Transports : faut-il limiter le droit de grève comme en Italie ?
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 7 février 2023
« Mieux encadrer le droit de grève dans les transports en commun ». Avec les manifestations sur la réforme des retraites, cette question – clivante - revient sur le devant de l’actualité. Le think tank libéral d’Agnès Verdier-Molinié (1) s’est penché sur le « modèle italien » qui serait « importable en France moyennant quelques adaptations » et qui prévoit que les cheminots ne peuvent pas débrayer plusieurs jours avant et pendant les vacances scolaires et doivent assurer un « service minimum effectif ».
Même pour des « périodes courtes », on imagine déjà en cas de copié-collé la tête de Philippe Martinez, patron de la CGT, et d’autres responsables syndicaux du secteur du rail...
Avec la loi de 2007 sur la continuité du service public dans les transports réguliers de voyageurs, le dépôt du préavis a été subordonné à une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives. Le délai a été porté de 5 à 13 jours. En pratique, les salariés doivent se déclarer 48 heures avant le début de la grève et l’entreprise prévenir les usagers 24 heures auparavant. Ce texte n’introduit pas de service minimum dans les transports publics terrestres de voyageurs.
Pour autant des pays européens ont imposé, comme l’Italie, une interdiction de grève à durée illimitée dans les services publics essentiels.
Ils sont définis dans les lois de 1990 et de 2000 comme ceux « ayant pour objet de garantir la jouissance des droits de la personne protégés par la Constitution : droits à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité, à la liberté de circulation, à l’assistance et à la prévoyance sociale, à l’éducation et à la liberté de communication. »
L’éventail est donc large et, en France, au vu d’une culture sociale aussi ancienne que complexe, des lois identiques ne manqueraient pas d’être interprétées comme des atteintes au droit de grève...
Chez nos voisins transalpins, les voyageurs ont la garantie d’un service complet de six heures, sur les tranches horaires de bureau (6-9 heures et 18h-21 heures). De même, les dessertes de banlieue et longues distances sont assurées. Et si grève il y a, elle ne peut pas être d’une durée illimitée.
En France, en l’état actuel du droit, l’IFRAP relève que « le Conseil constitutionnel considère qu’il est possible de prévoir des restrictions au droit de grève pour la continuité d’un service public jusqu’à en réquisitionner les membres". De plus le Préambule de la constitution de 1946 disposant à l’alinéa 7 que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », est tout à fait similaire aux dispositions de l’article 40 de la Constitution italienne qui a consacré « une réserve de compétence législative ».
En attendant une (très éventuelle et proche) modification, les Français continueront à faire appel au système D les jours de grève pour se rendre à l’école et au travail. Ils en ont l’habitude, avec déjà trois journées de « mise à pied » pour protester contre la réforme des retraites.
(1). La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques ou Fondation iFRAP est un think tank qui, après 30 années de recherches et de publications visant la performance des dépenses publiques, a été reconnue d’utilité publique par décret en Conseil d’État paru au Journal officiel le 19 novembre 2009.