Valtinée, pièce maîtresse

Valtinée, pièce maîtresse sur l’échiquier des vallées

On emprunte des routes sécurisées, on skie sur des pistes sculptées à travers la nature, on ouvre sans réfléchir le robinet qui offre son eau potable aux villages... Et on oublie que les relations qu’on entretient aujourd’hui avec la montagne ne seraient pas les mêmes sans les hommes qui garantissent son accessibilité. Sans ces entreprises de BTP contre lesquelles on peste quand les feux tricolores qui balisent leurs chantiers écourtent de quelques minutes nos virées en altitude. Sans ces PME, souvent familiales, qui sont une part constituante du tissu économique des vallées, qu’elles maintiennent attractives et vivantes.

Sur l’échiquier du territoire, elles font office de pièces maîtresses. Les ravages de la tempête Alex l’ont démontré, car ce sont ces structures qui se sont retrouvées en première ligne face à l’urgence.

L’implication de la SAS Valtinée, implantée à Saint-Sauveur-sur-Tinée, en est une parfaite illustration.
Une fratrie aux commandes, une trentaine de collaborateurs, des activités dans le bâtiment haut de gamme sur la frange littorale, des chantiers emblématiques dans les stations (piste de la Fédération internationale de ski à Isola 2000, nouvelle piste éclairée d’Auron...), cette société incontournable de la filière BTP azuréenne a été épargnée par les intempéries. "Nous avons eu la chance d’avoir un père très prévoyant. Il a construit, dans les années 1990, une digue de très grande hauteur à l’entrée de notre dépôt", explique Pierre Mario, qui dirige avec ses deux frères (Marc et Laurent) la société créée par son arrière-grand-père en 1927. "Mais au lendemain des intempéries, le samedi matin, nous nous sommes retrouvés sans téléphonie ni internet. Grâce aux moyens satellitaires que nous utilisons sur nos chantiers situés hors des réseaux, nous avons réussi à communiquer entre nous pour organiser un premier état des lieux sur le terrain. Nous avons pu descendre jusqu’au secteur de Bancairon, où la double voie a été emportée".

De Bancairon au Boréon

Pierre Mario dirige avec ses deux frères Marc et Laurent Valtinée DR

Rejointe par les responsables de la subdivision Tinée de la Métropole, arrivés de Saint- Étienne-de-Tinée, l’équipe de Valtinée s’est d’abord attachée à rétablir un accès vers l’aval par l’ancienne route en rive gauche, abandonnée depuis des décennies. "Cette intervention et le travail de nos confrères du bas de la vallée, les entreprises Dana et Maria, ont permis aux secours et à Enedis, dès le dimanche à 14 h, de remonter la Tinée pour atteindre, via Valdeblore et La Colmiane, le secteur de Saint-Martin-Vésubie qui se retrouvait coupé du monde".
Oeuvrant en groupement, tout le BTP tinéen s’est mobilisé pour gérer l’urgence. Aux côtés de Valtinée, les établissements Del Fabro à Saint-Etienne-de-Tinée, Ferrier à Isola ou encore Velozo à Valdeblore ont apporté leur pierre à la réparation, facilitant la circulation, recréant les réseaux d’assainissement et d’eau potable... "Nous avons été dans les premiers à travailler dans la Haute-Vésubie, aux abords du pont Maïssa, puis au Boréon, où nous avons eu pour mission de curer le lac dans le cadre d’un marché à bons de commande que nous avons avec EDF", souligne Pierre Mario. "Nous avons d’abord effectué un relevé photogrammétrique au drone pour évaluer les volumes de matériaux apportés par l’épisode pluvieux". Bilan : 100 000 m3 à évacuer du lac. Et un enjeu de taille : restaurer la circulation de l’eau du torrent jusqu’au barrage, "car EDF en avait besoin pour turbiner. Les apports de l’hydroélectricité sont cruciaux pendant l’hiver, quand le réseau est fortement sollicité". Avec le concours de confrères de la Vésubie et de l’Estéron, Valtinée a réussi à "bouger" quelque 15 000 m3 avant l’arrivée de la neige. "Nous poursuivrons le chantier au printemps".

La force de l’ancrage local

Pour honorer les missions, achevées ou en cours, qui leur ont été confiées par les donneurs d’ordre, les frères Mario ont misé sur l’addition des compétences locales, en s’appuyant sur de la sous-traitance et de la prestation de service. "Plutôt que de louer des machines avec des chauffeurs non habitués aux travaux en montagne, qui sont dangereux, nous avons préféré faire appel aux entreprises des vallées, qui avaient du matériel disponible et du personnel aguerri".
C’est avec cette logique que Valtinée envisage de prendre part au futur grand chantier de la reconstruction. "Nous répondrons aux appels d’offres adaptés à notre taille. Et quand il le faudra, nous nous regrouperons avec d’autres acteurs, car je pense que nous avons une vraie expertise due à notre ancrage territorial. Les élus ont reconnu l’efficacité et la pertinence d’avoir maintenu un tissu économique dans les vallées de la Vésubie et de la Tinée via les marchés à bon de commande. Nous avons malheureusement pu constater que la réactivité a été moins bonne dans la Roya, où il n’y a plus d’entreprises de BTP conséquentes". Et Pierre Mario de conclure : "Les marchés à bons de commande sont des échanges gagnant-gagnant. Ils assurent aux collectivités une force d’intervention et, grâce à l’activité qu’ils génèrent, en complément de celle qui découle des stations de ski, ils soutiennent l’emploi, donc le maintien des populations, dans le haut-pays".

Photo de Une : L’entreprise Valtinée à l’ouvrage sur la réparation des dégâts causés par des mouvements de terre au Boréon. DR JP

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