les entreprises sans salarié, un gel temporaire des seuils sociaux et un assouplissement des Accords de maintien dans l’emploi. Elles font suite à d’autres mesures déjà prises en faveur des TPE-PME, comme la réduction des délais de paiement ou l’accès aux marchés publics.

Face à ce qu’il considère être une fragilité des TPE/PME face aux grands groupes, le gouvernement a donc fait le choix d’un Small business act à la française. Mais faut-il rappeler que les États-Unis se sont dotés d’une telle législation, tendant à favoriser l’intégration des TPE et PME dans le tissu économique, depuis 1953 ? Et que les Américains réservent même une part substantielle des marchés publics aux petites entreprises nationales ? Enfin, qu’aux États-Unis la défense des PME est assurée par une agence fédérale indépendante ? Le plan français en est encore bien loin !

Peu d’effet sur l’embauche des TPE

Dès lors, que peut-on attendre de ces mesures ? Tout d’abord, la prime à l’embauche de 4 000 euros vise ces 55 % de TPE qui n’ont aucun salarié ; le gouvernement se prend alors à rêver de création d’emplois par dizaines de milliers, si ces 1,2 million d’entreprises profitaient du dispositif. Ce calcul néglige cependant que le montant de cette prime, relativement faible, n’a que peu de chance de déclencher une « grande vague » de recrutements. Mais surtout, l’embauche est avant tout liée à une augmentation de l’activité de l’entreprise et moins à des avantages financiers.
On ne comprend donc pas très bien pourquoi le gouvernement actionne à nouveau le levier financier pour créer de l’emploi, d’autant que, d’après les premières analyses, le Pacte de responsabilité ne semble pas non plus s’accompagner d’embauches massives. Gare alors aux effets d’aubaine !

Une précarisation de l’emploi

De plus, ces mesures vont mettre du temps à produire leurs effets, en premier lieu parce que leur mise en œuvre sera étalée sur deux ans. Ainsi, lorsque certaines auront pris leur envol, d’autres s’éteindront déjà, ce qui est loin d’apporter le choc de simplification ou de confiance tant attendu. Mais pendant ce temps, le chômage restera à des niveaux très élevés et les nouvelles embauches continueront à se faire presqu’exclusivement en CDD (86 %, au dernier trimestre 2014), de plus en plus courts. Ce faisant, la possibilité de renouveler deux fois un CDD ne fera qu’aggraver la précarité de l’emploi et la segmentation entre le contrat à durée indéterminé (CDI) et tous les autres contrats.

Quant au plafonnement des indemnités prud’homales, idée reprise à nos voisins italiens qui les limitent à six mois de salaire pour les entreprises de moins de 15 salariés, il concernera les salariés, en CDI, licenciés sans cause réelle et sérieuse. Il prend appui sur l’hypothèse que la protection de l’emploi serait au fond défavorable à l’emploi lui-même. Or, aucune étude économique ne permet de tirer avec certitude une telle conclusion ; au contraire l’effet net de la protection de l’emploi sur le taux de chômage est ambigu, ce qui signifie que protection plus forte de l’emploi ne rime pas nécessairement avec chômage plus élevé. Mais ce dont on est sûr, c’est que cette mesure, en plus d’exacerber l’opposition entre petites et grandes entreprises, risque fort d’être défavorable aux salariés, dans certains cas.

En définitive, bien que ce plan vise à réduire les incertitudes et à donner de la flexibilité aux entreprises, il n’aura certainement que très peu d’effets sur l’embauche, mais coûtera quelque 200 millions d’euros, selon l’estimation du Ministre de l’Economie. Soyons clair : tant qu’il n’y aura pas de reprise de la croissance – qui continue à jouer l’Arlésienne –, toutes ces « mesurettes » n’auront qu’une utilité très limitée !

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