Projet de loi de Finances

Projet de loi de Finances 2011 : entre maîtrise des déficits et soutien de la croissance

  • le 5 octobre 2010

Présenté en Conseil des Ministres le 29 septembre, le projet de loi de Finances (PLF) pour 2011, s’inscrit dans « le cadre d’une stratégie globale de réduction des déficits publics et d’accompagnement de la reprise de l’activité ». La réduction des niches fiscales devrait rapporter 9,4 milliards d’euros l’an prochain.

Les mesures fiscales, outre l’habituelle actualisation du barème de l’impôt sur le revenu, s’articulent autour de deux axes : « d’une part, la maîtrise des déficits publics, tout en préservant le financement de notre système de solidarité, et d’autre part la poursuite de l’adaptation de notre dispositif fiscal au service de l’économie et de la croissance ».

La mise en œuvre du premier objectif repose sur une réduction des dépenses fiscales, « plutôt que sur une augmentation généralisée des impôts ».

Le désormais fameux « coup de rabot » sur les niches fiscales et sociales se traduit, pour assurer le financement de la réforme des retraites, par la création d’une contribution sur les hauts revenus et revenus du patrimoine, sous la forme d’une majoration de 1 point des taux, qui ne devrait pas être prise en compte dans le calcul du « bouclier fiscal ». Cette contribution devrait porter sur :
- la tranche d’imposition la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu, passant ainsi de 40 % à 41 % ;
- le taux du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et intérêts sur produits de placement à taux fixe et de la retenue à la source sur les dividendes payés à des personnes non résidentes fiscales françaises, actuellement de 18 %, porté à 19 % ;
- le taux applicable aux plus-values sur cession de valeurs mobilières devrait être relevé de 18 % à 19 %, celui applicable aux plus-values immobilières, de 16 % à 17 %.

Dans le même sens, d’autres mesures touchent les ménages, comme la suppression du crédit d’impôt de 115 ou 230 euros sur l’imposition des dividendes, et la taxation dès le premier euro des plus-values mobilières (alors qu’elles ne sont actuellement imposables que si leur montant excède 25 830 euros).

Les entreprises devraient voir supprimé le plafonnement de la quote-part de frais et charges applicable aux dividendes versés dans le cadre du régime des sociétés mère-filles, actuellement fixée à 5 % des dividendes perçus, dans la limite des frais et charges réellement supportés.

Deuxième volet de la réduction des niches, le financement de la dette sociale cible essentiellement le secteur de l’assurance, avec notamment l’assujettissement aux prélèvements sociaux, au fil de l’eau, de la part en euro des contrats d’assurance-vie multisupport (alors qu’actuellement, ils ne subissent cette taxation qu’une seule fois, à la sortie du contrat, ce qui permet d’accroître le montant des intérêts générés et capitalisés chaque année).

Le troisième volet, qui concerne le financement du déficit du budget de l’État et de la Sécurité sociale, prévoit, pour les entreprises, la réintroduction, dans le champ de la taxe sur les véhicules de sociétés, des véhicules immatriculés dans la catégorie N1, mais qui sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou biens. Demeureraient exclus les seuls véhicules N1 dont les caractéristiques intrinsèques les destinent au transport de marchandises.

Par ailleurs, la suppression du taux réduit de TVA sur les offres internet « triple play » devrait toucher tant les entreprises du secteur que la plupart des ménages.

Le PLF prévoit en outre, en matière d’impôt sur le revenu, la réduction de 10 % de l’avantage procuré par les réductions et crédits d’impôt inclus dans le plafonnement des niches. Les dispositifs concernés sont au nombre de 22 et n’incluent ni l’aide fiscale pour l’emploi d’un salarié à domicile, ni le crédit d’impôt au titre des frais de garde des jeunes enfants. Le crédit d’impôt sur les projets photovoltaïques n’est pas concerné par cette mesure, mais a été ramené de 50 % à 25 % dès le 29 septembre 2010, à l’exception de ceux pour lesquels un premier acompte a déjà été versé.

Les dispositifs de souscription au capital des PME prévus en matière d’impôt sur le revenu et d’ISF devraient être recentrés sur les entreprises rencontrant des difficultés d’accès au financement en fonds propres et aménagés, pour en améliorer l’efficacité et la transparence et prévenir les abus.

Enfin, le Gouvernement envisage de supprimer les déclarations multiples d’impôt sur le revenu, en cas de changement de situation matrimoniale en cours d’année, « afin de rétablir l’égalité face au principe de progressivité de l’impôt et de simplifier les obligations déclaratives » : les couples se constituant (mariage, pacs) auraient le choix entre le dépôt d’une seule déclaration commune ou l’imposition distincte de leurs revenus respectifs sur l’ensemble de l’année concernée. L’année de séparation, les contribuables ne devraient déposer que deux déclarations séparées.

Pour la réalisation du second objectif, le gouvernement a choisi de « poursuivre les réformes d’adaptation de notre système fiscal, engagées depuis 2007, afin d’accompagner ainsi la reprise de l’activité ». À ce titre, le PLF prévoit la pérennisation du remboursement immédiat du crédit d’impôt recherche en faveur des PME et l’allégement de la fiscalité sur les brevets, avec la suppression de la limite de déduction applicable aux redevances de concession de brevets ou inventions brevetables entre entreprises liées.

Il est également prévu d’encourager le développement des territoires ruraux par un aménagement du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique et des aides à la création et à la reprise d’entreprises dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones d’aide à finalité régionale (AFR).

Seule mesure de la loi TEPA remise en cause, le crédit d’impôt sur le revenu à raison des intérêts d’emprunt contractés pour l’acquisition ou la construction de la résidence principale serait remplacé par un prêt à taux zéro renforcé, en faveur des primo-accédants pour l’acquisition d’une résidence principale.

Enfin, le gouvernement a décidé de taxer les emblématiques stock-options et retraites-chapeaux ; on peut déplorer une fiscalité quasi-confiscatoire des stock-options malgré leur réelle utilité économique en tant que rémunération différée.

Deux points marquants à retenir : la fiscalité écologique marque nettement le pas et
le bouclier fiscal a été entamé, mais globalement préservé. Jusqu’à quand ? Christine Lagarde a récemment évoqué sa possible disparition accompagnée, il est vrai, d’une suppression de l’ISF.

Par Yves-Jean LE CAM, avocat associé en droit fiscal, et Frédérique MAZUREK, juriste fiscaliste

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