Assurance-vie 2013 : (...)

Assurance-vie 2013 : un millésime honorable

Les performances de l’assurance-vie vont afficher une légère baisse, cohérente avec l’évolution des taux d’intérêt. Mais les rendements demeurent très honorables. Laissant supposer que les portefeuilles comportent des obligations souveraines plutôt risquées. Un pari sur la réussite des cures d’austérité.

Voilà qui est décidé : nos petites économies de l’Ecureuil ne seront pas grignotées par la baisse conjuguée des taux d’intérêt et de l’inflation. La rémunération du Livret A demeure fixée à 1,25%, au moins pour le semestre en cours : c’est 0,50% de plus que sa détermination réglementaire, un bonus attribuable à la bienveillance du ministre des Finances, dont la popularité est inversement proportionnelle à l’évolution des impôts. Cette question étant réglée, voici maintenant venir la saison de résultats très attendus : la performance des contrats d’assurance-vie, qui concentrent une large fraction de l’épargne financière des Français. Et qui, à ce titre, font l’objet de toute l’attention des pouvoirs publics, à la fois comme gisement possible de nouveaux prélèvements et comme source de financement des entreprises, compte tenu de la timidité du secteur bancaire face aux besoins des TPE et des PME.

Des initiatives ont déjà vu le jour. La création récente des contrats « euro-croissance » vise à inciter l’épargnant à s’exposer au risque des actions. Pas d’avantage particulier sur le plan fiscal, mais ces contrats cherchent à marier la sécurité que plébiscitent les assurés avec les contrats « en euros » - dotés d’un rendement minimum et du fameux effet de cliquet – et l’espérance d’un rendement supérieur (les actions sont réputées plus rémunératrices… sur le long terme). Ainsi, ces contrats garantissent le capital investi, mais seulement à l’échéance de la huitième année. Une façon de contourner l’aversion au risque, mais qui ne devrait pas connaître un succès foudroyant : même si la garantie offerte n’est que modérément sécurisante, elle a un coût. Qui altèrera nécessairement la performance : en dépit de la créativité de l’ingénierie financière, il n’existe toujours pas de moyen d’obtenir le beurre et l’argent du beurre…

Sur le plan fiscal, ont doit noter quelques nouvelles velléités de ponctionner le gisement des assurés. D’abord, avec l’application des prélèvements fiscaux au taux en vigueur au moment du fait générateur, et non plus au taux historique. Cette disposition de la loi de Finances pour 2014 a été validée par le Conseil constitutionnel, en dépit de son caractère rétroactif. Avec toutefois une réserve pour les produits acquis pendant les huit premières années (le taux historique est maintenu sur les contrats conclus entre le 1er janvier 1990 et le 25 septembre 1997) : une nouvelle usine à gaz dans les logiciels de gestion des assureurs. En revanche, le Conseil a retoqué le projet de considérer les intérêts capitalisés comme un revenu, à prendre en compte dans le plafonnement de l’ISF. Cet aspect est loin d’être anodin, si l’on considère que le quart, environ, de l’encours en assurance-vie, se concentre sur 1% des souscripteurs. Il y a donc un stock de très, très gros contrats, dont les titulaires sont nécessairement sensibles au plafonnement de l’ISF, et accessoirement au régime favorable de l’assurance en termes de succession. Même si la réglementation est désormais plus restrictive sur ce point particulier, les contrats anciens continuent de bénéficier d’une totale exonération : voilà qui doit chagriner le Trésor, mais toute remise en cause de cet avantage aurait inévitablement un effet déstabilisateur pour les compagnies. Ce qui encourage ces dernières à prêcher sans relâche la « visibilité » en matière fiscale, avec des arguments pertinents.

Performance et sécurité

En dehors des sucreries fiscales, que rapporte l’assurance vie ? La grande majorité des contrats repose sur les fonds en euros, actifs cantonnés principalement constitués d’obligations publiques et privées. Ces fonds sont considérablement moins diversifiés que l’« actif général » d’autrefois, qui regroupait l’ensemble des placements de la compagnie. Les fonds en euros comportent d’autant moins d’actions et d’immeubles que les nouvelles règles de solvabilité sont plus exigeantes en fonds propres pour les actifs dits risqués. Les performances à attendre se regroupent donc, logiquement, autour du rendement moyen des actifs obligataires, toutefois très variable selon la qualité de la signature, et donc le risque encouru.

Un bon exemple est offert, en 2013, par la célèbre association Afer – pionnière indiscutable des contrats contemporains. Son fonds en euros affiche une performance de 3,36% (après frais de gestion mais avant prélèvements sociaux), alors que la moyenne attendue, pour les fonds de taille comparable, se situe autour de 2,70%. Certes, ce fonds se situe régulièrement dans le haut de la fourchette des rendements, grâce à une longue antériorité (création en 1976) et à une grosse capitalisation (40 milliards d’euros). Mais avec moins de 5% investis en actions, les bons résultats ne peuvent être imputables au rebond des valeurs à revenu variable. Les gestionnaires confessent avoir réalisé des opérations opportunes sur les obligations d’Etat espagnoles et italiennes – dont le rendement à l’émission était élevé au cours du premier trimestre de l’année dernière. Depuis lors, les marchés ont nettement relâché la pression sur ces deux pays : leurs titres se sont donc fortement valorisés. Pour autant, la situation financière de ces Etats ne s’est pas vraiment améliorée et leur solvabilité réelle demeure incertaine. Tout comme, du reste, bon nombre d’émetteurs européens, omniprésents dans le portefeuille des assureurs. Il en résulte une situation inconfortable pour l’assuré français : en sa qualité de contribuable, il peste contre la rigueur qui l’accable d’impôts ; en sa qualité d’épargnant, il croise les doigts pour que les Etats impécunieux pratiquent autant d’austérité que nécessaire pour honorer leurs dettes. Et qu’aucun n’ait la fâcheuse idée de faire défaut ou d’abandonner l’euro…

Visuel : © Jake and Lindsay Sherbert

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